Le chef de Tsahal presse Netanyahu sur le respect de la chaîne de commandement
Aviv Kohavi et le Premier ministre désigné ont convenu de ne faire avancer le projet de loi lié à l'armée qu'après que Tsahal n'en explique les "conséquences et le sens profond"
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Le chef militaire sortant israélien, Aviv Kohavi, a exprimé ses inquiétudes au Premier ministre désigné, Benjamin Netanyahu, concernant les demandes de la coalition qui touchent à l’autorité militaire, a déclaré lundi Tsahal.
L’appel téléphonique de la semaine dernière représente un exemple extrêmement rare d’un chef militaire s’immisçant directement dans les manœuvres politiques, soulignant la teneur de l’inquiétude dans un certain nombre d’institutions israéliennes concernant les réformes prévues par Netanyahu et ses partenaires de la coalition lorsqu’ils prendront le pouvoir.
Tsahal a confirmé que les discussions ont eu lieu à la suite de fuites publiées lundi par des médias israéliens, qui ont déclaré que Kohavi avait eu une discussion avec Netanyahu jeudi.
En réponse à une question du Times of Israel, un porte-parole de l’armée a déclaré que l’appel avait été passé « à la suite d’informations sur d’éventuelles législations relatives à l’armée israélienne ».
« Au cours de la conversation, il a été convenu que les décisions qui sont liées à l’armée ne seront prises qu’une fois que Tsahal aura expliqué les conséquences et le sens profond de ces décisions », a ajouté le porte-parole de l’armée dans une déclaration ultérieure.
Les préoccupations soulevées par Kohavi lors de l’appel comprenaient un projet visant à fournir au chef du parti HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich, un nouveau bureau indépendant en tant que ministre au sein du ministère de la Défense pour superviser les zones de la Cisjordanie entièrement contrôlées par Israël, connues sous le nom de zone C.
Netanyahu a annoncé la semaine dernière qu’il pouvait former une coalition avec les partis Otzma Yehudit, HaTzionout HaDatit, Noam, et ses partenaires ultra-orthodoxes de longue date, le Shas et Yahadout HaTorah, qui ont remporté ensemble 64 sièges à la Knesset, qui en compte 120 au total, lors des élections législatives de novembre.
Aux termes des projets d’accords de coalition, le rôle de Smotrich en tant que ministre au sein du ministère de la Défense lui permettra de nommer les généraux qui dirigent le COGAT (Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires) et son bureau chargé de superviser de nombreuses questions liées aux implantations, l’Administration civile, sous réserve de l’approbation de Netanyahu.
Actuellement, le major général en charge du COGAT est nommé par le ministre de la Défense sur recommandation du chef d’état-major de Tsahal, et le général de brigade qui supervise l’Administration civile est nommé par le chef d’état-major de l’armée.
Kohavi aurait également évoqué le projet du leader d’extrême-droite d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, de prendre le contrôle de la police des frontières de Cisjordanie, dans le cadre de son rôle élargi promis en tant que ministre en charge de la Sécurité nationale. Cette unité est actuellement subordonnée à l’armée et au ministère de la Défense.
Le chef d’état-major de Tsahal, qui quittera ses fonctions le 17 janvier, aurait exprimé sa « profonde inquiétude » quant à ces activités qui nuiront à l’armée.
La Douzième chaîne a cité les propos de Kohavi : « Les changements convenus rompent la chaîne de commandement et portent atteinte à la souveraineté du général du Commandement du Centre et à la responsabilité de Tsahal en [Cisjordanie] ».
Kohavi et Netanyahu n’ont apparemment pas discuté d’une information selon laquelle le nouveau gouvernement cherche à donner au Grand-Rabbinat le contrôle de la sélection du grand rabbin de Tsahal, et à le forcer à suivre les règles religieuses du Rabbinat. La question n’avait apparemment pas encore été relayée au moment de l’appel de jeudi.
L’appel inhabituel de Kohavi à Netanyahu a été approuvé par le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz, a rapporté la chaîne.
Les fuites apparemment coordonnées sur l’appel ont été attribuées par les médias israéliens à une source familière de l’affaire, sans préciser s’il s’agissait de l’armée ou d’un proche de Netanyahu.
Tsahal a nié être à l’origine de la fuite de l’appel, accusant apparemment une source politique d’en être responsable, et a déclaré ne pas être à l’origine des « fausses citations » attribuées à Kohavi.
« Tsahal doit être tenue à l’écart du discours politique », a ajouté l’armée.
Le bureau de Netanyahu a publié une réponse suite à ces informations, indiquant qu’il « ne répondra pas aux questions sur les conversations entre le Premier ministre désigné et les hauts responsables de la Défense ».
Netanyahu a jusqu’au 2 janvier pour conclure officiellement des accords avec ses partenaires de coalition avant que le nouveau gouvernement ne prête serment. Mais aucun des partis n’a encore signé d’accord de coalition final avec le Likud, même si Otzma Yehudit et HaTzionout HaDatit ont annoncé la semaine dernière avoir conclu des ententes avec le parti de Netanyahu.