Le journal intime de Gil-ad Shaar « miraculeusement » remis à ses parents en deuil
Bat-Galim Shaar a rédigé ses mémoires qui incluent aussi des extraits des écrits secrets de son fils, un journal qui a miraculeusement échappé aux flammes lors de l'incendie de la voiture de ses kidnappeurs palestiniens
Dix mois après qu’Ofir et Bat-Galim Shaar ont inhumé leur fils Gil-ad, âgé de 16 ans, l’un des trois adolescents juifs israéliens kidnappés et assassinés par des terroristes du Hamas en Cisjordanie en juin 2014, la police a téléphoné, disant qu’elle souhaitait pouvoir se rendre au domicile familial. Des objets supplémentaires découverts dans la voiture et brûlés par les terroristes, Marwan Kawasme et Amer Abu Aysha, avaient été découverts et devaient être identifiés.
Parmi ces effets personnels, certains que le couple Shaar a reconnus : le châle de prière de leur fils et des lunettes. Mais il y avait quelque chose aussi qu’ils voyaient pour la première fois et dont ils ignoraient l’existence : Un journal intime rédigé par la main de Gil-ad.
Presque un an après la mort de leur enfant, c’était comme si Gil-ad était revenu pour partager ses pensées les plus intimes sur les six derniers mois de son existence, écrites sur les pages d’un cahier à spirale qui avait miraculeusement survécu aux flammes et à l’eau.
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Et ces mots de Gil-ad sont dorénavant partagés avec le monde. Des extraits du journal sont en effet publiés dans un nouveau livre de mémoires, en hébreu, écrit par Bat-Galim Shaar, « Ce qu’une journée peut enfanter », qu’elle a consacré à son travail de deuil. Le journal intime révèle un jeune homme sérieux et conscient de lui-même et des choses, lié à Dieu et à sa communauté, et qui aspirait à vivre conformément à son nom, qui en hébreu signifie « bonheur éternel ».
Les polices israélienne et palestinienne s’étaient affairées autour du véhicule incendié, découvert à proximité de Hébron le 13 juin 2014, au commencement des dix-huit jours de recherche de Gil-ad, Naftali Fraenkel et Eyal Yifrach, lors de l’Opération ‘gardiens de nos frères’. Les pages déchirées et abîmées du journal intime avaient été rassemblées par des agents de la police palestinienne et conservés à Hébron. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’ils avaient été retrouvés et transférés au siège de la police israélienne de Jérusalem.
« Cela a été un miracle qu’il ait été retrouvé. Le journal aurait pu facilement disparaître pour toujours. Cela a été véritablement un miracle », a déclaré Bat-Galim Shaar au Times of Israel lors d’un récent entretien accordé dans un café de la ville de Modiin, dans le centre d’Israël, près du domicile des Shaar qui vivent dans l’implantation de Talmon.
Bat-Galim a travaillé pendant plusieurs semaines auprès de l’experte en chef du service de médecine légale de la police israélienne Sharon Brown pour reconstituer et déchiffrer autant que possible les pages du journal. Ce n’était pas une première pour Brown qui avait déjà travaillé sur les pages du journal appartenant à l’astronaute israélien Ilan Ramon, découvert sur les lieux de l’explosion de la navette spatiale Columbia en 2003.
Comme cela a été montré dans un reportage diffusé par la Deuxième chaîne (et présenté ci-dessous) en hébreu, Brown a utilisé des techniques chimiques ainsi que des filtres lumineux particuliers et des technologies numériques pour reconstituer une partie significative des écrits de Gil-ad. Elle et Bat-Galim ont travaillé sur le déchiffrage à partir d’images des pages, les originaux étant trop fragiles pour être manipulés.
"אין קול ואין עונה ויונה עם נער עדיין מתדפקים על דלת השער"תודה Ofer Hadad על שהבאת את הדמעה וגם את החיוך
Posted by בת גלים שער on Sunday, September 17, 2017
« Parce qu’un grand nombre de mots étaient brouillés ou manquants, nous n’avons pas pu tout reconstituer. Il y a des parties que nous n’avons pas pu rattraper, mais nous en avons retrouvées beaucoup. Et ce que nous avons obtenu est un cadeau qui est pour nous très significatif et très puissant », a commenté Bat-Galim.
Ofir Shaar a indiqué avoir apprécié la force émotionnelle affichée par son épouse alors qu’elle se livrait à ce travail douloureux durant cette première année de deuil.
« Je l’admire pour avoir été capable de découvrir les écrits, ligne par ligne, et d’écouter notre fils qui lui parlait à partir de ces pages. Cela n’a pas été facile », s’est-il exclamé.
Bat-Galim, pour sa part, indique avoir vécu ce processus de travail comme une thérapie. « Cela m’a aidé à traverser le sentiment intense de perte ressenti lors des premiers mois et des premières années. Je pense que cela m’a aidé en fin de compte. Cela m’a aidé à me connecter à Gil-ad », a-t-elle expliqué.
Ecrire ses mémoires a également été un travail thérapeutique pour Bat-Galim. Même si elle n’avait jamais écrit un journal auparavant, elle a commencé à griffonner des notes de manière automatique dans un carnet au cours du premier mois qui a suivi la mort de Gil-ad.
Ofir se rappelle de son épouse sortant le carnet de son portefeuille dans la voiture, pendant des voyages familiaux. Ou de l’avoir vue écrire alors qu’elle était encore dans son lit, aux toutes premières heures de l’aube.
« Je n’ai jamais été une chroniqueuse mais j’ai toujours aimé écrire à l’occasion d’événements familiaux ou pour des choses liées à mon travail d’enseignante. Et là, il a été clair pour moi que j’avais besoin de l’écriture comme d’un exutoire émotionnel. Je me suis sentie contrainte d’écrire », a expliqué Bat-Galim.
Comme sa femme, Ofir a cherché une manière d’exprimer son chagrin à travers la création. Il s’est finalement immergé dans un programme de vidéo-thérapie proposé par l’école de cinéma de Maaleh.
« Lorsqu’on vit un traumatisme, je pense qu’il y a en vous quelque chose qui s’ouvre et qui vous dit : ‘Tu dois essayer, ouvre-toi à de nouvelles expériences et donne-leur une chance’. Ouvrir son coeur et son esprit permet de mettre à distance la douleur, » a-t-il confié.
En quelques mois, Bat-Galim a réalisé qu’elle avait écrit un livre et elle s’est tournée vers un éditeur susceptible de l’aider à transformer ses écrits en un ouvrage de mémoires digne d’être publié. Cela a pris deux ans.
Ce qu’un jour peut enfanter (le titre est emprunté au livre des Proverbes, 27:1) a touché les lecteurs israéliens. Le livre est sorti en librairie le 1er septembre et il est déjà deuxième meilleure vente dans la catégorie des ouvrages non-fictionnels chez Tzomet Sfarim, le deuxième plus important libraire d’Israël (Il n’est pas encore disponible en anglais).
Alors que ces mémoires sont le récit indubitablement intime d’une femme religieuse pratiquante, qui craint Dieu, ses messages essentiels sur la résilience face à l’adversité, la bonté des hommes et des femmes et l’importance de la solidarité sociale et nationale ont une dimension qui touche à l’universalité.
Cela fait un peu plus de trois ans que la famille Shaar, qui a également cinq filles, est soudainement sortie de l’anonymat. Ses membres sont reconnus partout où ils se rendent en Israël. Cette situation a été vécue avec réticence, même si, selon le couple, l’intimité a été le prix à payer pour permettre de faire revivre le souvenir de Gil-ad à travers des conférences publiques et des initiatives d’unité juives, avec notamment la journée de l’unité et le prix de l’unité de Jérusalem.
La famille travaille actuellement sur de nouveaux projets qui ont pour objectif de renforcer les relations entre les Israéliens et les Juifs de la diaspora. Avant que le monde juif ne se rassemble pour « ramener nos garçons » au mois de juin 2014, Ofir et Bat-Galim n’entretenaient aucun lien avec les communautés juives de l’étranger et étaient peu conscients de la relation passionnée entretenue avec Israël par les Juifs de la diaspora.
Le sentiment de fraternité juive apparut clairement au cours des 18 jours de recherche des garçons a donné l’envie au couple Shaar de travailler sur la consolidation de ce liens, en particulier celui qui unit les jeunes générations d’Amérique du nord et l’Etat juif.
Interrogé sur l’important désaccord qui oppose actuellement les Juifs d’Amérique du nord et Israël concernant la prière au Kotel et les questions de pluralisme religieux au sein de l’Etat juif en général, Ofir a estimé que lui et son épouse n’étaient pas en position de s’occuper de questions politiques.
« Nous ne sommes pas dans un rôle qui permet d’examiner le problème en profondeur. Notre démarche est pragmatique et sincère et nous voulons nous concentrer sur le dialogue et l’échange. Si nous [Israéliens et Juifs américains] devons prendre part à ce type de conversations, alors on pourra parler véritablement de ces sujets », a dit Ofir.
Bat-Galim espère que les lecteurs tireront des leçons de la lecture de son livre, la principale étant qu’il ne faut pas attendre que survienne une crise pour se rassembler. Elle espère également que les Israéliens et les Juifs, partout dans le monde, sauront montrer le meilleur d’eux-mêmes également dans les bons moments.
« Au cours de ces 18 jours, la société a été meilleure, plus plaisante et plus tolérante. Les gens ont montré leur bonté. Cela devrait être notre mission personnelle et sociétale d’être unis dans notre pluralisme, bons les uns envers les autres tout en respectant nos différences. Le dialogue doit être différent, plus respectueux », a dit Bat-Galim.
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