Nucléaire : Washington veut que Téhéran adopte des « mesures de désescalade »
Avec une initiative présumée du Japon qui viserait à relancer les discussions sur le programme nucléaire iranien, le département d'État a dit qu'il était ouvert à la diplomatie
L’administration Biden a « toujours » indiqué à Téhéran qu’elle resterait « ouverte à la diplomatie » concernant le programme nucléaire très controversé de la république islamique. Elle a toutefois noté qu’il fallait d’abord que l’Iran prenne « des mesures de désescalade » dans le but d’apaiser des tensions élevées et « de créer l’espace nécessaire à la diplomatie », a fait savoir un porte-parole du département d’État, mardi.
Matthew Miller a dit lors d’une conférence de presse que les États-Unis « s’engagent à garantir que l’Iran n’obtiendra pas l’arme nucléaire et nous préférerions trouver des réponses à nos inquiétudes sur le programme nucléaire de l’Iran par le biais de la diplomatie ».
Des propos qui sont venus en réponse à une question portant sur des informations récentes qui ont laissé entendre que le Japon avait proposé une initiative visant à relancer les négociations sur l’accord sur le nucléaire iranien qui avait été signé en 2015, le JCPOA (en français, le Plan d’action global commun).
Le ministre des Affaires étrangères iranien, Hossein Amir-Abdollahian, a déclaré mardi matin qu’une initiative japonaise alignée sur « les intérêts de l’Iran » serait bienvenue pour Téhéran. Amir-Abdollahian a salué « le rôle constructif du Japon dans la reprise des pourparlers concernant l’accord », selon Arab News, qui a cité l’agence de presse nippone Kyodo News.
Amir-Abdollahian avait ainsi fait savoir à Kyodo News qu’il avait reçu la proposition du Japon alors qu’il se trouvait en déplacement à Tokyo, le mois dernier, pour des entretiens avec le Premier ministre Fumio Kishida et avec le chef de la diplomatie japonaise à ce moment-là, Yoshimasa Hayashi.
Miller a précisé mardi « qu’il n’avait pas connaissance de cette initiative spécifique » mais que Washington estime que « la diplomatie est le meilleur moyen de s’assurer que l’Iran n’obtiendra jamais une arme atomique ».
« Nous avons toujours dit que nous sommes ouverts à la diplomatie avec l’Iran. Je ne veux pas entrer dans le détail de ce à quoi de telles discussions pourraient ressembler ou non mais la diplomatie, nous en sommes convaincus, est le meilleur moyen d’empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire. Nous préférerions poursuivre la diplomatie », a continué Miller mardi, ajoutant qu’il y a « un certain nombre de mesures de désescalade que nous voulons que l’Iran prenne ».
Les inquiétudes portant sur le programme nucléaire de la république islamique s’étaient accrues, au début du mois, après le refus de laisser entrer des inspecteurs expérimentés de l’Agence internationale de l’Énergie atomique (AIEA) dans des structures nucléaires du pays. Un refus qui avait été fustigé par le chef de l’agence, qui l’avait qualifié de « sans précédent ».
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré, vendredi, que le programme nucléaire iranien était « un élément déstabilisateur » et il a accusé Téhéran de « ne pas souhaiter se conduire comme un acteur responsable » après le refus de laisser entrer les inspecteurs de l’AIEA dans les usines nucléaires du pays.
Miller a précisé que l’Iran devait prendre des mesures de désescalade « si le pays veut vraiment réduire les tensions et créer l’espace nécessaire à la diplomatie », notant que Washington « n’a encore décelé aucune indication » que la république islamique pourrait « vouloir sérieusement répondre aux inquiétudes » nourries par les États-Unis et les autres pays signataires de l’accord de 2015 au sujet du programme nucléaire.
Au début du mois, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne avaient fait savoir à l’AIEA que Téhéran devait répondre clairement aux questions sur son programme nucléaire, notamment aux préoccupations liées aux caméras de surveillance et également à la présence de particules d’uranium enrichi à un niveau quasiment militaire.
« Si l’Iran veut faire réellement preuve de sérieux dans ses mesures de désescalade, la première chose à faire est de coopérer avec l’AIEA. Nous n’avons pas vu les Iraniens le faire pleinement », a poursuivi Miller.
Le porte-parole a établi clairement qu’il « n’affirmait pas » pour autant que les États-Unis relanceraient des négociations directes ou indirectes avec Téhéran si le régime des mollahs prenait ces mesures de désescalade.
D’autres informations rendues publiques mardi ont laissé entendre que le guide suprême iranien avait donné le feu vert à des pourparlers directs avec les États-Unis sur le programme nucléaire, une initiative survenue quelques jours après que la Maison Blanche a expliqué avoir bloqué la visite prévue par Amir-Abdollahian à Washington.
Selon Amwaj.media, dont le siège est au Royaume-Uni, la république islamique veut une relance des négociations sur la réintégration des États-Unis dans l’accord de 2015 en les reprenant là où elles s’étaient arrêtées il y a environ un an.
Ces discussions, qui avaient été menées via l’Union européenne, s’étaient rompues alors que les deux parties avaient indiqué être sur le point de conclure enfin un accord.
Les États-Unis n’ont affiché publiquement que peu d’intérêt à l’idée de retourner à la table des négociations. Ils ont toutefois vanté de manière répétée l’option diplomatique pour empêcher l’Iran de se doter d’une arme atomique. Ils ont aussi récemment conclu un échange de prisonniers avec le régime iranien qui comprenait le dégel d’une somme de 6 milliards de dollars – des fonds de l’Iran – qui était un point majeur de contention.
Citant des sources proches du pouvoir, Amwaj a indiqué que le guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, avait « donné la permission » d’organiser des pourparlers directs entre l’Iran et les États-Unis.
Le média a aussi signalé que le négociateur iranien Ali Bagheri chercherait à rencontrer l’envoyé spécial américain Brett McGurk dans les prochaines semaines à Oman. Bagheri avait obtenu l’autorisation de s’entretenir avec McGurk à New York à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, mais la réunion entre les deux responsables ne s’était pas concrétisée, a ajouté Amwaj.
Ce n’est pas la première fois qu’Oman servirait de tremplin à une reprise des pourparlers entre les deux ennemis – mais il n’y a pas eu de négociations directes entre les deux pays depuis que les États-Unis s’étaient retirés du JCPOA en 2018. Le ministre iranien des Affaires étrangères de l’époque, Mohammad Javad Zarif, avait, semble-t-il, été invité à la Maison Blanche en 2019 mais Khamenei avait opposé son refus à un tel déplacement à ce moment-là.
Des discussions informelles sont en cours depuis le début de l’année et elles ont permis aux parties d’apaiser les tensions, avec Téhéran qui a revu à la baisse ses activités d’enrichissement de l’uranium – qui allaient bon train ces dernières années – et avec un assouplissement de la mise en œuvre des sanctions du côté de Washington, a noté Amwaj.
Toutefois, les chances de conclure un accord seraient assurément compliquées par les armements présumés que livrerait la république islamique à la Russie dans le cadre de son invasion de l’Ukraine et compte-tenu également de la situation politique actuelle aux États-Unis, avec un scrutin présidentiel qui se profile à l’horizon. Les experts estiment que le président américain Joe Biden ne devrait pas accepter un nouvel accord nucléaire avant les élections à la Maison Blanche qui sont prévues au mois de novembre 2024.
Lundi, Miller a déclaré aux journalistes qu’Amir-Abdollahian n’avait pas été autorisé à visiter le bureau des intérêts consulaires de l’Iran qui se trouve à Washington à la suite de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
« Au vu de la détention arbitraire de citoyens américains, au vu du comportement du régime iranien qui parraine le terrorisme, nous avons pensé qu’il n’était ni approprié, ni nécessaire dans le cas qui nous occupe de donner suite à cette demande », a-t-il expliqué.
Blinken a minimisé les rumeurs laissant entendre que l’échange de prisonniers qui a eu lieu ce mois-ci pourrait entraîner un mouvement diplomatique plus large et notamment sur la question du programme nucléaire iranien controversé.
Amwaj.media avait aussi précédemment fait part de l’espoir d’Amir-Abdollahian de se rendre à Washington – ce qui aurait été le premier déplacement de ce genre de la part d’un chef de la diplomatie iranien depuis 14 ans.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’oppose avec véhémence à l’accord sur le nucléaire de 2015, qui prévoyait une baisse du niveau d’enrichissement de l’uranium en échange d’un allègement des sanctions imposées à la république islamique. Il a exhorté les autres grandes puissances à abandonner le JCPOA – une solution préférable, selon lui, à la réintégration des États-Unis dans le pacte.
Prenant la parole à la tribune des Nations unies, vendredi dernier, Netanyahu a appelé les puissances occidentales à réimposer des sanctions sur l’Iran au cours d’un discours qui s’est focalisé sur l’accord de normalisation naissant qui permettrait à Israël d’établir des relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite, un accord qui est actuellement négocié par les États-Unis.
En 2015, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la France, la Chine, l’Allemagne et l’Union européenne avaient conclu le JCPOA avec l’Iran. En 2018, le président américain de l’époque, Donald Trump, s’était unilatéralement retiré du pacte et il avait réimposé des sanctions.
Téhéran, de son côté, avait renforcé ses activités dans son programme nucléaire. Les efforts livrés pour relancer l’accord sont restés infructueux jusqu’à aujourd’hui.
L’AFP a contribué à cet article.