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L’Espagne est-elle réellement un foyer pour les personnes aux racines juives ?

Evoquant le racisme aux Etats-Unis, des non-Juifs hispaniques souhaitent devenir espagnols, sur la base d'une loi visant à expier l'expulsion des Juifs d'Espagne

Un drapeau espagnol près d'Estrema, dans la province de Madrid, le 19 décembre 2018. (Crédit : Pablo Blazquez Dominguez/Getty Images/via JTA)
Un drapeau espagnol près d'Estrema, dans la province de Madrid, le 19 décembre 2018. (Crédit : Pablo Blazquez Dominguez/Getty Images/via JTA)

JTA — Accusant le président américain Donald Trump de la recrudescence du racisme en Amérique, certains hispaniques souhaitent obtenir la citoyenneté espagnole, grâce à leurs racines juives, indique le New York Times.

Un article qui identifie certaines de ces personnes, notamment une femme d’Albuquerque, du Nouveau Mexique, élevée dans la religion catholique, a été publié mardi.

Le Times a rapporté une augmentation dans les demandes de non-Juifs des Etats-Unis ou d’Amérique latine qui, pour diverses raisons, ont déposé des demandes pour obtenir un passeport espagnol, sur la base d’une loi adoptée en 2015. Cette loi est une forme d’expiation pour  l’expulsion des Juifs d’Espagne durant l’Inquisition. Le Portugal avait adopté une loi similaire un an plus tôt.

L’article soulève plusieurs questions intéressantes, notamment celle de savoir si ceux qui cherchent à fuir le racisme qui sévit aux Etats-Unis font bien d’immigrer grâce à une loi étroitement liées aux Juifs, en Espagne. Ce pays a de lourds antécédents d’antisémitisme.

Mais la question la plus pratique porte sur la faisabilité de ce que le Times décrit comme une « stratégie de sortie » pour les Américains hispaniques, qui ne sont pas Juifs.

Sur le papier, rien ne s’oppose à la naturalisation d’un catholique. Après tout, « descendant de séfarades », cela pourrait inclure des millions de personnes d’Amérique centrale et du sud, aux antécédents Juifs, et des centaines d’autres en Afrique.

Illustration : Joseph et Doreen Alhadeff à gauche) signent leurs documents d’identité espagnole,à Torremolinos, le 2 février 2016. (Autorisation)

Les lois espagnole et portugaise, qui interdisent la discrimination religieuse ou ethnique, n’exigent pas que les demandeurs soient juifs. Elles stipulent uniquement qu’ils doivent prouver qu’ils descendent de séfarades.

Mais en pratique, les lois espagnole et portugaise peuvent être appliquées de manière sélective à de nombreux non-Juifs. Cela est notamment dû aux fait que les lois dans ces pays ont donné aux communautés juives la responsabilité de valider les demandes.

Certaines communautés, notamment Porto, n’approuvent que les candidats considérés comme Juifs au regard de la halakha, la loi juive. La Fédération des Communautés juives d’Espagne (FCJE) indique sur son site que les non-Juifs peuvent également soumettre des demandes.

Mais même le site du ministère espagnol du Travail, des Migrations et de la Sécurité sociale encourage les candidats à se procurer un certificat de judéité rabbinique pour appuyer leur demande de naturalisation.

Cela peut sembler discriminatoire, mais la préférence dans certaines communautés pour des demandes émises par des Juifs est en accord avec l’esprit de la loi, qui, comme l’ont répété des responsables espagnols et portugais, vient expier les persécutions contre les Juifs. Les musulmans, les athées et d’autres ont également été persécutés pendant l’Inquisition.

Concrètement, les candidats non-Juifs peuvent être naturalisés s’ils ont un grand-parent juif, ou « dans certains cas, un arrière grand-père paternel Juif », selon Jacob Bendahan, un avocat israélien qui traite les demandes. Quoi qu’il en soit, « même si le candidat n’est pas juif, il doit produire des documents prouvant qu’il descend de séfarades qui ont été expulsés. Une ketouba, quelque chose », a-t-il ajouté, utilisant le terme halakhique désignant le contrat de mariage.

Des objets de culte juifs dans une synagogue de Lisbonne, en 2015, (Crédit :: AP Photo/Francisco Seco)

« C’est impossible pour un candidat catholique, aux antécédents catholiques, de se faire naturaliser [juste] parce qu’il a un patronyme séfarade, comme Perez ou Cardozo », a expliqué Bendahan.

Pour le moment, le nombre de candidats – pas plus que 65 000 en Espagne et 2 000 au Portugal, suggère que la loi est strictement appliquée.

L’Espagne et le Portugal, deux pays de l’Union européenne au taux de chômage élevé et à la dette publique alourdie par leur politique sociale relativement généreuse, sont, de manière générale, peu intéressés à encourager l’immigration provenant de leurs anciennes colonies appauvries.

Mais un candidat qui se sent discriminé aux Etats-Unis se sentira-t-il plus à l’aise en Espagne ?

La prévalence du sentiment antisémite dans la péninsule ibérique ne donne que peu de garanties, en dépit de la législation pro-séfarade en Espagne et de prise de conscience grandissante du potentiel touristique et éducatif des lieux liés au patrimoine juif.

L’Espagne, ainsi que l’Italie, figurent en tête de l’index sur l’antisémitisme en Europe occidentale de la Ligue Anti-Diffamation (ADL) en 2015. 29 % de la population ont des vues antisémites. En Espagne, les Juifs sont souvent assimilés avec Israël, notamment par un élu catalan qui avait demandé à ce que le chef de la communauté juive de Barcelone soit exclu de Parlement parce qu’il était un « agent étranger ».

Un employé municipal modifie le panneau de signalisation d’une ville. Anciennement appelée Castrillo Matajudios (mort des Juifs), elle devient Castrillo Mota de Judios (Colline des Juifs), le 23 octobre 2015. (Crédit : AFP / CESAR MANSO)

Jusqu’en 2015, une ville en Espagne portait le nom de Castrillo Matajuíos (Matajudíos veut dire « Tue les Juifs »). Au nord de l’Espagne, les gens portent un toast avec une expression qui signifie « tue un juif ».

En 2018, selon une enquête de Pew menée dans les pays européens, les Espagnols et Portugais étaient les plus susceptibles d’approuver que « les Juifs poursuivent leurs propres intérêts avant les intérêts du pays dans lequel ils vivent ».

Les boycotts d’Israël sont particulièrement présents en Espagne. Une trentaine de municipalités ont rejoint le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), un record en Europe. En 2015, les organisateurs du festival de musique près de Barcelone avaient demandé au chanteur juif américain Matisyahu de signer une déclaration condamnant le traitement des Palestiniens par Israël. Matisyahu a refusé et a été désinvité.

L’antisémitisme lié à Israël est omniprésent en Europe occidentale, mais en Espagne, on observe des signes classiques de la haine du Juif sur des bases religieuses.

Ce sentiment a émergé en 2015, quand la chaîne publique RTVA a diffusé un programme radio intitulé « De l’Enfer, le Peuple juif : Propagateur du culte satanique »

Le fait qu’un « travail ouvertement antisémite, empli de théories du complot antisémites et de diffamation ait été diffusé sur les ondes espagnoles est profondément troublant et impose une condamnation immédiate de la part du gouvernement espagnol », avait déclaré le directeur national de l’ADL après que le JTA eut parlé de cette émission.

Yigal Palmor, porte-parole de l’Agence juive et ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères d’Israël, avait critiqué RTVE sur Twitter.

« Comment une entité publique peut donner un crédit à ce type de racisme dégoûtant, bas et grossier ? Un retour à l’Inquisition », avait écrit Palmor.

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