Le Libanais chiite qui s’est fait passer pour un Juif se confie à la TV israélienne
Eliyah Hawila a raconté son cheminement vers le judaïsme en grandissant au Liban, ses regrets et sa culpabilité vis-à vis de épouse, et son intention de se convertir en Israël
L’histoire d’un musulman chiite libanais qui s’est fait passer pour un juif ultra-orthodoxe pendant des années et dont la véritable identité n’a été découverte qu’après son mariage avec une membre de la communauté juive syrienne insulaire de Brooklyn a provoqué une onde de choc dans le monde juif et arabe.
Cette révélation a suscité la crainte, et une enquête du FBI, que l’homme, Eliyah Hawila, 23 ans, ne travaille pour un groupe terroriste afin d’infiltrer la communauté juive, et a également suscité l’indignation quant au fait que les rabbins qui supervisaient le mariage n’avaient pas remarqué qu’il s’agissait d’un imposteur.
Mais s’adressant pour la première fois aux médias israéliens dans une interview diffusée dimanche, Hawila a présenté sa version de l’histoire, affirmant qu’il était motivé par son désir de vivre une vie juive, par la douleur d’avoir été rejeté pour la conversion et par son amour pour la jeune femme.
« Je veux juste vous raconter mon histoire de A à Z, et je veux juste vous dire la vérité. Je ne peux plus mentir sur rien », a-t-il déclaré au radiodiffuseur public Kan, s’exprimant dans un anglais parfait.
« Mon mensonge n’est pas justifié, mais en même temps, j’ai menti parce que j’avais mal, mais je veux corriger mon erreur. Je veux qu’ils comprennent d’où vient ma douleur », a-t-il dit.
« Les choses ont commencé à ressortir et les rumeurs ont commencé et ils l’ont emmenée loin de moi, ils l’ont séparée de moi », a-t-il dit dans un sanglot.
Deux semaines après le mariage, la famille de la mariée a découvert des documents à son domicile, dont un passeport libanais sous un autre nom.
Son véritable nom est Ali Hassan Hawila et il est né dans une famille chiite du sud du Liban, a-t-il confirmé à Kan, en montrant une photo du passeport.
« Je suis né au Liban, de parents issus de familles musulmanes chiites. Je vivais dans une ville appelée Tyr. Mon père avait l’habitude de prier et de jeûner comme les musulmans normaux, mais ma mère, elle n’a jamais été religieuse. Je n’avais aucun lien avec l’islam, je n’avais aucun lien avec la religion », a-t-il déclaré.
Hawila a évoqué son sentiment d’absence de lien de parenté ou d’affinité avec ses pairs pendant ses études secondaires au Liban, et il a donc commencé à explorer d’autres religions.
« La première chose que je me rappelle avoir googlé était la Bible juive, et j’ai obtenu une copie du Tana’h, un PDF. J’ai eu le sentiment, vous savez quoi, que c’est juste, que ça ressemble à la parole de Dieu. Alors j’ai commencé à chercher encore et encore, les lois juives, les prières juives. »
Hawila raconte comment il a fabriqué sa propre kippah à partir de carton et de tissu. « Et j’essayais de la cacher à ma mère, de la cacher à tout le monde. »
S’afficher en tant que Juif
Mais son secret a été rapidement découvert.
« Ma mère a commencé à le remarquer. Elle m’a dit : ‘Oh mon dieu, tu dois arrêter, qu’est-ce que tu fais ? Si les gens voient ce que tu fais, tu vas avoir des problèmes' ». Mais je ne me suis pas arrêté, j’ai continué à apprendre de plus en plus », a-t-il déclaré.
« C’est à ça que j’appartiens, c’est comme ça que je me sens connecté, alors j’ai commencé à faire mon coming-out et à dire ‘je suis juif’. Les gens ont commencé à me cracher dessus dans la rue, j’ai commencé à recevoir des menaces de mort, les gens me traitaient de ‘juif, de chien juif’. »
En septembre 2015, la famille a déménagé aux États-Unis, où son père avait la citoyenneté.
« Quand nous sommes arrivés en Amérique, je me suis dit finalement, tu sais quoi, personne ne peut m’arrêter, [même si] mon père veut m’arrêter, il ne peut pas. Alors j’ai commencé à chercher sur Google les synagogues de ma région ».
Il dit s’être tourné vers une communauté réformée locale à Houston et a demandé à se convertir, mais a essuyé un refus.
« Quand j’ai été rejeté, j’ai commencé à dire simplement que je suis juif. Mon nom est Eliyah, et c’est le nom que je me suis choisi parce que j’aime l’histoire du prophète Élie », a déclaré Hawila.
Plus tard, après avoir commencé ses études d’ingénieur au Texas, il est devenu un habitué de la synagogue Habad locale, a été actif dans des organisations juives et pro-israéliennes et a déclaré que personne ne doutait de ses racines juives.
« J’ai quand même dit que je venais du Liban parce que, vous savez, j’ai lu beaucoup de choses sur la communauté juive libanaise et elle m’a impressionné. »
Après la révélation de l’imposture, le directeur du centre Habad de l’université Texas A&M, qui était présent au mariage, a publié une déclaration expliquant ses liens avec Hawila, disant qu’il a commencé à fréquenter le centre en 2018.
Le rabbin Yossi Lazaroff a déclaré que Hawila avait rencontré la jeune femme sur un site de rencontres juif et « s’est faussement présenté à elle comme étant pratiquant. »
« Lorsque la femme et sa famille me l’ont demandé, je les ai informés que sa conduite ne reflétait pas celle d’un juif pleinement observant », a déclaré Lazaroff.
Il a ajouté qu’il est de la responsabilité du rabbin officiant lors d’un mariage juif de déterminer le statut juif du couple.
« Lorsque le rabbin Ezra Zafrani, un rabbin syrien respecté de Lakewood, dans le New Jersey, m’a demandé si Eliyah était juif, je lui ai explicitement répondu que je ne le savais pas et que la personne qui officierait devrait… confirmer de manière indépendante sa judéité », a écrit Lazaroff.
Il a déclaré que lui et sa femme ont assisté au mariage parce qu’ils étaient invités. Lazaroff a ajouté qu’ils savaient que Haliwa n’avait pas de famille qui serait présente et qu’ils ont assisté au mariage en pensant que les rabbins qui officiaient « avaient fait leur travail pour confirmer la judéité du marié ».
Interrogé par Kan quant à d’éventuels regrets, Hawila a répondu : « La culpabilité que j’avais ressentie au départ, elle a grandi d’une certaine manière, mais en même temps, je m’y suis habitué. Ça marche plutôt bien. »
Mais après avoir rencontré la femme sur un site de rencontres juif, les choses ont commencé à se compliquer.
« Quand elle a vu la carte d’identité, j’ai dû inventer quelque chose, alors je lui ai dit, tu sais quoi, c’est une carte d’identité de la NSA, que je suis en mission, des choses comme ça, j’ai juste inventé quelque chose », a-t-il dit en faisant référence à l’Agence nationale de sécurité {National Security Agency].
« Le temps passe et j’ai rencontré ses parents et je leur ai raconté la même histoire. Mais ses parents ont tout inspecté », a-t-il ajouté.
Néanmoins, le mariage a eu lieu.
Au cours de l’interview, Kan a montré une vidéo du mariage somptueux, avec des limousines et une demande en mariage en hélicoptère.
Mais d’autres doutes sont apparus après le mariage, notamment parce qu’aucun parent du marié n’était présent.
« Son père a commencé à chercher sur Google mon nom de famille jusqu’à ce qu’il trouve mon père qui lui dit des choses sur moi, que : ‘Non, il n’est pas juif, il n’est pas ceci, il n’est pas cela.' »
« Alors j’ai commencé à inventer encore plus de choses, je…je…je paniquais, et ils l’ont emmenée loin de moi, ils l’ont séparée de moi », a-t-il dit.
Il a fait l’objet d’une enquête du FBI, après que l’on a soupçonné qu’il pouvait travailler pour un groupe terroriste tentant d’infiltrer la communauté juive. Le sud du Liban est un bastion du groupe terroriste chiite Hezbollah, soutenu par l’Iran.
Quand l’agent du FBI est venu chez moi, j’ai dit : « Monsieur, je vous donne la permission d’espionner tous mes appels téléphoniques, je ne suis affilié à personne ».
Selon les rapports, le FBI n’a rien trouvé d’incriminant laissant penser qu’il était impliqué dans des activités terroristes ou de falsifier des documents.
L’amour de ma vie
Hawila insiste sur le fait qu’il n’a jamais voulu blesser la femme qu’il a épousée, qui n’a pas été identifiée et qui refuse de parler aux médias pour donner sa version des faits.
« Si elle veut me donner une seconde chance, elle peut le faire. Si elle ne le veut pas, je ne peux pas lui en vouloir. Mais je veux qu’elle sache qu’elle est l’amour de ma vie », a déclaré Hawila.
Cependant, même s’il se convertissait légitimement, il ne pourrait pas épouser cette femme en raison d’un décret inhabituel et strict émis par la communauté juive syrienne insulaire des États-Unis en 1935, qui interdit à ses membres d’épouser des convertis.
Mais se convertir reste son objectif, a-t-il dit, affirmant qu’il veut venir en Israël pour le faire.
« Je veux juste me convertir et je veux vivre une vie juive. Je veux me convertir en Israël, je ne veux pas me convertir ici », a-t-il déclaré.
Hawila a déclaré que l’incident avait ruiné sa vie, mais que sa foi était toujours aussi forte.
« Je suis dans un hôtel, je n’ai que quelques centaines de dollars et je pourrais me retrouver sans abri assez rapidement, mais vous savez quoi, toute cette histoire était horrible et maintenant les gens entendent mon histoire », a déclaré Hawila.
« Alors quand je dis ‘Baroukh Hashem‘ (louez le Seigneur) pour le bon et le mauvais, je le pense, parce qu’après chaque malheur il y a du bon, et Hashem (Dieu) aide. »