L’ex-président de la Cour, Aharon Barak, sera le juge israélien à l’audience de La Haye
Le choix de ce juge à la retraite pour représenter Israël à la CIJ, suite au recours déposé par Pretoria accusant Israël de "génocide", salué par HaMahane HaMamlahti et Yesh Atid
Le juge de la Cour suprême à la retraite, Aharon Barak, âgé de 87 ans, sera le représentant d’Israël au sein du panel de 15 juges à la Cour internationale de justice (CIJ) basé à La Haye, qui entendra le cas de l’Afrique du Sud contre Israël l’accusant de génocide à Gaza, a annoncé Jérusalem dimanche.
Le ministère des Affaires étrangères a confirmé la nomination de Barak au Times of Israel.
Le nom de Barak a été suggéré par le département international du bureau de la procureure générale, soutenu par la procureure générale Gali Baharav Miara, et personnellement approuvé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a rapporté la Douzième chaîne.
Outre le panel permanent de la CIJ, les deux parties dans l’affaire ont le droit de nommer un juge – qui n’est pas nécessairement originaire du pays – pour participer aux délibérations. Les décisions sont prises à la majorité simple des juges présidents.
D’autres candidats ont été envisagés pour le poste, mais Barak a été choisi en raison de sa réputation internationale, a déclaré au site d’information Walla une source anonyme ayant connaissance des débats.
Barak, rescapé de la Shoah, est respecté à l’échelle internationale et sera perçu comme tout sauf un allié de Netanyahu. Au cours de l’année écoulée, le gouvernement Netanyahu a tenté de faire avancer un plan de refonte du système judiciaire visant à mettre à l’écart les pouvoirs assumés par la plus haute juridiction israélienne, largement attribués au mandat de Barak – ce que le juge à la retraite a vivement critiqué.
Barak est depuis longtemps vilipendé par de nombreuses personnes de la droite radicale pour son approche activiste, et ses déclarations anti-refonte ont suscité de nouvelles critiques cinglantes de la part des partisans du plan. Des manifestants favorables et défavorables à la refonte se sont rassemblés devant son domicile à plusieurs reprises au cours de l’année écoulée.
L’Afrique du Sud présentera son dossier à La Haye jeudi, suivie d’Israël vendredi.
Israël chercherait à présenter à la Cour le film documentaire de 47 minutes de l’armée israélienne sur les atrocités du Hamas du 7 octobre – scènes poignantes de meurtre, de torture et de décapitation, et notamment des vidéos brutes provenant des caméras corporelles des terroristes. Ce film a été projeté, entre autres, à des journalistes, des dirigeants internationaux et des diplomates dans les semaines qui ont suivi l’assaut du groupe terroriste palestinien du Hamas.
Selon la chaîne publique israélienne Kan, des ministres ont exprimé des opinions contradictoires sur la nomination dans le groupe WhatsApp du gouvernement.
Le ministre du Patrimoine, Amichaï Eliyahu, du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit, a estimé que Barak n’a pas les « bonnes notions en la matière ».
Le ministre de l’Intérieur Moshe Arbel (Shas) a lui déclaré que Barak était « un choix très raisonnable, en particulier pour l’arène internationale », selon Kan.
Le ministre Benny Gantz, chef du parti HaMahane HaMamlahti, et membre du cabinet de guerre, a salué Barak comme un « patriote israélien qui a toujours répondu à l’appel de son pays qu’il aime tant », et a qualifié la décision de « juste et appropriée », dans un message publié sur X.
« Ce n’est pas la première fois que l’État d’Israël a besoin de l’esprit, des connaissances infinies et du statut international unique du juge Aharon Barak. Je le félicite pour sa nomination et lui souhaite bonne chance », a écrit sur X le chef de l’opposition Yaïr Lapid, président de Yesh Atid.
Le député Gideon Saar (HaMahane HaMamlahti), ancien ministre de la Justice, a salué la « juste » décision de nommer Barak.
« Au moment de vérité, l’incitation à la haine contre Barak, la diffamation et la délégitimation [de Barak] ont cédé la place au statut international, à la bonne réputation acquise au fil des décennies, au professionnalisme » du juge à la retraite, a écrit Saar.
« Ils ont manifesté contre lui, en ont fait un ennemi national, mais au moment de vérité, le gouvernement d’Israël a également compris qu’il s’agissait d’un expert juridique bien informé et apprécié dans le monde entier, et c’est pourquoi le Premier ministre l’a choisi », a écrit la députée Karine Elharrar (Yesh Atid). « J’espère qu’ils lui ont également demandé pardon », a-t-elle ajouté.
La ministre des Transports Miri Regev (Likud) a déclaré qu’elle « n’aimait pas personnellement cette nomination », parce que Barak, a-t-elle dit, « n’est pas dans le consensus ».
Tally Gotliv (Likud) a exprimé sa déception face à cette nomination, citant les liens de Barak avec les manifestations contre la refonte du système judiciaire. « Celui qui s’est opposé au gouvernement et l’a présenté sous un jour négatif va désormais représenter le pays ? Et cela sous les auspices d’un gouvernement de droite. Extraordinaire », a-t-elle écrit sur X.
L’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité (MQG) en Israël a souhaité bonne chance à Barak : « Votre succès est le succès du pays. » « Nous ne doutons pas que sa grande expérience, son intégrité et la réputation internationale qu’il a acquise en tant qu’autorité dans le domaine juridique seront un atout précieux pour l’État d’Israël dans les moments les plus difficiles qu’il traverse », a déclaré MQG dans un communiqué, ajoutant que les hommes politiques qui l’avaient dénigré devraient s’excuser.
En réponse à cette nomination, l’analyste politique Ben Caspit a ironisé dans une publication sur X : « J’étais sûr qu’ils enverraient [Ilan] Bombach », en référence à un avocat étroitement associé au Likud, parti du Premier ministre.
« Ceux qui ont insulté et maudit Aharon Barak pendant un an – et pendant des années – ont besoin de lui (…). Et Barak répond [à l’appel], parce qu’il est un démocrate, un sioniste et un patriote », a posté en ligne l’éditorialiste de Yedioth Ahronoth, Nadav Eyal.
Dans son recours déposé la semaine dernière, l’Afrique du Sud a accusé Israël d’avoir commis, au cours de sa guerre contre le Hamas à Gaza, des actes « à caractère génocidaire, car ils ont été commis avec l’intention spécifique requise […] de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique palestinien au sens large ».
Israël est signataire de la Convention sur le génocide ratifiée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1948 et est donc soumis à la juridiction de la CIJ, un organe des Nations unies, et à ses décisions.
Selon les termes de la convention, Israël est tenu d’envoyer des représentants à la Cour lorsqu’un recours est déposé à son encontre.
Israël a juré d’éliminer le Hamas après les massacres barbares du 7 octobre, au cours desquels des terroristes palestiniens ont pris d’assaut la frontière de Gaza et sauvagement assassiné 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et pris plus de 240 otages.
L’État juif dément prendre pour cible des civils ou s’être engagé dans une opération ayant un autre objectif que sa sécurité. Le pays déclare faire tout son possible pour éviter de porter atteinte aux civils en combattant un groupe terroriste qui se fond délibérément dans la population gazaouie. Cela fait longtemps qu’Israël accuse les groupes terroristes de Gaza d’utiliser les Palestiniens, dans la bande, comme boucliers humains, menant notamment leurs opérations depuis des écoles ou des hôpitaux qui devraient être protégés.
Plus de 22 000 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
Des fonctionnaires de plusieurs ministères et agences gouvernementales sont impliqués dans le traitement de l’affaire par la CIJ, notamment le ministère de la Justice, le ministère des Affaires étrangères et le bureau du Premier ministre, entre autres.
Les procédures devant la CIJ ne sont pas de nature criminelle et le défendeur est l’État d’Israël et aucun fonctionnaire gouvernemental ou militaire individuel.
Selon le professeur Amichaï Cohen, expert en droit international des conflits armés à l’Institut israélien de la démocratie, il n’y aurait donc pas de conséquences pénales pour les responsables israéliens si jamais la CIJ se prononçait contre Israël, mais cela pourrait avoir de graves répercussions diplomatiques, en termes de sanctions éventuelles et d’autres mesures que les Nations unies et d’autres organismes internationaux pourraient prendre à l’encontre du pays.
L’une des préoccupations d’Israël est la demande de l’Afrique du Sud à la CIJ d’appliquer des « mesures provisoires » à l’encontre d’Israël, qui pourraient inclure un ordre d’arrêt des opérations de combat. L’Afrique du Sud a déclaré qu’elle demandait de telles mesures « pour assurer le respect par Israël de ses obligations au titre de la Convention sur le génocide de ne pas s’engager dans un génocide, de prévenir et de punir le génocide ».
Cohen a indiqué ne pas croire que la Cour émettra une ordonnance sommant Israël à mettre un terme à son opération militaire, notant qu’elle pourrait toutefois demander à Israël de revoir à la hausse les quantités d’aides humanitaires, de carburant ou de médicaments qui entrent dans l’enclave côtière.
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