Les EAU évoquent leur impuissance face à une annexion de facto de la Cisjordanie
L'engagement pris par Israël de ne pas revendiquer sa souveraineté sur les implantations, lors de la normalisation avec Abou Dhabi, ne court que jusqu'en 2024, dit Yousef al-Otaiba
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

L’ambassadeur des Émirats arabes unis aux États-Unis, Yousef al-Otaiba, a indiqué mercredi que le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu s’était engagé dans un processus d’annexion de facto de la Cisjordanie et qu’il pouvait revenir aux autres pays qui examinent actuellement la question de la normalisation avec Israël d’y mettre un terme.
Lors d’une réunion à Washington, organisée à l’occasion du troisième anniversaire des Accords d’Abraham, Otaiba a été interrogé sur le point de vue d’Abou Dhabi sur le gouvernement israélien de la ligne dure et sur ses politiques mises en œuvre en Cisjordanie – des politiques qui, selon les critiques, s’apparentent à « une annexion de facto ».
« C’est dur parce que c’est en train d’arriver, et je pense que ça arrive d’une manière qui n’est pas visible et qu’il sera encore plus difficile de revenir ensuite à une solution à deux États », a déclaré Otaiba.
Alors que les États-Unis ont condamné à maintes reprises les politiques israéliennes à Jérusalem et dans le complexe du mont du Temple/Al Sharif en particulier, les critiques publiques des politiques israéliennes en Cisjordanie se font plus rares.
Les opposants au gouvernement soulignent le nombre record de projets de construction dans les implantations qui ont été avancés ; les initiatives prises pour légaliser approximativement une douzaine d’avants-postes illégaux ; la rationalisation du processus d’approbation des implantations et le transfert du contrôle des autorités civiles, en Cisjordanie, au ministre des Finances d’extrême-droite, Bezalel Smotrich, comme autant d’exemples des efforts plus larges visant à annexer en pratique la Cisjordanie, même si Israël ne mettra pas en œuvre officiellement une telle annexion.
Netanyahu avait mis en suspens son plan officiel d’annexion de larges pans de la Cisjordanie pour permettre justement à l’État juif de normaliser ses relations avec les EAU.
Les pays impliqués dans les Accords d’Abraham ne l’avaient pas médiatisé à l’époque mais l’engagement pris par Netanyahu de ne pas annexer la Cisjordanie avait une échéance. Quelques jours après l’annonce de l’accord de normalisation, en septembre 2020, trois sources proches des négociations avaient fait savoir au Times of Israel que le président américain de l’époque, Donald Trump, s’était engagé auprès des Émirats en leur disant que Washington ne reconnaîtrait aucune initiative d’annexion de la part d’Israël jusqu’en 2024 au plus tôt.

Les EAU avaient voulu obtenir cette promesse des États-Unis et non d’Israël en raison de leur méfiance face à Netanyahu et de leur conviction que le Premier ministre n’entreprendrait pas d’initiative d’annexion en l’absence du soutien des États-Unis, avaient indiqué les sources.
Elles avaient expliqué que cette échéance de 2024 avait été fixée parce qu’elle donnait aux États-Unis quatre ans supplémentaires pour présenter un accord de paix israélo-palestinien si Trump devait être réélu à la Maison Blanche. S’il en était écarté, il était certain que le candidat Démocrate de l’époque, Joe Biden, s’opposerait à une telle démarche, quoi qu’il arrive.
Otaiba, qui avait dirigé les discussions de normalisation pour les EAU, a semblé être l’un des premiers responsables gouvernementaux impliqués à s’exprimer en public sur l’échéance qui avait été fixée concernant le projet d’annexion israélien.
« Notre accord s’est basé sur une certaine période de temps – une période qui est aujourd’hui presque terminée et nous n’avons donc aucune capacité d’influencer des décisions prises hors du délai qui était fixé dans les Accords d’Abraham », a expliqué l’ambassadeur émirati.
« Je pense qu’il en revient dorénavant aux futurs pays d’adopter cette approche particulière – mais il y a très peu de choses que les Émirats peuvent faire actuellement pour modeler ce qui est en train de se passer en Israël », a-t-il poursuivi.
Mercredi matin, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a annoncé que l’Arabie saoudite avait fait savoir aux États-Unis que « l’élément palestinien sera très important » dans le cadre d’un accord potentiel de normalisation avec Israël.
Otaiba a établi clairement qu’alors que les accords similaires à celui qui a été conclu entre les EAU et Israël peuvent offrir aux parties en lice « plus d’espace à la diplomatie, ce qui est favorable à la solution à deux États », un accord de paix israélo-palestinien devra être conclu par les deux acteurs et il exigera de la hauteur et de la clairvoyance de la part des leaders.
Pendant ce panel organisé lors de l’événement accueilli par la N7 Initiative — une co-entreprise rassemblant l’Atlantic Council et la M. Talpins Foundation — l’ambassadeur émirati a aussi souligné la rapidité de la croissance des liens tissés entre les EAU et Israël en seulement trois ans.
Alors qu’il n’y avait aucun vol direct dans le passé entre les deux pays, il y en a dorénavant 152 chaque semaine, a-t-il remarqué. Le commerce entre les deux nations s’élève actuellement à 3 milliards de dollars par an et il devrait atteindre 10 milliards de dollars par an.