Israël en guerre - Jour 426

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L’armée déclassifie des informations pour les 50 ans de la guerre du Kippour

Le nouveau site du ministère de la Défense publie 20 000 dossiers, renseignements inédits, journaux de bord du commandant SIGINT et témoignages de la chute de l'avant-poste Hermon

Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

Un char Sho’t Kal (Centurion) de Tsahal progresse dans le nord du plateau du Golan, le 11 octobre 1973, lors d’une contre-attaque de la 7e Brigade ou de la 179e Brigade pendant la guerre du Yom Kippour. (Crédit : Avraham Vered/Archives du ministère de la Défense)
Un char Sho’t Kal (Centurion) de Tsahal progresse dans le nord du plateau du Golan, le 11 octobre 1973, lors d’une contre-attaque de la 7e Brigade ou de la 179e Brigade pendant la guerre du Yom Kippour. (Crédit : Avraham Vered/Archives du ministère de la Défense)

A l’occasion du 50e anniversaire de la guerre du Kippour, cette année, le ministère de la Défense a lancé ce dimanche un nouveau site Internet avec des dizaines de documents, images, vidéos et autres fichiers récemment déclassifiés, datant de 1973.

Parmi les documents publiés pour la première fois se trouvent des évaluations de la direction du renseignement militaire du mois précédant le conflit, soumises plus tard à une commission d’enquête sur la guerre, les journaux intimes du général de brigade Yoel Ben-Porat, chef de l’unité de renseignement des transmissions de l’armée israélienne, qui y décrit les faillites du renseignement avant la guerre et enfin des témoignages de la chute de l’avant-poste Hermon au premier jour du conflit.

Au total, le site Internet (lien en hébreu) comprend 15 301 photographies, 6 085 documents, 215 vidéos, 40 enregistrements audio et 169 cartes de la guerre du Kippour, dont certains n’ont été que très récemment déclassifiés.

« Le site Internet de la guerre du Kippour a été créé afin de raconter l’histoire de la génération de cette guerre, de rendre hommage à la bravoure des combattants et d’être une plate-forme officielle de transmission de l’héritage de la guerre aux générations futures », a déclaré le ministère dans un communiqué.

L’évaluation finale des renseignements par Tsahal quelques heures avant le conflit

Les extraits fournis par le ministère de l’évaluation finale du renseignement militaire de Tsahal avant la guerre, le 6 octobre 1973, à 9 heures du matin, montrent qu’Israël n’était toujours pas sûr que l’Égypte et la Syrie lanceraient une attaque surprise quelques heures plus tard.

« Il nous semble que l’Egypte et la Syrie coordonnent leur action… Les armées d’Egypte et de Syrie sont dans l’ensemble prêtes pour la guerre, les forces proches des frontières sont d’une magnitude sans précédent. Si la décision est prise au niveau stratégique de lancer les hostilités, cela pourra être fait avec les forces en présence, sans besoin de préparatifs supplémentaires … Nous supposons que l’échelon stratégique, en Égypte comme en Syrie, est conscient des risques encourus et de l’éventualité d’un échec. Par ailleurs, nous assistons à de vastes préparatifs militaires et nous disposons d’éléments plaidant en faveur d’un déclenchement immédiat de la guerre », peut-on lire dans l’évaluation aujourd’hui déclassifiée .

Une position militaire israélienne à Ras Sedr, dans la péninsule du Sinaï, lors d’une tempête de sable ou sous un bombardement le 6 octobre 1973 pendant la guerre du Kippour. (Crédit : Michael Tzarfati/Archives du ministère de la Défense)

Une évaluation publiée un jour plus tôt indiquait : « La probabilité que les Égyptiens aient l’intention de reprendre les combats est faible… La probabilité d’une action syrienne indépendante (sans les Egyptiens) reste faible. »

Nombre d’autres évaluations et documents issus de la direction du renseignement militaire de Tsahal, qui seront ensuite présentés à la Commission Agranat, sont publiés par le ministère de la Défense sur ce tout nouveau site Internet.

Le Mossad a su une semaine avant : « Guerre imminente »

Dans son journal de bord, Ben-Porat regrette que l’agence d’espionnage du Mossad ait su, une semaine à l’avance, que l’Egypte comptait lancer une attaque surprise pour Yom Kippour, sans en transmettre l’information formellement aux services de la Première ministre, Golda Meir, ou à d’autres responsables.

Yoel Ben-Porat (Crédit : Wikipédia)

« Vendredi à 2h30 du matin (36 heures avant les combats), un télégramme crypté est arrivé au Mossad avec des codes ambigus, mais deux mots ne laissaient aucune place au doute : guerre imminente », lit-on dans cette partie du journal déclassifiée.

« À l’exception de ces trois personnes (le chef du Mossad, le chef de bureau et le chef du renseignement militaire), personne n’a eu vent de l’information – ni la Première ministre, ni le ministre de la Défense, ni le chef d’état-major », a ajouté Ben-Porat, qui dirigeait alors l’unité SIGINT (renseignement d’origine automatique).

La chute de l’avant-poste Hermon

Le ministère de la Défense publie également les témoignages du lieutenant Gadi Zidover, commandant de l’avant-poste Hermon sur le plateau du Golan, et du sergent David Nahliel, soldat Golani, qui sont parvenus à quitter le poste au moment de l’invasion syrienne, le premier jour de la guerre. Ils disent le manque de préparation au combat de l’avant-poste et donnent des détails sur la bataille qui coûtera la vie à de nombreux soldats, sans compter qui seront fait prisonniers. Zidover s’était retiré de l’avant-poste avec Nahliel et quelques soldats au moment de l’invasion.

« Nous avons entendu des cris en arabe et des balles qui frappaient les portes. C’est à ce moment-là que les soldats ont commencé à paniquer… Les soldats chargés de la sécurité à la porte n’avaient qu’un chargeur, pas de ceinture, pas de grenades et pas d’armes. Après avoir tiré quelques balles et touché quelques Syriens, ils seraient morts », explique Zidover.

Carte d’Etat major illustrant la situation militaire sur le front du plateau du Golan pendant la guerre du Kippour, dans l’après-midi du 7 octobre 1973. (Crédit : Archives du ministère de la Défense)

« J’avais deux chargeurs, les autres n’avaient ni armes ni munitions. J’avais une grenade… J’ai vu qu’il ne servait à rien de se battre… J’ai crié pour rassembler mes hommes », a-t-il déclaré.

Dans son témoignage, Nahliel est questionné sur l’information donnée aux soldats de l’avant-poste : avaient-ils ou non reçu l’ordre d’être en alerte ?

« Nous savions qu’il y avait une alerte, mais nous n’avons pas pensé que c’était la guerre, seulement des combats. Il n’était pas clair pour nous que la guerre avait commencé », a déclaré le soldat.

« Samedi à 14 heures, l’avant-poste a été bombardé. Il se trouve que j’étais près du poste d’observation avec le commandant du poste et le commandant du peloton Golani. Le poste d’observation a été touché et nous sommes tous rentrés en avion », a déclaré Nahliel.

« Nous avons ouvert le feu sur eux. J’ai vu qu’un Syrien tirait sur la position antiaérienne… Et la position a été touchée. Juste au moment où l’opérateur de mitrailleuse lourde a commencé à riposter, parce qu’il était un peu visible, il a pris une rafale de coups de feu au cœur. Il est tombé et a crié : « J’ai été touché. » Le commandant du peloton et moi l’avons attrapé et tiré à l’intérieur », a poursuivi le soldat.

« Tous les hommes de l’avant-poste étaient en fait des membres de l’armée de l’air et des communications. Ils avaient des armes à feu, mais pas de munitions pour la guerre. Ils ne savaient pas comment se battre et avaient peur », a-t-il ajouté.

L’avant-poste Hermon de Tsahal sur le plateau du Golan le 20 octobre 1973, pendant la guerre du Kippour. (Crédit : Archives du ministère de la Défense)

Le ministère a déclaré qu’il continuerait à enrichir le site Internet avec de nouveaux éléments sur la guerre au fur et à mesure qu’ils sont déclassifiés.

La guerre de 1973 s’est terminée par un cessez-le-feu définitif le 25 octobre, Israël conservant le contrôle de la péninsule du Sinaï et du plateau du Golan, qu’il avait conquis lors de la guerre des Six Jours.

Plus de 2 500 soldats israéliens sont morts et des milliers d’autres ont été blessés dans les combats, et des milliers de soldats égyptiens, syriens et irakiens, sont morts ou ont été blessés.

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