L’IA fait revivre deux voix israéliennes à l’occasion du 75e anniversaire d’Israël
Les sons d'Ofra Haza et de Zohar Argov, tous deux décédés, sont réunis dans la dernière création musicale de la société israélienne de production musicale Session 42
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Ofra Haza est décédée il y a 23 ans et Zohar Argov est mort depuis 36 ans. Aujourd’hui, les deux chanteurs, des voix bien-aimées du panthéon musical israélien, sont ramenés à la vie… Enfin d’une certaine manière.
Une équipe de producteurs israéliens a créé un duo, « Ici pour toujours » (« Kan LeOlam ») pour Haza et Argov, en utilisant l’intelligence artificielle (IA).
Créée à l’occasion du 75e anniversaire de l’indépendance d’Israël, la chanson et la vidéo qui l’accompagne utilisent un logiciel d’IA israélien pour créer les performances de Haza et Argov.
« L’idée était de mélanger technologie et créativité », a expliqué Oudi Antebi, PDG et co-fondateur de Session 42, une société israélienne de production musicale qui utilise la technologie et l’analyse de données pour créer des chansons. « La technologie devait briser toutes les frontières, être aussi sauvage et folle que possible et réaliser des fantasmes. Cette chanson en est un excellent exemple. »
Session 42 a également travaillé sur d’autres projets, comme la prochaine chanson de Noa Kirel pour l’Eurovision, « Unicorn« , produite et organisée par Yinon Yahel à Session 42, et un projet 3D à venir dont Antebi n’est pas encore prêt à parler.
« Il s’agit de dire que le monde est en train de changer et que nous allons l’utiliser pour faire des chansons, c’est notre ADN », a déclaré Antebi.
Mais revenons à Haza et Argov, deux têtes d’affiche qui n’ont jamais vraiment chanté ensemble au cours de leur carrière, bien qu’elles n’aient que deux ans d’écart et qu’elles se soient retrouvées sous les feux de la rampe dans les années 1980 pour changer l’idée que les Israéliens se faisaient de la musique mizrahi – moyen-orientale ou nord-africaine.
Bat-Sheva Ofra Haza, la plus jeune des huit membres d’une famille yéménite, était surnommée la « Madone de l’Orient » pour sa voix de mezzo-soprano. Elle est décédée à 42 ans des suites de complications liées au sida, une découverte qui avait suscité une vive controverse à l’époque.
Argov, également issu d’une famille yéménite, était connu comme le roi de la musique mizrahi, avec une voix nasillarde et aigüe qui le caractérisait. Tout au long de sa vie, il a été aux prises avec la loi et ses propres démons. Toxicomane, il est mort à 32 ans en prison, apparemment par suicide, alors qu’il avait déjà purgé une peine de dix ans suite à une condamnation pour viol.
Antebi et ses co-fondateurs de Session 42 ont tenu compte de l’histoire d’Argov lorsqu’ils ont décidé quels artistes utiliser pour le projet d’IA, mais après avoir mené un sondage pour savoir quels artistes représentaient le mieux Israël, la grande majorité a mentionné Haza et Argov.
Ils ont également obtenu le consentement des familles d’Argov et de Haza pour le projet. Antebi a expliqué qu’ils ont demandé aux familles d’essayer d’imaginer ce qu’Argov et Haza auraient pensé de ce projet.
« C’est un duo, il n’y a pas qu’un seul d’entre eux », a déclaré Antebi. « Il y a eu toutes sortes de questions, et en fin de compte, les familles ont vraiment adhéré à l’idée. »
D’autres chanteurs ont été suggérés, dont Arik Einstein, décédé en 2013, mais « c’était comme une évidence que ça devait être eux ».
« Argov passe à la radio des dizaines de fois par jour », a déclaré Antebi. « De facto, il faisait partie du consensus. Il n’y a pas un mariage qui ne passe pas ses chansons. Nous avons donc décidé de ne pas essayer d’être plus royalistes que le roi. »
« Mais il y avait d’autres obstacles à franchir », a déclaré Antebi.
Session 42 a dû obtenir les droits des voix auprès des archives de l’Israeli Broadcasting Corporations et des enregistrements appartenant à la société musicale Reuveni Brothers, qui avait travaillé en étroite collaboration avec les deux chanteurs.
« Nous avions besoin de ces autorisations », a déclaré Antebi, afin de créer une version acapella de leurs voix, sans instruments, ce qui a nécessité les technologies de deux autres start-ups musicales israéliennes.
L’équipe d’auteurs-compositeurs comprenait Tal Forer (membre de l’équipe gagnante de l’Eurovision 2019 de Netta Barzilaï), Roy Machluf et Ron Biton, qui souhaitaient écrire une chanson d’amour, mais « en réalité une chanson d’amour pour la nation », a déclaré Antebi. « Sans vouloir être trop cliché, avec tout ce qui s’est passé ces trois derniers mois, cela nous a donné beaucoup d’inspiration ».
« C’est une chanson qui parle d’Israël à l’âge de 75 ans, de la nation des start-ups, de la technologie et de l’innovation, ainsi que d’une bonne dose de nostalgie », a déclaré Antebi.
Voici une traduction libre de la chanson produite :
Ici pour toujours
Comme les années ont passé
Des milliers de chansons ont déjà été écrites
Ce n’est plus la même époque
C’est vrai, quelques années sont déjà passées
Avec le temps, les choses changent
Ce n’est pas noir ou blanc, la vérité est qu’elle a mille visages
Tous les couchers de soleil que j’ai vus
N’égalent pas ta beauté
Toutes les prières que j’ai proféré
Je me rapproche, ne pars pas
Comment me suis-je un peu éloigné de toi
Tu m’as manqué
J’ai une place pour toi
Ne change pas de visage
Je resterai ici pour toujours
Tu m’as manquée
Même si tu ne vois pas
Nous sommes ici pour toujours
« In fine, c’est une boîte noire, il faut juste voir ce qui en sort », a déclaré Antebi. « Et puis on l’entend et on se dit, ‘wow’, ça leur ressemble. »
« Les familles de Haza et d’Argov avaient le droit d’opposer leur veto à la chanson finale », a déclaré Antebi, mais elles l’ont heureusement adorée.
« On se dit qu’on a fait quelque chose d’énorme », a-t-il déclaré. « Vous regardez les réactions des gens, les commentaires sur YouTube, et cela vous donne l’impression que nous sommes une seule nation, que la musique peut faire de si grandes choses. »