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Moyen-Orient : vers des millions de déplacés climatiques ?

En 2021, l'augmentation des catastrophes naturelles a forcé "presque trois millions de personnes à quitter leur maison en Afrique et au Moyen-Orient"

Image d'illustration de la sécheresse et du réchauffement climatique (neenawat ; iStock by Getty Images)
Image d'illustration de la sécheresse et du réchauffement climatique (neenawat ; iStock by Getty Images)

Pluies rares, canicules et sécheresses : au Moyen-Orient, la région du monde la plus pauvre en eau, le changement climatique pourrait faire des millions de déplacés, charriant avec eux le risque d’une urbanisation néfaste pour l’environnement et même de conflits pour les ressources.

Au quotidien, Hussein Abou Saddam, président du syndicat des agriculteurs égyptiens, le constate déjà : « des jeunes des zones rurales migrent à l’étranger ou vers les grandes villes pour travailler dans l’industrie par exemple », raconte-t-il à l’AFP.

Derrière ces départs, il y a des raisons climatiques, dit-il.

Si l’Egypte souffre déjà de « sa surpopulation (104 millions d’habitants) et du fait qu’elle est un des pays les plus arides au monde », les nouveaux aléas liés au changement climatique « comme l’apparition de nouveaux parasites » ont rendu l’agriculture moins rentable, poursuit-il.

Déjà, « 90 % des réfugiés de la planète viennent de territoires extrêmement vulnérables au changement climatique », note le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR).

« Si les populations ne peuvent plus se nourrir ou travailler leurs terres, elles n’ont que peu d’alternatives au déplacement », explique à l’AFP Amy Pope, directrice adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

En 2021, l’augmentation des catastrophes naturelles a forcé « presque trois millions de personnes à quitter leur maison en Afrique et au Moyen-Orient », rappelle Mme Pope. « Et nous pensons que la situation ne va faire que s’aggraver ».

En Egypte, en 2060, le changement climatique pourrait avoir emporté la moitié du secteur agricole, selon les spécialistes du climat.

Outre « la baisse de la production » agricole, « il y a aussi l’attrait pour la ville, son mode de vie et ses services », nuance Florian Bonnefoi, chercheur rattaché au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) au Caire.

Malgré tout, pour la Banque mondiale, en 2050, si rien n’est fait, il y aura 216 millions de migrants climatiques, des familles forcées de se déplacer au sein même de leur pays, dont 19,3 millions dans les cinq pays d’Afrique du Nord.

Si cette zone est particulièrement exposée, c’est que ses côtes densément peuplées sont parmi les plus menacées par la montée des eaux : 7 % des habitants y vivent à moins de cinq mètres au-dessus du niveau de la mer, selon l’Institut européen de la Méditerranée (IEMed).

Naturellement, les populations convergeront vers les métropoles : Le Caire, Alger, Tunis, Tripoli, le corridor Casablanca-Rabat et Tanger.

Mais, prévient la Banque mondiale, ces « foyers d’immigration climatique » sont eux-mêmes vulnérables à la montée des eaux.

A Alexandrie par exemple, sur la côte égyptienne, deux millions de personnes, soit près du tiers des habitants, seront déplacées et 214 000 emplois disparaîtront si la mer monte de 50 centimètres.

De tels regroupements « augmentent la pression sur les ressources », prévient l’économiste Assem Abu Hatab, ce qui « peut mener à des conflits violents » dans une région où l’agriculture représente 22 % de l’emploi.

Au Soudan déjà, les affrontements entre tribus pour l’accès à l’eau et à la terre font chaque année des centaines de morts. Ces derniers jours, dans le seul Etat du Nil Bleu, au moins 250 personnes ont péri dans ces combats.

Selon l’Unicef, sur les 17 pays les plus pauvres en eau du monde, onze se trouvent au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord.

Des buffles d’eau assis dans un ruisseau lors d’une période de sécheresse au marais de Hawiza, près de la ville d’al-Amarah, dans le sud de l’Irak, le 27 juillet 2022. (Crédit : Ahmad Al-Rubaye/AFP)

En Irak par exemple, si rien n’est fait d’ici 2050, « avec un degré supplémentaire et 10 % de pluies en moins, 20 % de l’eau douce » du pays de 42 millions d’habitants risque de disparaître, privant un tiers des terres agricoles de leur irrigation, selon la Banque mondiale.

La Jordanie, l’un des pays les plus secs du monde, a dû doubler en 2021 ses importations d’eau d’Israël et la bande de Gaza, sous blocus de l’Etat hébreu, souffre d’une pénurie chronique d’eau depuis plusieurs années.

A Copenhague puis à Paris, la communauté internationale « s’est engagée à aider les pays en développement à faire face à l’impact du changement climatique » en accompagnant « une pratique différente de l’agriculture et une meilleure gestion de l’eau », rappelle Mme Pope.

Début septembre, 24 pays africains l’exhortaient à respecter ses engagements au plus vite.

Ils plaideront de nouveau leur cause à la COP27 qui s’ouvrira le 6 novembre en Egypte.

Car il va falloir, affirme Mme Pope, « trouver des sources alternatives d’emploi et donc de revenus » pour endiguer les migrations climatiques.

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