Milchan : Les Netanyahu m’ont demandé une couverture médiatique positive
Le magnat des médias, témoin de l'État, affirme avoir négocié avec des journaux rivaux une meilleure couverture médiatique de la famille en échange d'une détente de leur rivalité
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le magnat d’Hollywood Arnon Milchan a confirmé mardi qu’il avait agi à la demande du Premier ministre Benjamin Netanyahu lorsqu’il a tenté de faciliter un accord entre des journaux rivaux, dans l’espoir que l’un d’entre eux, qui couvrait le Premier ministre de manière négative, se montrerait plus conciliant à son égard.
Depuis le banc de Brighton, au Royaume-Uni, Milchan a déclaré aux procureurs que « le Premier ministre et sa femme », Sara, lui avaient demandé d’utiliser ses relations personnelles avec Arnon « Noni » Mozes, propriétaire de Yedioth Ahronoth, et Sheldon Adelson, ancien propriétaire d’Israel Hayom, pour parvenir à un accord.
« Une partie de l’accord consistait à ne pas faire de tort au Premier ministre et à sa femme », a déclaré Milchan, se référant aux efforts déployés en 2009. Il a ajouté que Mozes pensait à l’époque que si Yedioth Ahronoth descendait suffisamment Netanyahu dans ses pages, le Premier ministre pousserait Adelson à accepter un accord visant à limiter la diffusion de son quotidien gratuit, qui rognait sur les profits de Mozes.
« Chaque fois que je recevais une réponse négative lors des négociations, j’en informais Netanyahu », a-t-il ajouté, évoquant l’implication du Premier ministre.
L’accord jamais finalisé constitue la base du dossier 2000 de l’accusation contre Netanyahu pour fraude et abus de confiance. Pour qu’une condamnation soit prononcée, il faut simplement prouver qu’il y a eu un comportement contraire à la loi, et non pas que ce comportement ait été couronné de succès.
Lorsque le procureur lui a demandé pourquoi il avait cherché à négocier un accord dans lequel il n’avait aucun intérêt direct, il a répondu : « Je suis intervenu parce que j’étais proche du Premier ministre et de sa femme, et qu’il me semblait important de leur éviter les peines qu’ils prétendent avoir subies à cause de Noni, et que le seul moyen d’y parvenir était de passer par Israel Hayom, pour rééquilibrer les menaces ».
Le producteur hollywoodien est à la barre avant tout pour témoigner dans l’affaire 1000, et confirmer qu’il a donné des cadeaux coûteux à la famille Netanyahu. Selon l’État, ces cadeaux auraient été offerts de manière irrégulière, tout comme le sont les demandes de Milchan pour obtenir de l’aide avec son visa américain sur le point d’expirer ou l’extension de ses avantages fiscaux israéliens pour les citoyens revenant au pays.
L’acte d’accusation de l’État contre Netanyahu évalue les généreux cadeaux à 462 000 shekels, auxquels s’ajoutent 229 000 shekels de cadeaux attribués au milliardaire australien James Packer.
Mardi marquait le troisième jour du témoignage de Milchan et la fin de l’interrogatoire direct de l’accusation.
Ouvrant le contre-interrogatoire, un avocat du Premier ministre Benjamin Netanyahu a dit à Milchan que son but était de « corriger cette injustice qui vous a été faite et qui a été faite à Netanyahu. »
« Vous êtes une personne formidable, tout le monde dans cette salle a une dette énorme pour ce que vous avez fait en faveur de la sécurité du pays », a déclaré l’avocat de la défense Amit Hadad, dans une allusion au passé du magnat des médias en matière de vente d’armes et de travail pour l’agence d’espionnage du Mossad d’Israël.
« Ils vous ont malheureusement transformé en une personne qui offrait des cigares et du champagne. Ils vous ont entraîné dans une affaire qui n’est pas la vôtre. Vous êtes quelqu’un d’honnête et vous n’avez jamais pensé que vous faisiez quoi que ce soit de répréhensible », a ajouté Hadad.
« Une partie importante du contre-interrogatoire sera consacrée à la correction de cette injustice qui vous a été faite et qui a été faite à Netanyahu », a-t-il poursuivi.
Une partie de la stratégie de Hadad consistait à souligner la proximité de Milchan avec Netanyahu pour justifier les nombreux cadeaux offerts par Milchan.
L’avocat de la défense a mis en avant une lettre que Netanyahu avait envoyée à Milchan lors de son entrée en fonction en 2009, en disant qu’elle « témoigne d’une profonde amitié ».
Hadad a aussi affirmé que les Netanyahu et les Milchan s’offraient mutuellement des cadeaux, soulignant les cadeaux que Sara Netanyahu a offerts à la femme de Milchan, Amanda.
« Les cadeaux que Sara et Amanda se sont offerts mutuellement et qu’elles ont offerts aux enfants, tout comme les cadeaux que vous leur avez offerts, font partie de cette amitié », a déclaré Hadad.
Peu après l’ouverture de Hadad, Netanyahu est arrivé au tribunal de district de Jérusalem – c’est le troisième jour consécutif que le Premier ministre assiste aux audiences.
Les avocats de la défense ont demandé à ce que la salle d’audience soit libérée peu avant l’arrivée du Premier ministre, sous prétexte qu’ils voulaient interroger Milchan sur des questions confidentielles liées à la sécurité.
Le huis clos a également suivi Netanyahu à l’extérieur du tribunal. Anticipant l’arrivée du Premier ministre au tribunal de district, la police a demandé aux commerces palestiniens locaux de fermer temporairement leurs portes. Moe Tahhan, propriétaire du Sawra Street Cafe de Jérusalem-Est, a déclaré que la police avait également ordonné la fermeture de son restaurant, situé en face du tribunal, sans compensation, à l’arrivée du Premier ministre lundi.
Netanyahu a été inculpé de fraude et d’abus de confiance dans les affaires 1000 et 2000, ainsi que d’un chef d’accusation supplémentaire dans l’affaire 4000. Le Premier ministre doit également répondre à une accusation de corruption dans l’affaire 4 000, selon laquelle il aurait promis des avantages réglementaires au géant des télécommunications Bezeq afin d’obtenir une couverture médiatique positive sur le site d’information Walla, qui appartenait à l’époque à la même famille.
Netanyahu a fermement maintenu son innocence tout au long de l’enquête et du procès, affirmant que les accusations étaient le résultat de l’intérêt des médias et de la police, sous la supervision d’un procureur public faible. Le commissaire de police au moment de l’enquête et le procureur général au moment de l’inculpation avaient tous deux été nommés par Netanyahu.