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Les Juifs messianiques affirment que les Nigérians ne sont pas de “vrais” Juifs

Un groupe religieux de l'Arizona affirme que des recherches ADN prouvent que la tribu des Igbos n'est pas génétiquement juive, et suscite la colère

Une nouvelle génération d'Igbos est élevée dans le Judaïsme (Crédit :  Shai Afsai/Times of Israel)
Une nouvelle génération d'Igbos est élevée dans le Judaïsme (Crédit : Shai Afsai/Times of Israel)

Qui est Juif ?… Selon un groupe messianique juif américain, vous pouvez le savoir pour seulement 300 dollars grâce à un test ADN privé.

Et selon ce test, la famille génétique juive n’inclut pas la tribu des Igbos au Nigeria, forte de 30 millions de personnes qui revendiquent leur lien au judaïsme depuis des centaines d’années.

Lors d’une initiative qui a suscité la condamnation et la fureur des Juifs nigérians et des spécialistes du monde entier, Jewish Voice Ministries, un groupe messianique de l’Arizona, a annoncé cette semaine que les Igbos ne sont pas « génétiquement » juifs, sur la base de ces tests ADN privés. (Le judaïsme messianique, dont les adeptes considèrent que Jésus Christ est le messie juif, est vu par Israël et les organisations juives comme une forme de christianisme.)

Jewish Voice Ministries a expliqué s’être rendu au Nigeria pour enquêter sur les Igbos, qui affirment qu’ils seraient d’anciens Israélites. Certains membres de la communauté pensent que le terme « Igbo » est une version bâtarde du mot « hébreu », et soulignent de nombreuses similarités culturelles entre leurs traditions et le judaïsme.

« L’objectif de ces tests était de mettre à disposition un examen qui puisse déterminer la vérité en termes d’identité historique », a expliqué un porte-parole de Jewish Voice Ministries. « L’ADN n’est pas venu confirmer cette affirmation qu’ils seraient un ancien peuple d’Israël, mais nous les considérons encore comme nos frères à travers notre foi commune dans le messie Yeshua. »

Le rabbin de la communauté nigériane Igbo récite une bénédiction dans une soukka de Tel Aviv. La tribu des Igbos se considère comme descendante d'Ephraim (l'une des dix tribus d'Israël) (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)
Le rabbin de la communauté nigériane Igbo récite une bénédiction dans une soukka de Tel Aviv. La tribu des Igbos se considère comme descendante d’Ephraim (l’une des dix tribus d’Israël) (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

Remy Ilona, avocat et professeur nigérian, a fermement dénoncé le test. Ilona est Igbo et il est l’un des quelque 1 000 Igbos qui suivent ce qu’il appelle le « judaïsme rabbinique ». Ilona, blogueur du Times of Israël, récemment diplômé de l’Université internationale de Floride en maîtrise d’études religieuses, deviendra professeur adjoint là-bas cet automne.

« Il n’y a aucun test qui puisse prouver la judéité, dit Ilona. La culture doit tendre dans cette direction et peut-être qu’un test pourra confirmer ce que la culture dit déjà. »

« Les Igbos liés au judaïsme n’ont aucune connexion avec ces tests ADN et nous nous opposons à ce qui a été fait », ajoute-t-il.

Ilona indique comprendre pourquoi certains Igbos ont accepté d’être testés. « L’Afrique est une région du monde que tout le monde à tendance à regarder de haut, dit-il. Même si ma culture israélite est forte, on nous regarde avec scepticisme parce que nous sommes Africains. Je voulais que ce problème soit pris en compte de manière à ce que, si on parle en termes de culture, nous puissions fournir la preuve que la nôtre est juive. »

Mais Ilona est furieux de la manière dont le test a été mené. « L’organisation Jewish Voice est venue et a donné l’impression aux gens qu’elle était une organisation juive », raconte-t-il.

Les tests génétiques peuvent être utilisés pour retracer les modèles de migration anciens (Crédit : Memorial University of Newfoundland via JTA)
Les tests génétiques peuvent être utilisés pour retracer les modèles de migration anciens (Crédit : Memorial University of Newfoundland via JTA)

Ilona ajoute qu’il considère la tentative de l’organisation de rentrer en contact avec la communauté du Nigeria comme un acte de prosélytisme à peine voilé. Il met également en cause la méthodologie exploitée pour les tests, qu’il estime erronée et incomplète.

Il explique ainsi que le groupe qui s’est soumis aux tests était trop peu important au vu de la vaste population d’Igbos, dans des zones du Nigeria où ces derniers ne sont pas majoritaires. Le porte-parole de Jewish Voices s’est refusé à commenter la méthodologie des examens ou d’autres questions.

« J’aimerais faire moi-même un test ADN de ces individus [issus de Jewish Voice Ministries] qui sont venus au Nigeria » pour déterminer s’ils sont vraiment Juifs, dit Ilona.

L’organisation propose un test ADN pour établir l’éventuel lien entretenu avec la famille génétique juive sur son site internet pour la somme de 300 dollars (23andme.com propose pour sa part un test ADN, sans accent mis sur le judaïsme, au prix de 99 dollars aux Etats-Unis et de 150 dollars à l’étranger.)

L’organisation Jewish Voice offre également des soins médicaux et des services aux communautés internationales dans le cadre de ses activités sociales. Au mois de mars, le chef de Jewish Voice, Jonathan Bernis, avait indiqué au Forward que l’organisation déciderait de ses actions médicales au Nigeria en fonction des résultats du test.

« Nous allons dans des zones avec une population juive ou dans des lieux où se trouvent des gens qui sont historiquement liés au peuple juif pour fournir de l’aide, avait expliqué Bernis. Le résultat du test ADN permettra de déterminer quel niveau de service nous offrirons. »

‘Je sais que mes ancêtres étaient au mont Sinaï, mais peut-être certains Igbos n’ont pas cette information’
Remy Ilona

Malgré leur rejet du test de l’organisation Jewish Voice, Ilona pense encore que les tests ADN peuvent apporter des informations importantes mais qu’ils doivent se faire sur une base personnelle et individuelle pour des gens désireux d’en savoir davantage sur leur histoire – et non par un groupe étranger doté d’un agenda déterminé. Ilona a fait un test ADN lui-même et a découvert qu’il a des racines sémites occidentales qui remontent à la région de la mer Rouge, ce qui, selon lui, prouve ses liens génétiques au judaïsme.

« Je sais que mes ancêtres étaient au mont Sinaï mais peut-être certains Igbos n’ont pas cette information », explique-t-il.

Le professeur Tudor Parfitt, spécialiste connu dans le monde entier qui a été l’un des premiers à utiliser des tests ADN pour formuler des hypothèses sur les migrations juives en Afrique, juge « irresponsable » le test mis en place par Jewish Voice.

Parfitt, qui est à la tête des études juives à l’université internationale de Floride où étudie Ilona, a été reconnu pour avoir déterminé via l’ADN que la tribu Lemba du Zimbabwe et d’Afrique du sud avait migré depuis le Moyen Orient.

Il avait été largement considéré que ces études apportaient la preuve de la tradition orale juive de la tribu. Il avait commencé ses recherches sur le sujet à l’occasion d’un voyage en Israël en 1998 où il avait longé la plage de Tel Aviv, demandant aux Israéliens s’identifiant à des Kohanim – les prêtres religieux hébreux – s’il pouvait effectuer un prélèvement d’ADN à l’intérieur de leur joue. Il avait été l’un des scientifiques ayant établi l’haplotype modal Cohen, un marquage ADN spécifique unique aux descendants d’Aaron, qui avait été retrouvé chez 52 % des Kohanim déambulant sur la promenade de Tel Aviv.

Peu de temps après, la tribu Lemba du Zimbabwe s’était tournée vers Parfitt et avait demandé un test ADN pour pouvoir soutenir sa revendication d’identité juive. Parfitt avait donné son accord, découvrant qu’un grand nombre de membres de la tribu Lemba, et en particulier un sous-clan appelé Buba, partageaient le même marqueur génétique qu’est l’haplotype Cohen.

Parfitt ne manque pas de souligner que cet haplotype ne signifie pas que la tribu des Lemba est juive mais plutôt qu’elle a très probablement migré vers l’Afrique depuis le Moyen Orient. Dans la mesure où cette migration se raccorde à l’histoire orale de la tribu, qui affirme qu’elle descend des Israélites, il a été très largement interprété que les membres de la tribu Lemba sont « génétiquement » Juifs.

Les femmes de la communauté Lemba à Manavhela, dans la province sud-africaine de Limpopo en août 2015 (Autorisation : Jono David)
Les femmes de la communauté Lemba à Manavhela, dans la province sud-africaine de Limpopo en août 2015 (Autorisation : Jono David)

« L’ADN dans ce cas semble justifier le fait qu’il y a eu une connexion d’une manière ou d’une autre qui a solidifié leur foi et leurs origines juives ou sémites », estime Parfitt.

« De nombreuses personnes les croient dorénavant lorsqu’ils disent être juifs. Les Igbos n’ont pas droit au même soutien », dit-il.

Parfitt est lui-même chrétien anglican, même s’il plaisante sur le fait que son « ADN n’a jamais été testé en termes de judaïsme ».

Parfitt ajoute que dans les années qui ont suivi la médiatisation de l’haplotype Cohen, les gens ont interprété l’information de manières très différentes et surprenantes. Lors d’un récent voyage en Israël, des Juifs orthodoxes qui tentent actuellement de reconstruire le Troisième temple ont dansé autour de lui, avec extase, au mur Occidental, parce que l’haplotype Cohen permettra de retrouver des prêtres « génétiquement purs » qui pourront officier au Temple.

‘Je ne me suis pas présenté en disant : Hé, vous n’êtes pas Juif’
Tudor Parfitt

En 2003 et 2004, Parfitt se trouvait en Papouasie – Nouvelle Guinée avec la tribu Gogodala, qui affirmait elle aussi être l’une des Tribus perdues. Les membres de la communauté lui ont demandé de pratiquer un test génétique, ce qu’a fait Parfitt.

« J’ai dû y retourner et leur dire que le résultat [de cette connexion aux anciennes tribus] était très circonspect, explique Parfitt. Je ne me suis pas présenté en disant : Hé, vous n’êtes pas juif.’ J’ai dit que sur la base de l’ADN qui avait été collecté, il n’y avait pas de lien entre eux et d’autres Juifs dans d’autres parties du monde. Mais je n’ai pas dit : ‘Hé, arrêtez avec ça, vous n’êtes pas Juifs’. »

Les femmes de la communauté Lemba à Manavhela, dans la province sud-africaine de Limpopo en août 2015 (Autorisation : Jono David)
Les femmes de la communauté Lemba à Manavhela, dans la province sud-africaine de Limpopo en août 2015 (Autorisation : Jono David)

Parfitt espère que l’ADN pourra être utilisée comme un outil de compréhension des migrations anciennes, un sujet qui le fascine. Il souligne également que les tests ADN peuvent s’avérer bien plus précis pour déterminer si des tribus « juives » d’Afrique ont été liées aux Juifs espagnols ou portugais qui ont été contraints à l’exil en 1492. Un grand nombre d’entre eux sont arrivés sur les côtes occidentales de l’Afrique et ont disparu, ce qui rend tout à fait possible une probable assimilation à la culture locale tout en maintenant des traditions juives, dit Parfitt.

La clé d’une utilisation précise de la recherche ADN est de trouver des endroits où deux groupes présentent des similarités génétiques. Il est ainsi beaucoup plus facile de retracer une lignée génétique depuis 1492 qu’une migration à travers certaines régions de l’Afrique, il y a des milliers d’années. « Il est difficile d’obtenir des comparaisons, nous n’avons pas de tribus perdues d’Israël qui flottent ça et là dans le monde entier », explique-t-il.

Parfitt estime qu’il y a environ 4 à 15 millions de « Juifs de l’ombre » dans le monde, des individus s’identifiant comme Juifs mais qui pourraient ne pas être acceptés par la communauté juive comme des « Juifs traditionnels ». Dans certains cas, il y a une connexion historique et dans d’autres, comme c’est le cas chez les Abayudayas de l’Ouganda ou chez les Kehilat Kasuku du Kenya, c’est une communauté qui a le sentiment d’être juive. « Vous n’avez pas besoin de justification historique pour faire partie d’un groupe religieux », a-t-il dit.

« Est-ce que l’ADN peut enseigner des choses au sujet des migrations anciennes ? Bien sûr, dit Parfitt. C’est le seul outil dont nous devons parler au sujet des migrations anciennes. Mais est-il possible de réduire le judaïsme à l’ADN ? La réponse est non. Personne ne devrait l’utiliser pour décider de qui est juif, et qui ne l’est pas. »

« La vérité là-dedans, c’est qu’il s’agit d’un discours raciste qui est là depuis longtemps, dit Parfitt. Il y a d’innombrables tribus qui affirment qu’elles sont originaires du nord-est, ou qu’elles sont syriennes ou romaines, ce qui est une autre manière de dire ‘nous ne sommes pas à l’aise avec l’idée d’être noirs et africains’. C’est une idée qui s’est imposée avec de nombreuses années de colonialisme. »

« D’un autre côté, l’idée que les Igbos sont juifs n’est pas récente. Elle remonte au 18e siècle, ajoute Parfitt. C’est l’expérience vécue par les Igbos et de nombreux autres Africains. Qu’ils soient liés techniquement aux anciennes populations d’Israël, pour moi, est profondément et complètement hors de propos. Il n’y a pas de liens avec l’histoire. L’idée de tester cette hypothèse grâce à l’ADN est une mauvaise idée. C’est comme tester un mythe, et il est impossible de tester un mythe. La politique de l’identité est liée à la foi. C’est ce que vous faites de cette identité – et eux font énormément. »

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