Le cabinet approuve un plan visant à autoriser davantage d’aide dans le nord de Gaza
Smotrich et Ben Gvir s'opposent à l'expansion de la distribution soutenue par l'ONU ; le chef de Tsahal est accusé de ne pas être parvenu à empêcher l'aide de tomber aux mains du Hamas

Le gouvernement a voté en faveur de l’élargissement de la distribution d’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza dans la soirée de samedi, renforçant ainsi les tensions entre le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et les partisans de la ligne dure au sein du cabinet, qui s’opposent à toute forme de cessez-le-feu avec le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui dirige l’une des deux factions ultranationalistes farouchement opposées à tout accord de « reddition », a indiqué dimanche que son parti, Hatzionout HaDatit, « réfléchirait aux mesures à prendre » en réaction à l’approbation de cette extension de la distribution de l’aide dans l’enclave.
Un responsable israélien a confirmé cette décision au Times of Israel, dimanche, précisant que la distribution serait assurée par des organisations internationales.
La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), soutenue par les États-Unis et Israël, est exclue de ce nouveau processus. D’autres groupes humanitaires accusent la GHF d’exposer les Palestiniens en quête d’une précieuse assistance aux tirs des soldats israéliens. La GHF gère trois sites de distribution dans le sud de la bande de Gaza et un dans le centre.
Selon les médias israéliens, Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, à la tête du parti Otzma Yehudit, se sont opposés à cet élargissement de la distribution de l’aide au cours de la réunion, ce qui a donné lieu à un échange houleux avec le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Eyal Zamir.
Smotrich a accusé Zamir d’avoir « échoué massivement » dans son contrôle de la distribution de l’aide. Le général a rétorqué que Smotrich « affaiblissait » les troupes israéliennes, a rapporté la chaîne publique Kan.

Ben Gvir aurait également pressé Zamir sur la question – lui demandant pourquoi l’aide était distribuée alors que cette initiative mettait la vie des soldats en danger. Lorsqu’une vidéo montrant une foule se ruant vers un centre de distribution a été diffusée aux ministres, il a demandé l’arrêt de l’acheminement de toute l’aide humanitaire.
Dimanche, Smotrich a de nouveau attaqué Zamir, écrivant sur le réseau social X que la décision de laisser entrer davantage d’aide à Gaza était « inacceptable ».
« Le chef d’état-major ne remplit pas sa mission qui est de gérer la distribution de l’aide de manière à ce qu’elle n’atteigne pas le Hamas », a affirmé Smotrich dans un long message. Il a accusé Zamir de « forcer les responsables politiques à apporter une aide qui finit entre les mains du Hamas et qui devient un approvisionnement logistique pour l’ennemi en temps de guerre ».
Il a également accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu de ne pas avoir « pris conscience des décisions qui sont celles des dirigeants politiques sur cette question et de ne pas les avoir fait appliquer par le haut commandement de Tsahal ».

En réponse aux déclarations de Smotrich lors de la réunion de samedi, Benny Gantz, chef du parti Kakhol Lavan et ancien chef d’état-major de Tsahal, qui a également été membre du cabinet de guerre de Netanyahu, a écrit sur X que Zamir était « un individu honnête, expérimenté et un homme d’État ».
Il a dénoncé ce qu’il a qualifié de « tentatives de la part des ministres de mettre sur le dos de [Zamir] l’échec politique de l’élimination du pouvoir du Hamas ».
Lors de la réunion de samedi soir, qui visait à discuter de l’accord de cessez-le-feu avec le groupe terroriste palestinien du Hamas afin d’obtenir la libération des otages, Netanyahu a accusé Zamir d’avoir été trop lent à mettre en place un grand complexe humanitaire dans le sud de Gaza pour faciliter le déplacement des civils gazaouis depuis le nord, ce qui permettrait de mieux isoler le Hamas, a rapporté la chaîne publique N12.
Zamir s’était opposé à Netanyahu sur cette question lors d’une réunion du cabinet qui s’était tenue jeudi. À cette occasion, Smotrich avait demandé à Tsahal d’assiéger le nord de Gaza, tandis que le chef d’état-major expliquait qu’une telle initiative obligerait Israël à établir un gouvernement militaire dans la bande de Gaza, ont rapporté les médias israéliens.

La réunion de samedi a eu lieu quelques heures avant le départ de Netanyahou pour les États-Unis, où il doit rencontrer le président Donald Trump, ce qui renforce les pressions exercées sur l’État juif en faveur de la conclusion d’un cessez-le-feu qui ne permettrait de libérer que la moitié des otages toujours détenus. Ben Gvir, qui avait quitté dans gouvernement à la suite d’une précédente trêve conclue entre les deux parties en janvier, a tenté de convaincre Smotrich de former un front uni pour bloquer l’accord actuellement sur la table.
La semaine dernière, Israël a fermé le poste-frontière d’Erez, dans le nord de la bande de Gaza, après que le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a transmis à Tsahal des images montrant des camions de son organisation réquisitionnés par des habitants armés de la bande de Gaza.
Carl Skau, directeur exécutif adjoint du PAM, qui se trouvait sur le sol israélien la semaine dernière, a déclaré au Times of Israel qu’Israël laissait l’agence acheminer cent camions chargés de denrées alimentaires par jour, qui accédaient au nord de Gaza en empruntant le couloir de Netzarim et par le point de passage d’Erez, désormais clos.
« Nous espérons que [Erez] sera bientôt rouvert car c’est le point de transit le plus sûr. C’est le couloir de Netzarim qui est très compliqué », a expliqué Skau, qui a rencontré des responsables israéliens pendant son déplacement et s’est également rendu à Gaza, mercredi, pour y rencontrer des habitants et discuter de la situation humanitaire sur place.

Skau ajouté que le PAM était prêt à faire entrer 500 à 600 camions dans la bande de Gaza dès le lendemain d’un éventuel cessez-le-feu : « Nous avons de quoi nourrir les Gazaouis et nous pouvons nous mobiliser dans les 24 heures. »
L’augmentation de l’acheminement et de la distribution des aides humanitaires, dans le nord de Gaza, sera assurée par des organisations humanitaires internationales, a précisé le responsable.
Lors de la réunion de samedi, le général de division Ghassan Alian, à la tête du Le Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires palestiniens (COGAT), organe relevant du ministère de la Défense, a déclaré aux ministres que presque tous les camions d’aide, à l’exception de ceux du PAM, avaient été pillés, selon Ynet. Les Nations unies ont fait savoir que certains pillages avaient eu lieu autour des centres de distribution, mais qu’ils étaient bien moins nombreux qu’annoncé par Israël et la GHF.
Israël a apporté son soutien à cette dernière en tant que mécanisme alternatif qui permettrait de contourner le Hamas, mais les efforts humanitaires qui ont été livrés par l’organisation se sont heurtés à de nombreux obstacles, n’ouvrant qu’un nombre limité de sites derrière les lignes de Tsahal et à l’écart des des zones où se concentrent désormais les civils de Gaza. Les habitants ont fait état d’incidents meurtriers quasi quotidiens, avec des civils venus chercher de l’aide qui ont essuyé des tirs de la part des soldats israéliens, faisant de nombreuses victimes.
Pour renforcer l’opposition au groupe terroriste palestinien du Hamas et pour protéger l’aide qui entre dans l’enclave, Israël a armé la milice Abu Shabab de la région de Rafah, qui a elle-même été accusée de piller les livraisons.

Dans une interview accordée dimanche à la chaîne publique israélienne arabophone Makan, le chef de la milice, Yasser Abu Shabab, a confirmé pour la première fois que ses forces coopéraient avec Tsahal à certains niveaux, et n’a pas exclu la possibilité d’une guerre civile avec le Hamas.
« Il n’y a pas de sécurité, sauf dans les zones placées sous contrôle israélien. Nous sommes entrés dans ces secteurs et nous avons mené des opérations qui ont dépassé nos attentes », a-t-il déclaré.
« Tant que l’objectif est d’avoir le soutien et l’assistance de l’armée – et rien de plus – cela signifie que quand nous partons en mission, nous les informons – rien de plus. »
Lors de sa réunion de samedi, le cabinet a décidé d’envoyer des négociateurs à Doha pour discuter de la situation à Gaza. Ils sont chargés d’éventuellement finaliser les négociations sur un cessez-le-feu qui permettrait la libération des otages. Toutefois, il a estimé, lors de cette rencontre, que les exigences du Hamas en réponse à une proposition soutenue par les États-Unis et Israël étaient « inacceptables« .

Israël a insisté pour que tout cessez-le-feu soit temporaire – mais le Hamas affirme qu’il doit inclure un moyen de mettre un terme définitif à la guerre. Selon certaines sources, la formulation la plus récente inclurait l’acceptation par Israël de pourparlers sur la fin de la guerre, pendant toute la durée du cessez-le-feu.
Un précédent cessez-le-feu avait été rompu au début du mois de mars, lorsque Netanyahu avait refusé de négocier une deuxième phase, qui aurait nécessité un retrait total d’Israël de Gaza et des pourparlers sur la fin de la guerre, ce qui constituait une ligne rouge pour Ben Gvir et Smotrich.
Ces deux politiciens de droite ont insisté pour que la guerre se poursuive jusqu’à la destruction complète du Hamas, à la suite du pogrom commis par le groupe terroriste palestinien dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023. Ce terrible jour de Shabbat, plus de 1 200 personnes ont été massacrées et 251 autres enlevées et prises en otage à Gaza.
Les groupes terroristes de la bande de Gaza détiennent actuellement 50 otages, dont 49 des 251 personnes enlevées par des terroristes du Hamas le 7 octobre 2023.
Parmi eux se trouvent les corps d’au moins 28 personnes dont le décès a été confirmé par l’armée israélienne, et 20 seraient encore en vie. Les autorités israéliennes ont exprimé de vives inquiétudes concernant le sort de deux autres personnes. Le Hamas détient également le corps d’un soldat de Tsahal tué à Gaza en 2014.