Le « Fonds de Samarie pour le cinéma » remporte quelques rares soutiens
Mais les réalisateurs et acteurs israéliens les plus influents continuent de critiquer le fonds créé par l’ex-ministre de la Culture, Miri Regev
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
De nombreux cinéastes israéliens avaient d’ores et déjà déclaré leur intention de pas s’associer au tout nouveau « Fonds de Samarie pour le cinéma », destiné à soutenir les films créés par ou à propos de résidents d’implantations. Mais cette fois, des personnalités de l’industrie du film israélien lui témoignent leur soutien.
Des réalisateurs de films et de séries télévisées ont en effet qualifié le fonds de « belle opportunité pour la création artistique », se réjouissant de sa création et du soutien qu’il « apportera à des voix importantes du cinéma israélien, dont certaines peinent à se faire entendre ».
Cette deuxième lettre, soutenue par un plus petit nombre de signataires que la première – critique et endossée par plus de 200 cinéastes israéliens -, compte dans ses rangs le producteur Moshe Edry et les acteurs Shalom Assayag (« Manayak »), Danny Steg et Ohad Knoller (« The Bubble », « Beaufort »).
La toute première lettre manifestait l’intention de ses signataires de ne pas recevoir de subventions, ni de solliciter de soutien pour la production de films, et de ne pas participer à des événements organisés par le fonds.
Cette campagne publique fait suite à des propos tenus par le distributeur de films Ophir Lafa lors du récent festival du film qui a accompagné le lancement du fonds en juillet. Il avait en effet assuré que le fonds ferait en sorte que la cérémonie annuelle des Ophir, l’équivalent israélien des Oscars, rende hommage au cinéma de Cisjordanie.
Les cinéastes protestataires, dont font partie Ari Folman (« Valse avec Bachir », « Où est Anne Frank »), nominé aux Oscars, Nadav Lapid, lauréat de l’Ours d’or au festival de Berlin, Hagai Levy (« Betipul », « The Affair »), Mor Loushy et Daniel Sivan, Eran Kolirin, lauréat de l’Ophir, et des dizaines d’autres cinéastes, en ont appelé à l’Académie israélienne du cinéma et de la télévision afin qu’elle ne donne pas « sa caution à l’occupation », lors de la cérémonie des Ophir Awards prévue le 18 septembre prochain.
« Ce n’est pas la culture qui motive ce festival ou ce ‘Fonds de Samarie pour le cinéma’ … Cela n’a vocation qu’à effacer la Ligne verte et la distinction entre régimes militaires et civils et normaliser les colonies », lit-on dans la lettre. « Le Fonds de Samarie n’est pas un fonds pluraliste : il fait partie intégrante du régime d’apartheid, puisqu’il est ouvert à un groupe ethnique (les Juifs) mais fermé à un autre (les Palestiniens), alors qu’ils vivent au même endroit, » poursuit la missive.
Ils ont invité l’Académie israélienne du cinéma et de la télévision « à ne pas faire du cinéma israélien un nouvel instrument d’oppression du peuple palestinien ».
Ils ont conclu leur lettre en déclarant leur intention de ne pas s’associer au fonds, refusant que la cérémonie des Ophir se tienne dans une zone soumise à « occupation militaire. »

Le fonds a été créé en 2019 par l’ex-ministre de la Culture Miri Regev, critique de longue date de ce qu’elle qualifie de films anti-israéliens produits par des cinéastes israéliens.
Regev considérait que les fonds cinématographiques auxquels le gouvernement allouait des subventions discriminaient les cinéastes des implantations, la communauté arabe et la communauté ultra-orthodoxe.
Le “Fonds de Samarie pour le cinéma” accorde, lui, des subventions aux résidents juifs d’implantations de Cisjordanie et aux productions tournées en Cisjordanie par des ressortissants israéliens. Les résidents palestiniens ne sont pas éligibles à ce fonds.
Yossi Dagan, chef du Conseil Yesha, organisation faîtière des implantations juives en Cisjordanie, est l’un des fondateurs de ce fonds dont il préside le conseil d’administration. La PDG du fonds, Ester Allouche, est également porte-parole du Conseil régional de Samarie.
Le festival inaugural associé à ce fonds a eu lieu début juillet, en présence de Regev, de l’actuel ministre de la Culture Chili Tropper, de responsables de fonds cinématographiques israéliens et des chaînes de télévision.
À l’occasion de cet événement, Regev a « rendu grâce à Dieu d’avoir permis que la révolution que j’ai enclenchée prenne forme ici en Judée-Samarie. Ce soir, nous savourons cette première victoire – le premier festival du film Tamuz, victoire du mouvement des implantations. »
L’an dernier, le fonds avait reçu 139 scénarios de films et accordé des financements à 34 d’entre eux, selon le site Internet du fonds, qui répertorie 21 documentaires et cinq longs-métrages actuellement en cours de production.
Il a également financé le film pour pré-ados sorti en 2021 « Full Speed », sur des adolescents pilotes de voitures de course, filmé dans la vallée du Jourdain avec des acteurs de Tel Aviv.