Netanyahu n’a pas prévu de partir, et Bennett l’aide à rester dans les parages
Alors que son combat acharné pour protéger sa coalition contre un prédécesseur qui veut sa peau ne fait que commencer, le nouveau Premier ministre fait déjà preuve de faiblesse
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
L’arrivée de la députée travailliste Emilie Moatti dimanche soir sur une civière, conduite à la Knesset pour voter en faveur de la nouvelle coalition, incapable de se tenir debout à cause d’une maladie à la colonne vertébrale, était l’illustration la plus claire possible de la fragilité du gouvernement Naftali Bennett-Yair Lapid. Cela pouvait illustrer également les potentiels problèmes à venir alors que ce nouveau gouvernement va chercher à faire avancer ses nouvelles législations et à repousser les efforts du chef de l’opposition Benjamin Netanyahu pour la faire tomber.
Israël a le gouvernement le plus représentatif sur le plan idéologique de toute son histoire, et détient la majorité la plus étroite possible. Bennett pensait qu’il prendrait ses fonctions avec 61 voix contre 59. En fait, il a rassemblé 60 voix contre 59, le député Raam Said al-Harumi s’étant abstenu afin de protester contre les démolitions imminentes d’habitations dans les régions bédouines du Néguev où il est né, a grandi et a été président du conseil local.
Les accrochages politiques qui ont éclaté mardi lors de la première séance test de la nouvelle coalition – quand le ministre travailliste de la Sécurité intérieure, Omer Bar-Lev, a approuvé la nouvelle Marche des Drapeaux à Jérusalem, au grand soulagement de Bennett de Yamina, tandis que le chef de Raam, Mansour Abbas, s’est opposé à ce qu’il a déclaré être une provocation délibérée de l’extrême droite, et que Ram Ben-Barak de Yesh Atid a reconnu qu’Abbas avait raison – a immédiatement montré les divergences claires entre bon nombre des alliés de ce gouvernement d’une étrangeté sans précédent. Ces divergences idéologiques s’illustreront certainement à nouveau prochainement, mais la venue brève de Moatti depuis l’hôpital – où elle est retournée ensuite – afin qu’elle puisse voter dimanche soir souligne de façon pratique la complexité à parvenir au maintien de ce gouvernement.
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L’un de ses problèmes les plus difficiles et les plus urgents sera l’adoption du budget de l’État – une réalisation législative qu’Israël a gérée pour la dernière fois, croyez-le, le 15 mars 2018.
La loi donne 100 jours à un nouveau gouvernement pour adopter un budget ; en cas d’échec, la Knesset se dissout automatiquement et de nouvelles élections sont organisées. Cela signifie que la nouvelle coalition devra négocier les termes du budget entre ses huit partis constitutifs, lui faire passer les étapes des commissions, puis organiser les trois votes en assemblée d’ici fin septembre. Les accords de coalition précisent que des efforts seront déployés pour amender la Loi fondamentale à ce sujet afin de porter le délai de 100 à 145 jours. Mais la Cour suprême, dans une décision ironiquement fustigée par le gouvernement dirigé par Netanyahu, a indiqué le mois dernier son mécontentement face à la modification des Lois fondamentales pour des commodités politiques à court terme.
Les relations entre les huit chefs de parti semblent bonnes pour l’instant ; sinon, nous n’aurions pas de gouvernement. Mais tous les députés, dans tous les partis de la coalition, devront apporter leur soutien à chaque étape du processus budgétaire pour que la législation triomphe de l’opposition dirigée par Netanyahu. Aucun d’entre eux ne pourra au même moment être en voyage à l’étranger, assister à des funérailles, se retrouver hospitalisé sans pouvoir assister au vote, ou s’abstenir, même pour les raisons les plus sincères qui soient.
Et cette discipline de fer devra être mise en place par une équipe composée d’un chef de commission des Finances inexpérimenté (Alex Kushnir d’Yisrael Beytenu) et d’une cheffe de coalition néophyte (Idit Silman de Yamina), rassemblant de nombreux députés au premier mandat, dont une dizaine ne sont entrés en fonction que cette semaine en vertu des dispositions de la Loi norvégienne (par laquelle les ministres peuvent temporairement céder leur siège afin que d’autres membres de leur parti puissent entrer à la Knesset).
Quant à la perspective d’élargir la coalition afin de rendre sa viabilité quotidienne un peu moins complexe, elle semble impossible dans un avenir proche. L’opposition des deux partis ultra-orthodoxes au nouveau gouvernement semble être absolue, et la dissidence au sein du Likud est pour l’instant largement anonyme.
Lundi, Yuli Edelstein s’est fait remarquer pour son absence à la réunion à la Knesset entre Netanyahu et les députés de l’opposition – mais il n’a pas exprimé sa volonté de défier le leader, du moins pas publiquement. Et tandis que Nir Barkat a osé observer avec justesse la semaine dernière que « le camp national » aurait réussi à former une coalition si Netanyahu s’était retiré, il semble avoir été calmé après une réunion mercredi soir avec Netanyahu à la résidence officielle du Premier ministre rue Balfour, où Netanyahu réside toujours.
Une transition rapide, dangereuse et antipatriotique
Bennett a été qualifié de menteur, de fraudeur et de danger pour l’État par Netanyahu. Il a été harangué et sifflé tout au long de son discours d’ouverture par des députés proches de Netanyahu et a été insulté de traître lors des manifestations encouragées par Netanyahu. Netanyahu lui a refusé la cérémonie publique habituelle de transfert de pouvoir. Peut-être l’acte le plus dangereux et anti-patriotique de Netanyahu : Bennett n’a reçu qu’un briefing de transition des plus sommaires de la part de son prédécesseur – un rendez-vous si bref qu’il est impossible que Netanyahu ait pu l’informer, entre autres questions cruciales, au sujet de ses innombrables rencontres internationales privées lors desquelles aucun preneur de notes n’était présent, et dont le contenu est manifestement critique pour le nouveau Premier ministre.
Traité par son prédécesseur comme un intrus et un imposteur, Bennett persiste à considérer ces crachats comme insignifiants – une position symbolisée par le silence indulgent de son bureau lorsque celui-ci a été interrogé sur la volonté de Bennett de laisser Netanyahu et sa famille prolonger leur séjour dans la résidence officielle.
Aux États-Unis, le nouveau président se rend directement à la Maison-Blanche dès l’investiture. Au Royaume-Uni, le nouveau Premier ministre entre directement au 10 Downing Street après avoir été officiellement chargé de former un gouvernement par la monarque au palais de Buckingham.
Dimanche soir, en Israël, après la fin de 12 ans de règne de Netanyahu, le nouveau Premier ministre est rentré chez lui à Raanana, et le Premier ministre évincé est retourné dans la résidence officielle de la rue Balfour, comme si rien n’avait changé. Ne montrant aucune envie de partir, l’ « Altesse » fraîchement autoproclamé continue à recevoir des dignitaires étrangers au « palais » de Balfour et d’y tenir des réunions politiques visant directement à pouvoir entraver et vaincre rapidement son successeur.
Bennett pourrait penser qu’il prend les devants et qu’il se présente comme digne et patient, mais sa réticence à exiger de Netanyahu qu’il quitte les lieux suggère qu’il pourrait être intimidé, au moment même où il a le plus besoin de faire preuve de confiance. Netanyahu, qui pourrait tout à fait partir vivre dans sa résidence luxueuse de Césarée, affirme là à ses forces qu’il ne part nulle part. Et pour l’instant, sur la question de la résidence du Premier ministre, Bennett a laissé montrer qu’il avait raison.
C’est là un signe de mauvais augure pour une coalition très mince, au début d’une longue bataille de survie contre le politicien le plus qualifié, le plus résistant et le plus impitoyable d’Israël.
En parallèle de ce vote en position couchée par Moatti du Parti travailliste, un autre moment marquant du drame qui s’est joué dimanche à la Knesset est survenu après que Netanyahu et Bennett se sont brièvement serré la main. Bennett a ensuite tendu le bras pour tapoter l’épaule de son prédécesseur, comme pour lui manifester une commisération amicale suite à sa défaite. Mais Netanyahu se détournait déjà, s’éloignait. Il n’est pas du tout intéressé par la sympathie ou l’empathie ; il prépare déjà son retour.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel