L’ex-procureur général adjoint estime le projet de refonte judiciaire trop « extrême »
En poste de 2011 à 2022, Ran Nizri estime que le pouvoir judiciaire a trop longtemps refusé de se réformer et qu’il a besoin de changement
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Dans une rare critique du système judiciaire par un ancien haut fonctionnaire, Ran Nizri, qui a été procureur général adjoint jusqu’à l’année dernière, a déclaré mardi que le pouvoir judiciaire avait besoin « d’améliorations substantielles » et « méritait » certains aspects des critiques qui lui ont été adressées.
S’exprimant lors d’une réunion de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, Nizri a toutefois noté qu’il n’était pas d’accord avec des aspects clés de la refonte du système juridique proposée par le gouvernement, affirmant que si elle était adoptée dans sa forme actuelle, elle nuirait à la nature démocratique d’Israël.
Le vaste programme de réforme du système judiciaire du gouvernement a fait l’objet de vives critiques de la part d’un éventail d’anciens juristes, notamment des juges et des procureurs généraux de la Haute Cour, ainsi que des spécialistes du droit.
Peu d’anciens hauts fonctionnaires d’une telle stature, voire aucun, se sont prononcés en faveur des réformes, bien que certains aient admis qu’il pourrait y avoir place à des changements plus modérés.
Nizri a été adjoint sous deux procureurs généraux et dans trois domaines de 2011 à 2022, notamment le droit pénal, le droit public et constitutionnel et l’administration juridique.
La législation proposée par la coalition donnerait au gouvernement un contrôle total sur la nomination des juges, restreindrait sévèrement le pouvoir de contrôle judiciaire de la Haute Cour sur la législation, permettrait à la Knesset d’annuler une décision de la Haute Cour d’annuler une législation, mettrait la législation à l’abri du contrôle judiciaire au début du processus législatif, empêcherait la Haute Cour de réviser les lois fondamentales, et empêcher le tribunal d’utiliser le principe du caractère raisonnable pour évaluer les décisions administratives du gouvernement et d’autres organismes publics.

« Le système [juridique] a besoin d’améliorations substantielles et ne sait pas comment accepter les critiques », a déclaré Nizri à la commission lors de l’audience de mardi. « À mes yeux, il a mérité à juste titre des aspects de la critique [à son égard]. Pendant des années, on s’est opposé aux changements « parce que ce n’est pas le moment ».
« Le système doit être corrigé, mais pas de la manière la plus extrême possible… Le fait que le système juridique n’ait pas fait de changements évolutifs ne signifie pas qu’il doit maintenant être puni et qu’il faut mener une révolution qui nuira au pays ».
Il a ajouté que l’idée de ne rien changer n’était « pas moins dangereuse » que le projet de réforme radicale du gouvernement, « parce que la situation actuelle n’est pas idéale et que la population pourrait penser que la majorité politique est ignorée ».
Nizri a appelé de ses voeux l’ouverture d’un « véritable dialogue », souhaitant que les praticiens de ce système fassent preuve d’« ouverture » au changement et que les deux parties agissent de bonne foi, y compris les politiciens, qui, selon lui, « ont des positions extrêmes ».
« Si la réforme est adoptée telle quelle, elle causera un préjudice substantiel au caractère démocratique du pays et à sa cohésion sociétale », a-t-il ajouté.

Nizri s’est déclaré favorable à la modification de la composition du Comité de sélection des juges, mais pas sur la base des propositions de la coalition – qui donneraient au gouvernement un contrôle total sur au moins cinq, voire sept, des neuf membres du comité, ce qui, selon lui, nuirait à l’indépendance judiciaire.
Nizri a indiqué qu’une solution devait être trouvée afin que les magistrats qui composent le panel n’aient pas de droit de veto sur les nominations, tout en veillant à ce que les juges ne soient pas uniquement nommés par les membres du comité fidèles à la coalition gouvernementale.
L’ex-procureur général adjoint a également indiqué que la proposition tendant à autoriser la Knesset à revenir sur l’annulation d’une loi par la Cour Suprême, par un vote de 61 députés seulement était problématique, suggérant plutôt une majorité de 65 voix.
Il a en outre fait valoir que priver la Cour Suprême du droit d’annuler les décisions gouvernementales de nature administrative sur la base de la doctrine du caractère raisonnable serait problématique, dans la mesure où il s’agit d’« un outil juridique qui défend le citoyen ».
Il a toutefois admis que son utilisation pourrait être limitée.
« Des solutions doivent être trouvées dès que possible. Nous n’avons pas d’autre pays », a conclu Nizri.