Israël en guerre - Jour 537

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Analyse

Le plan de Trump pour Gaza ne verra pas le jour, mais il risque de secouer la région

Déplacer les Gazaouis ne fonctionnera pas, mais mettre fin à la guerre contre le Hamas, non plus ; de nouvelles idées étant nécessaires, des solutions plus viables pourraient voir le jour

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le président Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrivant pour une conférence de presse dans la salle Est de la Maison Blanche, à Washington, le 4 février 2025. (Crédit : Evan Vucci/AP)
Le président Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrivant pour une conférence de presse dans la salle Est de la Maison Blanche, à Washington, le 4 février 2025. (Crédit : Evan Vucci/AP)

WASHINGTON – Comme c’est souvent le cas avec Donald Trump, sa rencontre avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu a donné lieu à de nombreuses déclarations qui ont fait les gros titres.

Le président américain a notamment affirmé que les Saoudiens n’exigeaient pas la création d’un État palestinien, que le gouvernement israélien actuel pouvait mener à bien l’accord sur la libération des otages, que l’Iran était « très fort en ce moment » et que les États-Unis deviendraient plus virulents si le groupe terroriste palestinien du Hamas ne libérait pas tous les otages.

Pourtant, la déclaration qui a fait la Une des journaux télévisés du soir aux États-Unis et sur les sites d’information du monde entier concernait l’avenir de Gaza : « Les États-Unis prendront le contrôle de la bande de Gaza, et nous ferons du bon travail. Nous en prendrons possession et nous serons responsables du démantèlement de toutes les dangereuses bombes et autres armes présentes sur le site. »

Trump n’a pas improvisé. Il lisait des notes préparées à l’avance lors de la conférence de presse conjointe avec Netanyahu, le premier dirigeant étranger à se rendre à la Maison Blanche depuis que le républicain a repris ses fonctions en janvier. Bien qu’il prenne souvent des positions inattendues pour obtenir ce qu’il veut sur d’autres sujets, il a semblé sincère sur ce point.

Peu avant, Trump avait déclaré depuis le Bureau ovale qu’il souhaitait que les Palestiniens quittent Gaza et que, idéalement, ils ne reviendraient pas dans cette région déchirée par la guerre.

Netanyahu n’a pas semblé savoir comment réagir à ce plan farfelu. « Je pense qu’il vaut la peine d’y prêter attention », a-t-il déclaré.

Des bâtiments détruits, dans le nord de Gaza lors de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le 29 janvier 2025. (Crédit : Khalil Kahlout/Flash90)

« Nous en parlons. Il l’étudie avec ses collaborateurs, avec son équipe. Je pense que c’est quelque chose qui pourrait changer l’histoire et que cela vaut la peine d’être exploré. »

Ce plan n’est pas près d’être mis en œuvre. Les habitants de Gaza, qui ont survécu à quinze mois d’opérations militaires, ne veulent pas vivre en exil, et Trump n’enverra pas de troupes américaines pour expulser près de deux millions de personnes de la bande de Gaza.

L’Égypte et la Jordanie ne l’accepteront pas non plus, bien que Trump soit convaincu du contraire en raison de leur dépendance à l’égard de l’aide et du soutien militaire américains qui lui donnent suffisamment de poids pour les pousser à accueillir un nombre massif de réfugiés gazaouis. Or pour ces deux pays, la proposition de Trump est inacceptable.

Le régime jordanien vit dans la crainte perpétuelle que la droite israélienne ne mette en œuvre l’idée que la Jordanie est la Palestine et ne traite le royaume hachémite comme l’État palestinien. La Jordanie est déjà majoritairement palestinienne et l’arrivée de centaines de milliers de Palestiniens supplémentaires déstabiliserait un régime qui souffre déjà de sérieux problèmes de légitimité et d’accusations selon lesquelles il sert de faire-valoir à l’Occident contre les intérêts des Palestiniens.

Des électeurs faisant la queue devant un bureau de vote dans le camp d’al-Baqaa pour les réfugiés palestiniens, au nord de la capitale jordanienne, le 10 novembre 2020. (Crédit : Khalil Mazraawi/AFP)

L’Égypte considère également l’afflux potentiel de Gazaouis comme une menace existentielle. Elle a en mémoire la brèche ouverte par le Hamas dans le mur frontalier en 2008, qui avait entraîné l’afflux de près de
700 000 Palestiniens dans le Sinaï. Cet incident avait conduit à l’établissement de nouveaux liens entre les jihadistes du Sinaï et le Hamas, qui avait aidé la filiale du groupe terroriste sunnite État islamique (EI) dans la péninsule à mener une insurrection sanglante contre les forces égyptiennes. Le gouvernement égyptien d’Abdel Fattah al-Sissi considère les Frères musulmans comme son ennemi juré et n’est pas prêt à laisser entrer dans le pays des milliers de terroristes du Hamas, affilié aux Frères musulmans.

Les accords de paix conclus par Israël avec l’Égypte et la Jordanie sont les fondements de sa sécurité nationale, et il ne serait pas judicieux de soutenir une politique susceptible de déstabiliser deux régimes qui coopèrent étroitement sur les questions militaires et de sécurité.

Risques et avantages

Même si ce projet ne se concrétise pas, le simple fait que Trump ait lancé l’idée présente des risques et des avantages.

Des Palestiniens déplacés arrivant dans le nord de la bande de Gaza pour la première fois depuis les premières semaines de la guerre de quinze mois contre le Hamas, le 28 janvier 2025. (Crédit : Jehad Alshrafi/AP)

Vider Gaza des Palestiniens est le rêve de l’extrême droite israélienne, et entendre le président américain soutenir cette idée fera croire aux ultra-nationalistes que cet objectif est réalisable.

Aujourd’hui, même si Netanyahu parvient à faire disparaître le Hamas de Gaza, cela ne suffira pas à certains de ses partenaires de coalition. Ils voudront voir le Premier ministre travailler à la mise en œuvre du plan de Trump et pourraient même menacer sa survie politique s’il s’y oppose.

Si Netanyahu continue de soutenir les idées de Trump pour rester dans ses bonnes grâces, il pourrait saper les alliances d’Israël avec la Jordanie et l’Égypte, sans que cela ne débouche sur quoi que ce soit.

Trump et Netanyahu peuvent accomplir beaucoup de choses ensemble. Ils pourraient mettre un terme au programme nucléaire iranien, consolider la place d’Israël dans la région et s’attaquer à des organisations hostiles telles que les tribunaux de La Haye et diverses agences de l’ONU. Gaspiller de l’énergie et du capital politique sur l’idée de Gaza de Trump n’est pas la meilleure façon de tirer parti du potentiel créé par l’alignement actuel des étoiles politiques.

Des Israéliens manifestant pour la libération des Israéliens retenus en otage par les terroristes du Hamas à Gaza, sur la Place des Otages, à Tel Aviv, le 1er février 2025. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Il est difficile de prédire l’effet que la proposition de Trump aura sur les pourparlers concernant les otages. Elle pourrait convaincre le Hamas que garder les otages masculins est le seul moyen de l’empêcher de faire progresser son projet pour Gaza. Et cela donne au groupe terroriste l’occasion de se présenter aux Palestiniens et au monde arabe comme la seule force qui lutte pour maintenir les habitants de Gaza dans leurs maisons contre les desseins israélo-américains.

Dans le même temps, ce chaos offre une opportunité à Netanyahu. Les exigences d’Israël pour Gaza – les dirigeants du Hamas en exil, ses terroristes désarmés et un nouveau consortium international supervisant la bande de Gaza – pourraient soudainement sembler raisonnables et souhaitables pour les acteurs régionaux par rapport à la suggestion de Trump. En outre, le Premier ministre peut s’attirer les faveurs de l’Égypte et de la Jordanie en détournant discrètement Trump de son projet d’expulsion.

Même si ce plan n’aboutit pas, il pourrait avoir un autre avantage non négligeable. Trump n’a pas peur de remettre en question les conventions et de forcer les dirigeants à abandonner de vieilles convictions. Déplacer les habitants de Gaza vers des pays arabes ne fonctionnera sans doute pas, mais mettre fin à la guerre alors que le Hamas reste la force la plus puissante à Gaza ne donnera rien non plus.

De nouvelles idées sont nécessaires pour Gaza et pour la question palestinienne en général.

Trump est peut-être déconnecté de la réalité de cette région, mais sa volonté de dépasser les idées qui échouent depuis des décennies pourrait ouvrir le débat sur de nouvelles approches de la question palestinienne, un défi qui aura désespérément besoin de solutions créatives dans les années à venir.

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