Les 10 000 représentations antisémites d’un collectionneur belge raconte la haine des Juifs
Arthur Langerman se dit « pessimiste » pour l'avenir, au moment où l'Europe connait un regain important d'antisémitisme et que des symboles de la haine antijuive continuent de proliférer dans les discours et sur les réseaux sociaux

Arthur Langerman a l’habitude de parler aux médias. À 82 ans, cet ancien diamantaire d’Anvers s’est fait connaître grâce à son étrange collection : en soixante ans, l’homme a récupéré pas moins de 10 000 représentations antisémites à travers le monde, qu’il utilise pour éduquer aux dangers que font courir les discours de haine, comme il l’a expliqué au journal Le Parisien.
« Mes parents se sont mariés cette année-là [en 1941]. Avec le recul, je trouve étrange que des jeunes juifs aient misé sur l’avenir et fait un enfant alors que, depuis les années 1930, il y avait de l’antisémitisme », a-t-il raconté. Enfant caché pendant la guerre, Arthur Langerman ne reverra jamais son père, déporté à Auschwitz avec sa mère qui, elle, rentrera en Belgique à la libération.
Comme beaucoup de survivants de la Shoah à l’époque, sa mère ne lui raconte pas ce qu’elle a vécu dans le camp. Ce n’est qu’au moment du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem, en 1961, qu’Arthur Langerman prend conscience du génocide dont ont été victimes les Juifs sous le régime nazi.
Et c’est en se promenant aux puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) que Langerman tombe sur la première pièce antisémite dont il fera l’acquisition : une carte postale représentant une araignée affublée d’un long nez, caractéristique des représentations antisémites.
Il démarre alors une collection qui gonflera avec les années. « Je le fais toujours. Je viens de trouver le dessin d’un rat avec un nez juif qui mange des documents. Symboliquement, il s’agit de montrer que les juifs essayent de gruger le monde », a-t-il expliqué au Parisien.
Son impressionnante collection de 10 000 pièces, la plus vaste au monde, contient des représentations antisémites qui remontent jusqu’en 1750.

En 2019, Langerman a cédé sa collection l’Université technique de Berlin qui l’a confiée à la fondation « Archives Arthur Langerman pour la recherche sur l’iconographie antisémite ». Le but est pour lui de « s’appuyer sur ce fonds pour montrer comment l’antisémitisme gangrène la société ».
Et justement, face à la recrudescence des actes et paroles antisémites en Europe depuis le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas en Israël, Langerman s’est dit inquiet. En juin 2024, un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE avait révélé que 97 % des Juifs de Belgique étaient confrontés à l’antisémitisme dans leur vie quotidienne et que 70 % d’entre eux cachaient leur identité juive en public pour éviter les attaques. Une autre étude avait montré que 22 % des habitants de Bruxelles, soit près d’un sondé sur quatre, déclarait ressentir de l’antipathie pour les Juifs.
Face aux nombreux tags antisémites, notamment à Paris, et au retour de symboles antisémites tels que les mains rouges, qui font référence aux Palestiniens qui ont fièrement lynché Yosef Avrahami et Vadim Norzhich, deux réservistes israéliens qui s’étaient égarés le 12 octobre 2000 à Ramallah, Langerman a reconnu un « héritage clair » des années 1930.

Il a également dénoncé le « laxisme judiciaire » dans les cas d’antisémitisme rapportés à la police. « Un rappel à la loi quand vous vous en prenez à un juif parce qu’il est juif, ce n’est pas suffisant. »
« Pessimiste » pour l’avenir, Langerman a néanmoins eu l’occasion d’exposer une partie de sa collection, notamment au Musée juif de Belgique en 2021 et au siège des Nations Unies à New York en 2023, pour sensibiliser un large public à la lutte contre l’antisémitisme.