Le conseil scolaire du Missouri n’interdira pas « Maus », l’ouvrage sur la Shoah
Le livre d'Art Spiegelman va finalement rester dans les rayons des écoles publiques de Nixa. Son retrait avait été envisagé en vertu d'une loi interdisant le "matériel sexuel explicite"
Un conseil scolaire du Missouri a finalement décidé de ne pas interdire Maus, le roman graphique sur la Shoah. Il avait envisagé de le faire en vertu d’une nouvelle loi interdisant la mise à disposition de « matériel sexuel explicite » dans les écoles.
C’est à l’unanimité que le conseil d’administration des écoles publiques de Nixa a voté, mardi soir, pour laisser l’ouvrage, plusieurs fois récompensé, d’Art Spiegelman dans les écoles.
Il a en revanche décidé de retirer ou limiter l’accès à six ouvrages. Deux d’entre eux – une version graphique de « La Servante écarlate » de Margaret Atwood et « Blankets », un mémoire explicite sur l’abandon du christianisme – ont été retirés de crainte qu’ils n’enfreignent la loi, qui sanctionne la mise à disposition de matériel sexuellement explicite aux élèves. Le conseil a également voté le retrait de deux livres, suite à des plaintes de parents, et l’ajout de deux livres, là encore à la demande de parents.
« Le conseil d’administration a voulu examiner tout ce qui était susceptible d’enfreindre cette nouvelle loi, de façon à offrir la meilleure protection possible au personnel de l’école, car cette loi a un caractère pénal », a expliqué Zac Rentz, porte-parole du district, à la Jewish Telegraphic Agency par courriel mercredi. « La différence entre ces livres ? Ils estimaient que Maus n’enfreint pas la loi, les autres oui. »
Rentz avait précédemment déclaré à la JTA que la décision du conseil d’examiner « Maus » en raison de contenus sexuels « ne devait pas être considérée comme une tentative de limiter l’accès des étudiants à l’information sur la Shoah ou une forme d’antisémitisme ».
Selon les médias locaux, vingt-huit personnes se sont exprimées au cours des trois heures de réunion, mardi soir. Certains ont plaidé en faveur de la conservation des livres et d’autres ont fait valoir qu’ils représentaient un danger pour les élèves.
L’ouvrage de Spiegelman a très tôt fait les frais du mouvement national, dirigé par les conservateurs, destiné à faire retirer ou limiter l’accès aux ouvrages des bibliothèques scolaires au contenu considéré comme inapproprié. Un district du Tennessee a voté le retrait de « Maus » de son programme d’études secondaires dès l’an dernier, pour des motifs de blasphèmes et le dessin d’une souris nue, représentation de la mère de l’auteur, après son suicide.
Spiegelman s’est associé au groupe de défense de la liberté d’expression littéraire « PEN America » pour faire pression sur le conseil d’administration de Nixa afin que son ouvrage – et d’autres – demeurent disponibles.

Ce mouvement d’interdiction s’en est très directement pris à des ouvrages au contenu LGBTQ + ou axés sur l’égalité raciale, mais les ouvrages sur la Shoah ou d’autres sujets juifs se sont également retrouvés dans l’oeil du cyclone.
« Nous n’avons pas tiré beaucoup d’expériences du passé, mais certaines choses sont faciles à comprendre », a déclaré Spiegelman lors d’une interview avec PEN America.
« On commence par brûler des livres et on finit par brûler des gens. Il faut donc lutter contre ça. »
Mercredi, PEN America a critiqué la décision du conseil d’administration de Nixa de retirer ou limiter l’accès à certains ouvrages.
« Même si ‘Maus’ reste heureusement disponible, rien ne justifie de priver les élèves des six autres livres », a déclaré Kasey Meehan, directeur du programme Freedom to Read de PEN America, dans un communiqué.
« Ces interdictions sont la conséquence malheureuse – mais prévisible – d’une loi conçue pour faire disparaître certaines idées de la circulation. »
D’autres districts scolaires du Missouri ont interprété cette nouvelle loi interdisant la mise à disposition de « matériel sexuel explicite » comme signifiant que les bandes dessinées et romans graphiques, en particulier, exposent les membres du personnel à des risques pénaux.
Un district près de Saint-Louis a ainsi ordonné à ses personnels de retirer momentanément non seulement Maus, mais aussi des centaines d’autres livres illustrés, parmi lesquels plusieurs livres d’histoire sur la Shoah destinés aux plus jeunes lecteurs.