Le projet d’aménagement du Kikar Atarim critiqué par les Telaviviens
Selon les détracteurs, le plan cèderait l'espace public à des promoteurs privés pour y construire 2 tours de 25 étages et un immeuble, à usage résidentiel et hôtelier
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans l'immobilier pour le Times of Israel.

Des commerçants de Tel Aviv et quelque 400 résidents ont déposé, en décembre, une plainte auprès de la municipalité à propos d’un projet de développement de la place Atarim (Kikar Atarim), un espace public et un ensemble de bâtiments situés en bord de mer, négligés depuis des années.
Les plans pour l’avenir de cette zone, qui relie le boulevard Ben Gurion à la promenade de Tel Aviv par un vaste espace et un escalier en pierre (glissant), sont en discussion depuis au moins dix ans. Les derniers projets de développement ont été approuvés pour examen par la commission de planification et de construction du district de Tel Aviv en janvier et préparés par un groupe de promoteurs dirigé par JTLV Investments, une société d’investissement immobilier basée en Israël et soutenue par de grandes institutions financières et des investisseurs privés.
D’après le plan proposé, la place surélevée et les structures qui s’y trouvent seraient rasées pour y construire un ensemble d’immeubles disposés autour du périmètre de la place, qui serait abaissée pour être au même niveau que la zone environnante, afin d’avoir une vue dégagée du boulevard Ben Gurion vers la mer.
Selon le projet, deux tours de 25 étages couvrant 65 000 mètres carrés d’espace, ainsi qu’un troisième bâtiment de six étages sur 4 800 mètres carrés, occuperont une grande partie de ce qui est actuellement une zone publique, offrant une combinaison d’appartements résidentiels et d’espace hôtelier/commercial.
Les promoteurs ont déclaré que la place est actuellement composée de structures anciennes, négligées et dans certains cas abandonnées dans et autour de la zone, dont certaines parties sont inaccessibles aux piétons et aux personnes handicapées.
Dans leur présentation, ils ont expliqué que l’état actuel de la place Atarim perturbait le « flux urbain » de la zone et que le réaménagement pourrait offrir non seulement une rénovation urbaine mais aussi des logements – même si les appartements situés sur le front de mer méditerranéen dans l’une des villes les plus chères du monde risquent d’être des résidences de luxe à plusieurs millions de dollars.

Les promoteurs proposent également la construction d’un espace dégagé, ou couloir, au centre de la place pour que le public puisse se promener (et admirer) la promenade. Ils promettent de créer quelque 10 000 mètres carrés d’espace ouvert ainsi que 600 mètres carrés d’espace près du front de mer.
Les opposants au projet affirment que la place Atarim a été délibérément négligée au cours des trente dernières années et qu’aucune tentative n’a été faite pour la réanimer comme un espace destiné au grand public.
La place Atarim, connue pendant un temps sous le nom de place Namir, avait été conçue pour devenir un centre touristique lors de sa contruction en 1971. Construit dans le style brutaliste alors en vogue, le projet comprenait un parking à plusieurs étages, une station-service, des magasins et des restaurants, un amphithéâtre et une rotonde en verre. Un second bâtiment abritait un hôtel (actuellement exploité sous le nom de Leonardo) et des magasins.
Dans les années 1990, la place abritait ce qui était alors la plus grande boîte de nuit d’Israël, le Colosseum, installé dans la rotonde. Mais le quartier a connu un déclin constant, imputé à l’infiltration d’organisations criminelles gérant des rackets de protection et autres réseaux criminels. Dans les années 2010, la rotonde a abrité le Pussycat club, un club de strip-tease miteux qui, selon la police, aurait également servi de maison close et de centre de trafic d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Lorsque celui-ci a fermé en 2018, une initiative de formation et d’activisme juive s’y est installée.

Un certain nombre de plans d’aménagement de la zone ont été proposés au fil des ans, mais aucun n’a reçu de feu vert. Le dernier plan proposé devra également faire face à un long processus de planification qui peut ou non aboutir à des ordres de démolition et des permis de construire.
Les opposants ont indiqué qu’ils étaient prêts à se battre pour ce projet. Ceux qui ont intenté une action en justice ce mois-ci estiment que le processus de planification ne tient pas compte de l’avis et des besoins de la population. Ils considèrent que la pression exercée pour construire davantage de nouveaux appartements à des prix élevés limite l’espace public et l’accès à la mer.

Un groupe de spécialistes de l’architecture brutaliste a également exprimé son opposition au projet, sous prétexte que la place est un exemple d’architecture brutaliste de niveau mondial et que les plans de développement devraient donc se concentrer sur la conservation des bâtiments actuels.

Ailleurs à Tel Aviv, la place Kikar Hamedina a déjà fait l’objet de nombreuses objections locales. Le mois dernier, les autorités de Tel Aviv ont accordé un permis de construire pour permettre le début de la construction de trois immeubles résidentiels, s’élevant à plus de 150 mètres, contenant 453 unités de logement, un vaste parking souterrain et un parc public en surface. Ces bâtiments remplaceront un parc public mal entretenu, des magasins et des appartements.