Lors d’un symposium sur un campus américain, seul Ackman défend Trump face à Harvard
Face à des universitaires, des journalistes et des rabbins, le milliardaire pro-Israël a défendu, seul contre tous, les récentes coupes budgétaires imposées par le président américain

JTA — Quelques jours avant que le milliardaire Bill Ackman, gestionnaire de fonds spéculatifs, ne prenne la parole lors de la conférence du 18 mai intitulée « The End of an Era : Jews and Elite Universities » (La fin d’une époque : les Juifs et les universités prestigieuses) au Centre d’histoire juive (CHJ) de New York, une soixantaine d’universitaires ont signé une lettre d’opposition affirmant que ce fervent détracteur de la gestion par Harvard des accusations d’antisémitisme n’avait pas sa place dans un tel contexte.
Les signataires, liés au CHJ ou utilisateurs de ses archives, ont jugé « honteux » que le centre accorde une place de choix à Ackman. Cet ancien élève de Harvard a mené une bataille très médiatisée contre l’ancienne présidente de Harvard, Claudine Gay, sur la question de l’antisémitisme. Selon la lettre, Ackman n’est pas un universitaire et « a utilisé sa fortune et son influence pour attaquer les universités américaines et soutenir la campagne en cours visant à leur retirer leur financement ».
La lettre critique également la composition du panel pour son « manque général d’expertise académique sur les Juifs et l’enseignement supérieur ». (Parmi les quinze intervenants, notre journaliste a dénombré huit universitaires, deux rabbins ayant des liens avec le campus, quatre journalistes et Ackman.)
Mais si les détracteurs pensaient que les autres invités allaient se ranger du côté d’Ackman, ancien président du conseil d’administration du CHJ, ils se sont trompés. Ackman a sans doute été le seul intervenant à défendre les coupes budgétaires fédérales imposées par le président américain Donald Trump à Harvard, ainsi que la liste d’exigences de l’administration visant notamment à accroître la « diversité des points de vue ». Si un consensus s’est dégagé au cours de cette conférence d’une journée, c’est que si de nombreuses universités prestigieuses ont gravement failli dans leur réponse aux manifestations anti-Israël après le 7 octobre 2023, le gouvernement ne devrait pas dicter aux universités leur contenu d’enseignement ni leur mode de fonctionnement.
De nombreux intervenants ont également convenu que l’administration Trump, qui a invoqué l’attitude des universités face à l’antisémitisme pour justifier la suspension des subventions publiques, utilise cette question comme prétexte pour affaiblir ce que le président américain considère comme une élite de gauche.
Ackman a pris la parole lors de la dernière table ronde de la journée, s’adressant à une foule qui remplissait les 250 sièges de l’auditorium du centre (le CHJ avait fait payer un droit d’entrée distinct pour assister au débat). Il a rejeté l’idée selon laquelle Trump utilisait l’antisémitisme comme prétexte et a défendu les exigences maximalistes du président envers Harvard comme une offre initiale dans le cadre d’une négociation sur la diversité politique, la liberté d’expression et « l’efficacité de la gestion de l’établissement ».

« On peut critiquer les méthodes de Trump. Et certes, sa dernière lettre était excessive », a déclaré Ackman, faisant référence à une missive envoyée le 12 mai par l’administration américaine, qui suggérait que Harvard escroquait le gouvernement par le biais de ses politiques d’admission.
« Mais Trump va toujours trop loin. C’est sa façon de négocier. »
« Si j’étais président de l’institution [Harvard], je pourrais régler ce litige avec Trump en une journée. »
Il a qualifié la décision de Harvard de poursuivre l’administration Trump plutôt que de négocier ses revendications de « décision la plus stupide au monde », ce qui lui a valu quelques applaudissements épars.
Ackman a également défendu la décision de Trump d’annuler une série de contrats fédéraux à Harvard pour la recherche sur le cancer, les maladies infectieuses, la santé des anciens combattants et d’autres sujets.
« Il ne s’agit pas d’une décision anti-scientifique de la part du président », a-t-il déclaré.
« Il s’agit d’une mesure visant à redresser cette institution autrefois prestigieuse. »
Lors de la même table ronde, Deborah Lipstadt, professeure d’études juives et sur la Shoah à l’université Emory et ancienne envoyée spéciale du département d’État américain pour la lutte contre l’antisémitisme, a reconnu avoir salué certaines des premières mesures prises par Trump contre l’antisémitisme dans diverses interviews. Elle a toutefois ajouté : « Ce que nous voyons aujourd’hui dépasse les limites de l’acceptable. »

« Ce à quoi nous assistons actuellement, c’est une attaque contre les universités prestigieuses au nom de l’antisémitisme, un fléau bien réel sur les campus », a-t-elle déclaré.
« Ce qui m’effraie… c’est que si les universités qui se battent gagnent, elles diront : ‘Nous avons gagné malgré les accusations d’antisémitisme’. Et si elles perdent, elles diront : ‘Nous avons perdu à cause des Juifs’. »
Lipstadt était assise au milieu, physiquement et sans doute aussi sur le plan idéologique, entre Ackman et le troisième intervenant, Leon Wieseltier, ancien rédacteur littéraire du magazine The New Republic et actuel rédacteur en chef du journal Liberties. Wieseltier a suggéré que la communauté juive avait parfois réagi de manière excessive aux manifestations anti-Israël sur les campus et que les parents juifs avaient failli à leur devoir en ne préparant pas leurs enfants à défendre le sionisme face aux attaques contre Israël.
Wieseltier a également riposté avec virulence aux propos d’Ackman, provoquant les acclamations et les huées d’un public divisé selon des lignes partisanes. « Si vous pensez un seul instant que la campagne de Trump contre les universités ne s’inscrit pas dans la tradition anti-intellectuelle, anti-élitiste et coercitive des philistins… », a-t-il déclaré avant d’être couvert par les applaudissements.

Les dernières mesures prises par Trump à l’encontre de Harvard et d’autres universités semblaient avoir défini les termes du débat de la journée. Alors même que les intervenants déploraient les programmes de diversité, d’équité, d’inclusion (DEI), qui, selon eux, ne parvenaient pas à lutter contre l’antisémitisme et l’encourageaient parfois, ou critiquaient l’application du « deux poids deux mesures » dans la définition des discours de haine acceptables ou non sur les campus, nombreux étaient ceux qui s’inquiétaient des mesures prises par l’administration.
Eli Lake, chroniqueur pour le média The Free Press et auteur de plusieurs articles pour des publications conservatrices, a souligné que l’administration Obama était également intervenue dans les affaires universitaires lorsqu’elle avait publié des directives sur la manière dont les établissements devaient traiter les agressions sexuelles. (Trump avait abrogé ces règles lors de son premier mandat).
Et bien qu’il approuve les intentions déclarées de l’administration actuelle d’accroître la « diversité des points de vue » sur les campus de gauche, il a déclaré que le retrait du financement fédéral constituait « un terrible précédent ».
« D’autant plus que je ne m’attends pas à ce que les républicains restent au pouvoir pendant les mille prochaines années. »
« Je m’inquiète un peu que la communauté juive – et je pense que Trump, d’une manière étrange, encourage cela – entretienne une relation similaire à celle qu’elle entretenait avec les ‘tsars amis’ de l’époque des Romanov, en ce sens qu’il faut qu’une figure très puissante vienne nous protéger », a déclaré Lake.
« Et pour moi, c’est une vie en diaspora que j’aimerais laisser derrière moi, dans l’histoire. »
La professeure d’études juives Rachel Gordan, qui participait au même panel, a également commenté les efforts du gouvernement pour intervenir dans les affaires du campus. Membre du corps enseignant de l’université de Floride à Gainesville, elle a déclaré que la loi adoptée au printemps 2023, visant à réduire le financement des programmes DEI dans les universités publiques, avait affecté le recrutement sur le campus et conduit à un examen minutieux des matières pouvant être enseignées dans les programmes d’enseignement général de base, y compris son cours sur les Juifs américains après la Shoah.
Bien que présenté comme un modèle par d’autres élus républicains souhaitant réformer l’enseignement supérieur, le projet de loi de Floride « nous a fait entrer dans une ère de répression et de peur sur les campus, que beaucoup ont comparée à la période McCarthy », a-t-elle déclaré.
Susie Linfield, professeure de journalisme à l’université de New York et auteure d’un ouvrage sur l’histoire du sionisme et de la gauche, a reconnu que les étudiants juifs avaient été maltraités à la suite du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, qui a déclenché la guerre actuelle à Gaza. Elle a évoqué le cas d’une doctorante israélienne à Yale qui lui a confié que ses professeurs avaient cessé de lui adresser la parole après les massacres et le début de la guerre contre le Hamas.

Toutefois, Linfield a également exhorté les Juifs américains à ne pas céder à la « panique morale » dans leur lutte contre l’antisémitisme sur les campus et dans leurs revendications envers leurs universités. Elle a estimé que la communauté juive était confrontée à « deux crises de légitimité ».
La première crise vient « de la gauche militante qui discrédite le sionisme », a-t-elle déclaré.
La deuxième crise, selon elle, « trouve son origine au sein du gouvernement, dans les attaques de Trump contre les valeurs et le fonctionnement même de nos institutions d’enseignement supérieur ».
« Inutile de préciser », a-t-elle conclu, « qu’aucun de ces endroits n’est bon pour les Juifs ».
Vous comptez sur The Times of Israel pour obtenir une couverture précise et rapide du conflit entre Israël et l'Iran ?
Si oui, rejoignez la Communauté du Times of Israël !
Pour seulement 6 $ par mois, vous pourrez soutenir nos journalistes indépendants qui travaillent sans relâche pour couvrir cette guerre et bénéficier d'une expérience de lecture sur le site du Times of Israël sans publicité et dans nos newsletters.