L’AP n’adresse plus ses patients aux hôpitaux israéliens
Un porte-parole accuse Israël de surfacturer les Palestiniens et de déduire les frais médicaux des impôts sans permission ; le ministère des Finances invoque le protocole de Paris
Le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne a arrêté d’envoyer des patients de Cisjordanie ou de Gaza dans les hôpitaux israéliens, a confirmé un responsable palestinien lundi.
Des agences de presse gouvernementales et des médias indépendants ont rapporté la semaine dernière que l’AP n’envoyait plus ses malades en Israël.
« Nous n’adresserons plus de patients aux hôpitaux israéliens parce qu’Israël nous surfacture les services médicaux et prend des fonds pour régler les factures médicales sans notre permission », a déclaré Osama al-Najjar, porte-parole du ministère de la Santé au Times of Israël.
L’AP a longtemps réglé les factures médicales des Palestiniens après que des malades ont été envoyés dans des hôpitaux israéliens – quand les hôpitaux palestiniens ne pouvaient pas les prendre en charge, par manque de ressources. Selon Najjar, l’AP a fait suivre l’an dernier 50 000 patients palestiniens dans des hôpitaux israéliens.
Najjar a déclaré que le ministère des Finances israélien, qui déduit les factures médicales des revenus fiscaux que l’Etat hébreu perçoit pour le compte de l’AP et lui reverse, s’est refusé à chercher des solutions avec Ramallah.
« Nous avons dit aux responsables israéliens que nous voulions trouver une solution à ce problème, mais ils ont refusé », a-t-il dit, ajoutant que l’AP avait payé près de 100 millions de dollars l’an dernier en frais de santé. « Donc nous avons décidé de prendre cette décision. Nous ne pouvons pas laisser Israël nous prendre notre argent contre notre volonté. »
Interrogé sur les accusations lancées par Najjar, le ministère des Finances a déclaré que « conformément au protocole de Paris et au droit israélien, le ministère des Finances déduit des revenus (fiscaux) collectés pour le compte de l’Autorité palestinienne les paiements qu’elle – ou que les organes sous son contrôle – nous doivent. Ce qui inclut la prise en charge dans les hôpitaux israéliens des patients palestiniens adressés par l’AP. Cela est réalisé en toute transparence et conformément aux protocoles. »
Le protocole de Paris est une annexe des Accords d’Oslo, les accords qu’Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) ont signés dans les années 1990 et qui définissent les relations économiques entre l’Etat hébreu et l’AP.
Le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires palestiniens (COGAT), une branche du ministère de la Défense chargé de la liaison avec les Palestiniens, a refusé de commenter.
Najjar a ajouté que si Ramallah n’adressait plus ses patients aux hôpitaux israéliens, ils sont toujours envoyés dans les hôpitaux de Jérusalem-Est.
Il existe six hôpitaux gérés par les Palestiniens à Jérusalem-Est.
Najjar a également déclaré que l’AP enverra dorénavant les patients dont la prise en charge ne sera pas suffisante dans les hôpitaux palestiniens ou à Jérusalem-Est « vers des centres médicaux jordaniens, égyptiens, ou autres. »
« Nous avons des alternatives aux hôpitaux israéliens, et nous allons les exploiter », a-t-il dit.
Mahmoud Daher, chef de la division de Gaza au sein de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a déclaré qu’on ignore encore si la décision de l’AP aura des répercussions négatives sur les patients palestiniens.
« Nous ne connaissons pas encore les conséquences de cette décision », a déclaré Daher au téléphone. « Tout dépendra de la capacité effective du ministère de la Santé à envoyer les patients qui ont besoin de traitements spéciaux en Jordanie et en Egypte. Le temps nous le dira. »
Selon Najjar, l’AP aurait déja conclu un accord dimanche avec un hôpital jordanien concernant la prise en charge d’un certain nombre de malades.
Un responsable de l’ONG Physicians for Human Rights-Israël a déclaré qu’elle estimait qu’Israël aurait dû autoriser l’AP à payer ce qu’elle pouvait pour les frais médicaux investis dans les hôpitaux.
« Etant donné qu’Israël a une influence décisive sur le quotidien, sur l’économie et sur la santé des Palestiniens, et au vu de l’occupation exercée par le pays, il aurait dû, au moins, autoriser l’Autorité palestinienne à acheter des services au prix qu’elle peut payer », a estimé Mor Efrat, directrice du département des Territoires occupés au sein de l’ONG, dans un message.