« Muslim d’apparence » : Le chercheur Pascal Boniface déclenche une polémique politique
Dans l'émission de France 2 "Quelle époque", Karim Bouamrane avait déploré l'importation en France du conflit israélo-arabe "à des fins électoralistes"
« Muslim d’apparence » : le chercheur en géopolitique Pascal Boniface s’est attiré de vives critiques dimanche en utilisant cette expression en commentaire d’une vidéo concernant le maire socialiste de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, qui a choisi de ne pas s’exprimer sur le conflit au Proche-Orient dans une émission.
Figure montante du PS et membre de l’aile du parti opposée à l’alliance avec le mouvement d’extrême-gauche radicale anti-Israël, La France Insoumise (LFI), Bouamrane s’est lui-même indigné d’être décrit comme un musulman « d’apparence ».
« Après 30 ans d’engagement à gauche, élu de la République depuis 1995, voilà comment un chercheur me qualifie et se disqualifie définitivement. La lutte contre l’essentialisation continue ! Vive la République ! Vive la France ! », a écrit sur le réseau social X le maire de Saint-Ouen, d’origine marocaine et dont le nom avait circulé pour Matignon après les élections législatives du 7 juillet.
Dans l’émission de France 2 « Quelle époque », Bouamrane avait déploré l’importation en France du conflit israélo-arabe « à des fins électoralistes », reprenant le reproche fait à LFI, en particulier pendant la campagne pour les élections européennes du 9 juin.
« Sincèrement je m’interroge sur cet homme que je ne connais pas perso. Est-il un exemple de la méritocratie ? Alors bravo ! Ou instrumentalisé façon un muslim d’apparence qui ne critique pas [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu et donc bénéficie d’une grosse promo médiatique », a écrit Boniface sur X.
Lundi, le chercheur a retiré son message, reconnaissant que « l’expression ‘muslim d’apparence’ est maladroite et suscite des interprétations qui sont contraires à ma pensée ».
Tout en « maintenant les questions de fond que je pose face au silence concernant une situation inacceptable à Gaza, où le risque de génocide est chaque jour plus avéré », ajoute-t-il sur le même réseau social, semblant reprocher à l’édile une certaine mesure dans ses condamnations des bombardements israéliens à Gaza.
« J’ai voulu l’interpeller, je n’ai peut-être pas employé les bons mots pour me faire comprendre, mais chaque voix compte pour appeler à un cessez-le-feu » à Gaza, a-t-il encore justifié dans une vidéo publiée lundi.
La même critique a été adressée à M. Bouamrane par l’eurodéputée insoumise très controversée Rima Hassan, qui passe à l’évidence beaucoup de temps sur X, lui reproche d’être « convaincu d’avoir fait le job avec un post (sur Gaza) en un an », relatif aux bombardements de Rafah en mai. Une prudence que réfute l’entourage du maire de Saint-Ouen.
De nombreux responsables, pour la plupart des socialistes ou macronistes mais également issus de la droite, avaient vivement critiqué la publication de Pascal Boniface avant son retrait.
« Nul ne devrait être assigné à une supposée identité religieuse ou culturelle. Nul ne devrait préjuger de ce que peut penser un musulman, un juif, un chrétien ou un athée. Encore moins juger qu’une prise de position puisse en faire un ‘muslim d’apparence' », s’est insurgé sur X le premier secrétaire du PS Olivier Faure.
Le ministre macroniste des Affaires européennes Benjamin Haddad a jugé que « l’assignation identitaire est l’inverse de notre pacte républicain ».
La ville de Dijon et son maire François Rebsamen, issu du PS, ont annoncé la suspension de leur collaboration avec l’Institut de recherches internationales et stratégiques (Iris), l’un des principaux centres de réflexion français sur la géopolitique, dont M. Boniface est le fondateur et le directeur.
« La ville de Dijon est attachée aux valeurs de laïcité et d’universalisme », a écrit sur X M. Rebsamen, annonçant l’annulation des Internationales de Dijon des 22 et 23 novembre 2024, un événement de débats organisé en partenariat avec l’Iris.
La métropole de Nantes a également annoncé que le chercheur ne serait « plus associé » aux prochaines éditions des Géopolitiques de Nantes, un autre événement regroupant diverses tables rondes organisé en partenariat avec l’Iris.
Ancien membre du PS, Boniface l’avait quitté après une polémique liée à la publication d’une de ses notes en 2001 consacrée aux positions du parti sur le conflit israélo-arabe.
Pourquoi @PascalBoniface, que je ne connais pas, me somme, par interpellation sur les réseaux sociaux, sur une publication n’ayant rien à voir, de donner ma position sur les conflits au Proche orient ?
L’aurait-il fait si je m’étais appelée Colette Durand ? https://t.co/RZFYjsh5xX
— Lamia El Aaraje (@lamiaela) October 20, 2024
Boniface a également interpellé dimanche sur X une autre élue socialiste de Paris, Lamia el Aaraje, pour lui demander ce qu’elle pense « de la poursuite des bombardements sur Gaza ».
« L’aurait-il fait si je m’étais appelée Colette Durand ? », s’est-elle interrogée.