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Les Juifs de Téhéran invités à se tenir à distance des synagogues, par sécurité

Face aux manifestations qui secouent le pays, et dont la répression a fait au moins 31 morts, la communauté juive d'Iran appelle ses membres à la prudence

Illustration : Sur cette photo du 20 novembre 2014, un juif iranien prie à la synagogue Molla Agha Baba, dans la ville de Yazd, à 676 kilomètres au sud de la capitale Téhéran, en Iran. (Crédit : AP Photo/Ebrahim Noroozi)
Illustration : Sur cette photo du 20 novembre 2014, un juif iranien prie à la synagogue Molla Agha Baba, dans la ville de Yazd, à 676 kilomètres au sud de la capitale Téhéran, en Iran. (Crédit : AP Photo/Ebrahim Noroozi)

La petite communauté juive de Téhéran a adressé un courrier à ses membres, ce jeudi, pour les inviter à se tenir à distance des synagogues, dans les prochains jours, en raison des manifestations en Iran autour du rôle de la police des moeurs dans la mort d’une jeune femme, qui aurait enfreint le code vestimentaire en vigueur.

Dans une lettre dont l’authenticité a été confirmée par le Times of Israel, le Comité juif de Téhéran a mis en garde contre la visite des synagogues, invoquant la nécessité de protéger la vie dans les « circonstances actuelles », sans donner plus de détails.

Cet appel à la prudence est fait à quelques jours seulement du Nouvel An juif.

Le comité, qui est la principale organisation juive d’Iran, a déclaré que toutes les synagogues devraient également fermer tous les jours à 17 heures.

La lettre a été signée par Homayoun Sameyah Najaf Abadi, qui dirige le comité et agit en tant que représentant de la communauté juive au Parlement iranien.

Une source familière de la question a déclaré au Times of Israel que certaines des manifestations généralisées ont eu lieu près des synagogues et qu’un couple de fidèles a été pris dans les protestations, tandis que deux jeunes juifs ont également été arrêtés mais ont depuis été libérés.

Craignant des heurts, le comité a décidé de restreindre les offices synagogaux pour le moment, selon la source.

Cette lettre semble marquer la première fois que des synagogues iraniennes ont reçu l’ordre de fermer leurs portes dans un contexte de troubles civils majeurs, et l’on craint qu’un tel appel n’attire une attention accrue, voire pire, sur la communauté juive du pays.

Avant la révolution islamique de 1979, l’Iran comptait quelque 100 000 Juifs ; en 2016, selon un recensement iranien, ce nombre était tombé à moins de 10 000.

La communauté juive d’Iran a précédemment pris d’autres mesures de précaution pour protéger ses membres, le grand rabbin du pays ayant déclaré l’année dernière qu’il condamnait l’assassinat par les États-Unis du haut général iranien Qassem Soleimani en 2020 par crainte que les Juifs ne soient physiquement attaqués par certains voisins musulmans.

Le rabbin Yehuda Gerami a insisté à l’époque sur le fait que les discours de « vengeance » émanaient de citoyens iraniens et non du gouvernement, tout en affirmant que l’Iran était le seul pays au monde où les synagogues ne nécessitaient pas de mesures de sécurité.

La République islamique a ouvertement juré de provoquer la destruction d’Israël et soutient financièrement des groupes terroristes, comme le Hezbollah et le Hamas, qui poursuivent cet objectif.

L’affaire Mahsa Amini

L’Iran fait face à des manifestations de grande ampleur, suite au décès en garde à vue d’une jeune femme de 22 ans, Mahsa Amini, arrêtée par la « police des mœurs ». Amini visitait la capitale iranienne avec sa famille quand elle a été arrêtée par cette unité spéciale de la police notamment chargée de faire appliquer l’obligation de porter le voile. Elle décède après trois jours de coma.

L’ONG Amnesty International exhorte à traduire en justice les responsables de son décès jugé « suspect », se faisant l’écho d’accusations « de torture et d’autres mauvais traitements ». Des militants assurent que la victime a reçu un coup mortel à la tête.

Des gens participent à une manifestation contre le président iranien Ebrahim Raissi devant les Nations Unies le 21 septembre 2022 à New York. (Crédit : Stephanie Keith/Getty Images/AFP)

La police se défend en assurant qu’il n’y a « pas eu de contact physique » avec la jeune femme. La télévision d’Etat diffuse des extraits d’une vidéo montrant une salle, visiblement au commissariat, où l’on peut voir de nombreuses femmes. L’une d’elles, présentée comme Mahsa Amini, se lève pour discuter avec une « instructrice » au sujet de sa tenue vestimentaire, puis s’effondre.

Washington condamne un décès « impardonnable », Bruxelles le jugera « inacceptable ».

Mahsa Amini est inhumée samedi dans sa ville natale de Saghez, dans la province du Kurdistan. Une manifestation se forme après les funérailles, elle est dispersée à coups de gaz lacrymogènes.

De nombreuses personnalités expriment leur colère sur les réseaux sociaux. « Nous sommes endormis, sans réaction face à cette cruauté sans fin, nous sommes complices de ce crime », estime le cinéaste oscarisé Asghar Farhadi. « Les cheveux de nos filles sont recouverts d’un linceul », écrivent plusieurs joueurs de l’équipe nationale de football sur le réseau social Instagram.

Le chef du bureau du médecin légiste de Téhéran déclare que les enquêtes sur la cause du décès prendront trois semaines.

Un représentant du guide suprême Ali Khamenei se rend au domicile familial de Mahsa Amini.

Le chef suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, s’adresse à la nation dans un discours télévisé marquant le nouvel an iranien, à Téhéran, en Iran, dimanche 21 mars 2021 (Crédit : Bureau du chef suprême iranien via AP)

Mardi, un parlementaire iranien, dans une prise de position inhabituelle, critique la « police des moeurs », jugeant qu’elle « n’obtient aucun résultat, sauf causer des dommages au pays ».

De nouvelles manifestations ont lieu les jours suivants, notamment à Téhéran et à Mashhad, et sont dispersées. Lundi soir, au centre de Téhéran, des manifestants, parmi lesquels des femmes sans voile, scandent des slogans hostiles aux autorités dans la rue Hejab (« voile musulman » en persan).

Dans la nuit de mardi à mercredi, les manifestations s’étendent à une quinzaine de villes, bloquant la circulation, incendiant des poubelles et des véhicules de police, lançant des pierres sur les forces de sécurité et scandant des slogans hostiles au pouvoir. La ville sainte de Qom, cité natale du guide suprême, n’est pas épargnée.

Selon la télévision d’Etat, 17 personnes, « dont des manifestants et des policiers » ont été tués, sans donner plus de précisions.

Mais le bilan risque d’être bien plus lourd, l’ONG d’opposition Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, faisant état d’au moins 31 civils tués par les forces de sécurité.

Les responsables iraniens ont néanmoins nié toute implication des forces de sécurité dans la mort des protestataires.

Mercredi, les autorités bloquent l’accès à Instagram et à la messagerie WhatsApp, les deux applications les plus utilisées en Iran depuis le blocage des plateformes comme Youtube, Facebook, Telegram, Twitter et Tiktok ces dernières années. De plus l’accès à Internet est largement filtré ou restreint pas les autorités.

L’annonce du décès de la jeune Iranienne a suscité de vives condamnations internationales: de l’ONU, des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni notamment.

« Nous sommes aux côtés des courageux citoyens et des courageuses femmes d’Iran », a déclaré le président américain Joe Biden à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU.

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