Les sacs et emballages plastiques constituent 70 % des déchets au large d’Israël
Des dizaines de millions de shekels ont été alloués à la réduction de l'utilisation des sacs en plastique, mais aucun objectif gouvernemental n'a été fixé
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Près des trois quarts des déchets trouvés dans les eaux israéliennes de la Méditerranée et de la mer Rouge sont constitués de morceaux de sacs et d’emballages en plastique, selon le rapport national de surveillance des déchets marins pour 2019, publié mercredi.
L’étude a été publiée juste un jour après que les commissions des affaires intérieures et de la protection de l’environnement de la Knesset ont appris que les objectifs de réduction des sacs plastiques pour les années à venir, qui auraient dû être intégrés dans les règlements de la Knesset d’ici 2018, n’ont pas dépassé le bureau de deux ministres de la protection de l’environnement, en violation de la loi.
Malgré les appels des fonctionnaires des ministères à intensifier leurs activités, aucune campagne de sensibilisation du public à la réduction des sacs plastiques n’a été menée depuis 2016 car il ne s’agissait « pas de priorités ministérielles ».
Depuis 2017, les détaillants alimentaires sont obligés de prélever une taxe de 10 agorot (trois cents) pour chaque sac plastique. Sur les 127 millions de shekels transférés depuis lors au Fonds pour la propreté du ministère à partir de la taxe sur les sacs, seuls 46 millions de shekels ont été dépensés jusqu’à présent – 20 millions de shekels pour une campagne visant à encourager les sacs à provisions à usage multiple et 26 millions de shekels pour des programmes sans rapport avec le nettoyage des plages.
Au début de cette année, au vu d’une augmentation inquiétante du nombre de tortues empêtrées dans des sacs plastiques en mer, l’Autorité israélienne des parcs et de la nature a demandé l’aide du public pour localiser et signaler de tels incidents. Malgré les efforts accrus des autorités locales du pays pour garder les plages propres, le Fonds mondial pour la nature a classé l’année dernière Tel-Aviv au troisième rang des 22 littoraux de la Méditerranée les plus pollués par le plastique.
Lundi, la présidente de la commission des affaires intérieures et environnementales de la Knesset, Miki Haimovich (Kakhol lavan), a indiqué qu’elle avait persuadé les fonctionnaires du ministère de la Justice d’accepter d’approuver les modifications de la législation visant à interdire le plastique à usage unique sur les plages.
Dans le monde, quelque huit millions de tonnes de déchets plastiques entrent dans les mers chaque année.
En Israël, le programme de surveillance des déchets flottants et des fonds marins – la quatrième enquête annuelle – a été mené par Israel Oceanographic and Limnological Research, une entreprise gouvernementale.
Les débris repérés en mer Méditerranée, à des profondeurs de 20 à 1 700 mètres, provenaient principalement d’emballages alimentaires en plastique. Les concentrations les plus élevées – 4 000 à 10 000 déchets individuels par kilomètre-carré – se trouvaient dans une bande d’eau de 200 à 500 mètres de profondeur.
Des quantités substantielles n’ont été observées près de la côte qu’après de fortes pluies. Selon une déclaration du ministère de la Protection de l’environnement, cela suggère que la principale source de déchets en mer Méditerranée ne provient pas des baigneurs mais des déchets urbains qui s’écoulent avec le ruissellement de surface le long des canaux d’évacuation et des déchets présents dans les cours d’eau qui se jettent dans la mer.
De minuscules particules de plastique mesurant cinq millimètres ou moins – dont on sait maintenant qu’elles entrent dans la chaîne alimentaire marine et finissent par atteindre nos assiettes – ont été trouvées dans la Méditerranée et la mer Rouge.
Les déchets flottants dans les deux endroits – principalement de minuscules particules mesurant jusqu’à 3,5 millimètres provenant de sacs et de conteneurs en plastique – ont été trouvés en concentrations allant jusqu’à 13 millions de morceaux par kilomètre-carré, ce qui est élevé par rapport à la Méditerranée occidentale. Entre 50 et 80 % de ces morceaux flottants étaient soit blancs, soit de couleur claire, les plus dangereux pour les créatures marines qui les prennent pour de la nourriture.
Il n’est pas surprenant que les prélèvements effectués sur les plages cette année aient révélé une nouvelle forme de déchets : les gants et les masques utilisés comme protection contre le coronavirus.
Dans l’ensemble, les sacs et conteneurs en plastique représentaient 70 % des déchets marins identifiés.
L’utilisation des sacs plastiques en hausse
Les Israéliens semblent utiliser plus de sacs plastiques à usage unique, et non moins, malgré une baisse initiale spectaculaire suite à l’introduction de la surtaxe sur les sacs de 2017, a entendu la commission de la Knesset mardi.
Cette loi a obligé le ministère de la Protection de l’environnement à fixer des objectifs de réduction dans un délai d’un an. Une fonctionnaire, Noa Spitzer-Mizrahi, a révélé que les professionnels avaient fini d’établir des objectifs en 2018, mais qu’ils attendaient toujours qu’ils entrent dans le calendrier de travail et la liste des priorités du ministère. Un autre fonctionnaire a déclaré que l’ancien ministre de la Protection de l’environnement, Zeev Elkin, avait mis un frein aux objectifs, mais que la ministre actuelle, Gila Gamliel, était au courant des propositions et voulait revoir la politique avant de prendre une décision.
Dénonçant la lenteur des progrès réalisés, la présidente de la commission indique que l’objectif de sensibilisation ne saurait être atteint si une recycleuse expérimentée comme elle ne sait même pas que les sacs en plastique pouvaient être recyclés lorsqu’ils étaient placés dans des conteneurs orange et des bacs de recyclage (distribués dans la plupart du pays, mais pas à Jérusalem). La députée de la Liste arabe unie Sondos Saleh a déclaré que la sensibilisation aux problèmes des sacs en plastique n’existait pas dans la population arabe.
Selon les données du ministère de la Protection de l’environnement pour la période précédant immédiatement la mise en œuvre de la loi sur les sacs plastiques en janvier 2017, les Israéliens collectaient en moyenne 325 sacs de ce type par an et en jetaient un quart à la poubelle après les avoir utilisés une fois. À l’époque, la moyenne était de 100 sacs par habitant en Europe. Les projets d’objectifs abandonnés par les fonctionnaires du ministère prévoyaient de réduire l’utilisation à 170 sacs par personne et par an d’ici 2020 et d’atteindre 65 sacs par tête d’ici 2027.
D’après M. Spitzer-Mizrahi, les grandes chaînes de supermarché ont acheté deux milliards de sacs en plastique pour les distribuer gratuitement en 2016, avant que la loi ne soit adoptée en avril 2016 et mise en œuvre en janvier 2017.
Après l’entrée en vigueur de la loi, ce nombre a chuté de façon spectaculaire à 380 millions, mais il est ensuite passé en 2018 à 430 millions et à 454 millions en 2019. Jusqu’au 30 juin de cette année, les détaillants avaient déjà acheté 237 millions de sacs. Les chiffres n’ont pas été croisés avec la croissance de la population.
Selon le site web du ministère, plus de 70 % de la population soutient une loi interdisant la distribution gratuite de sacs en plastique qui nuisent à l’environnement. Le ministère publie une liste des supermarchés obligés de faire payer les sacs d’une largeur de 20 à 50 microns (un micron représente un millionième de mètre).
Mais comme l’a appris la commission, certains des grands distributeurs ont essayé de contourner la loi, en distribuant des sacs de plus de 50 microns d’épaisseur, ou des sacs en papier épais qui sont également douteux sur le plan environnemental, ou en distribuant des sacs à usages multiples en si grand nombre que les consommateurs les jettent pour la plupart par manque de place. L’argent que la grande distribution dépense pour acheter des sacs en plastique est répercuté sur le prix de certains produits et donc sur le consommateur.
Pour des raisons qui ne sont pas encore claires pour les fonctionnaires du ministère de la Protection de l’environnement, il existe également un écart entre le nombre de sacs en plastique que les chaînes de supermarchés achètent et le nombre de sacs dont ils peuvent prouver qu’ils ont été vendus aux clients.
M. Spitzer-Mizrahi a indiqué qu’il n’y avait actuellement aucun plan pour augmenter le prix des sas plastiques qui doivent être payés dans le cadre de la loi, ni pour étendre la loi à d’autres commerces, comme les pharmacies.
Les deux organisations environnementales – Adam Teva V’Din et Zalul – ont déclaré qu’il n’y avait pas de substitut à l’obligation légale de faire payer tous les commerçants. « C’est Israël », commente Amiad Lapidot, d’Adam Teva V’Din. « Si un magasin fait payer et que le suivant ne le fait pas, les gens iront faire leurs courses dans ce dernier ».
Miki Haimovich a fait savoir qu’elle étudierait le projet de texte d’Adam Teva V’Din pour modifier la loi.
S’exprimant au nom du Forum des fabricants et des distributeurs de sacs plastiques de l’Association des chambres de commerce, Gidi Frishtick s’est plaint du fait que les promesses du ministère d’aider le secteur n’ont pas été honorées, ce qui a entraîné la fermeture de trois entreprises de production sur six. M. Spitzer-Mizrahi a déclaré que les fabricants avaient insisté sur une compensation financière, que le ministère ne pouvait pas fournir.
Selon la professeure Ofira Ayalon de l’Institut de technologie Technion à Haïfa, la moitié des sacs en plastique utilisés en Israël sont conçus spécifiquement pour les poubelles domestiques et achetés par les consommateurs à cette fin. Ils ne sont pas inclus dans les chiffres du ministère de la Protection de l’environnement.