Noa Kirel irait en Pologne après ses propos polémiques sur la Shoah
La star a provoqué un tollé en Pologne en disant que les 12 points qu'elle lui a accordés lors de l'Eurovision était une "victoire" après la mort de proches durant la Shoah
Après avoir dit sa « douleur » suite aux propos de Noa Kirel lors du concours Eurovision de la chanson, le vice-ministre polonais des Affaires étrangères a déclaré, jeudi, que la star israélienne avait accepté son invitation à se rendre en Pologne.
« Merci à Noa Kirel d’avoir accepté mon invitation à se rendre en Pologne », a tweeté Paweł Jabłońsk, en polonais et en anglais.
« J’espère qu’ensemble, nous évoquerons l’histoire, la commémoration des victimes de la Shoah et les crimes de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi l’avenir, de manière à inciter les jeunes Polonais et Israéliens à s’intéresser à leur histoire. Pour lutter contre les stéréotypes infondés », a-t-il écrit.
Kirel, qui est arrivée troisième lors du dernier concours européen de la chanson, a suscité la controverse dans ce pays d’Europe de l’Est, notamment de la part de politiciens et de médias polonais, en affirmant que les 12 points reçus de la Pologne étaient, pour sa famille et le peuple d’Israël tout entier, une véritable victoire.
« Que la Pologne donne 12 points à Israël, alors que la quasi-totalité des Kirel ont été assassinés lors de la Shoah, c’est une véritable victoire », a déclaré Kirel à la chaîne israélienne Kan juste après la compétition.
« Recevoir 12 points de la Pologne, après ce qu’ont vécu ma famille et le peuple d’Israël lors de la Shoah, c’est une vraie victoire », a-t-elle répondu à la question du site d’information Ynet portant sur le fait d’avoir reçu le maximum de points de la Pologne.
Des membres de la famille du père de Kirel ont été tués à Auschwitz et elle s’est rendue en pèlerinage dans le camp de la mort, avec son père, en 2019.
Kirel n’a pas encore confirmé, pour sa part, avoir accepté l’invitation. Elle n’a pas fait de commentaires sur la question.
Dans un long message publié sur les réseaux sociaux, samedi, Jabłoński a lancé à Kirel une invitation à se rendre en Pologne « afin de mieux comprendre pourquoi elle pense à notre pays de cette manière et pour lui expliquer en quoi [ses propos] nous ont blessés ».
Cet incident fait écho à un différend entre Israël et la Pologne à propos des décisions prises par Varsovie pour minimiser la responsabilité polonaise dans la persécution et le meurtre de masse des Juifs, sur son territoire, pendant la Shoah.
Jabłoński a dit que Kirel devait venir « voir de ses propres yeux les lieux dans lesquels l’Allemagne nazie s’était livrée à des crimes cruels contre les Polonais et les Juifs dans notre pays ».
Jabłoński a évoqué les voyages de jeunes Israéliens en Pologne, affirmant qu’ils contribuaient à donner une image fidèle de la Shoah aux Israéliens.
Ces voyages sont précisément au cœur d’un accord conclu, il y a peu, entre Israël et la Pologne de manière à rétablir des relations diplomatiques tendues.
Cet accord a été très critiqué en Israël, qui estime qu’il conforte la position polonaise, alors que les historiens disposent de preuves significatives de la coopération des Polonais avec le régime nazi.
L’accord est une étape vers la normalisation des relations avec la Pologne, qui était jusqu’à il y a quelques années un des pays les plus pro-israéliens de l’Union européenne. Les relations se sont détériorées en 2018, lorsque la Pologne a adopté une loi interdisant de critiquer la Pologne pour les crimes nazis. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Yair Lapid, avait qualifié la loi d’antisémite, ce qui avait eu pour effet d’ouvrir une crise diplomatique.
En vertu de cet accord, les groupes d’étudiants israéliens pourront se rendre dans les sites recommandés par la Pologne. Mais selon les critiques, ces sites véhiculent une vision déformée de la Shoah, oublieuse des complicités polonaises et centrée sur l’exaltation des mesures prises par certains Polonais pour sauver les Juifs.
Les jeunes Israéliens juifs se rendent traditionnellement en Pologne, en été, entre la classe de Première et celle de Terminale, pour visiter d’anciens camps nazis, s’informer sur la Shoah et rendre hommage aux personnes assassinées.
Ces voyages ont longtemps été considérés comme un rite de passage dans le système éducatif israélien et, avant la pandémie de COVID-19, quelque 40 000 étudiants israéliens y participaient chaque année.
La Pologne a été le premier pays envahi et occupé par le régime nazi d’Adolf Hitler lors de la Seconde Guerre mondiale : il n’a jamais eu de gouvernement collaborationniste.
Les membres de la résistance polonaise et du gouvernement en exil ont lutté pour informer le monde du massacre des Juifs, et des milliers de Polonais ont risqué leur vie pour aider des Juifs.
Toutefois, les historiens spécialistes de la Shoah ont accumulé de nombreuses preuves attestant des méfaits commis par des Polonais qui ont assassiné des Juifs ou les ont fait chanter pour obtenir de l’argent.
Six millions de Juifs, dont la quasi-totalité des quelque 3 millions de Juifs de Pologne, ont été tués par les nazis et leurs collaborateurs lors de la Shoah, et les principaux camps de la mort nazis se trouvaient en Pologne.