‘On ne veut pas vraiment de vous’, dit Netanyahu à des millions de Juifs
La décision prise par le Premier ministre de geler le plan de compromis du mur Occidental est un coup porté au coeur comme à l'âme de la communauté juive mondiale
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
En tout, il y a aujourd’hui environ 14 à 15 millions de Juifs dans le monde. Pas tant que ça, n’est-ce pas ? Et dimanche, le Premier ministre du seul état juif existant actuellement sur toute la surface de la terre l’a pourtant clairement établi aux yeux de nombreux millions de membres de la communauté en disant : « Israël ne veut pas vraiment de vous ».
Bien sûr, Benjamin Netanyahu ne tiendrait jamais un tel propos d’une manière aussi abrupte. Et sans aucun doute, il va bientôt déployer une énergie rhétorique considérable pour répéter que ce n’est bien évidemment pas le cas.
Mais son ministre de la Santé, Yaakov Litzman, chef de la formation HaYadout HaTorah, lui, n’avait aucun impératif de realpolitik le contraignant dans l’absolu à mesurer son langage. Et utilisant un langage nourri de l’orgueil de la victoire, après que le cabinet de Netanyahu a décidé dimanche de stopper le travail concernant l’établissement d’une section pluraliste de prière au mur Occidental, Litzman a déclaré, triomphant : « La décision gouvernementale de geler l’arrangement au mur Occidental lance un message clair au monde entier : Le mouvement réformé n’aura ni accès ni reconnaissance au mur Occidental ».
Pour les ultra-orthodoxes, les courants non-orthodoxes du judaïsme sont des adversaires farouches. Les Juifs qui se moquent de la religion ne viennent pas menacer leur interprétation ultra-étroite de la foi et, qui sait, peuvent même encore être attirés vers leurs interprétations et leurs pratiques.
Mais les Juifs réformés, et les Juifs conservateurs – eux revendiquent leurs propres pratiques. Plus ouvertes. Plus égalitaires. Plus curieuses. Et bien plus menaçantes.
« Même si les nazis et les Juifs réformés ont tenté de nous détruire… », s’est ainsi laissé aller l’un de mes proches ultra-orthodoxes lors d’un discours prononcé à l’occasion d’un événement familial. Il ne cherchait pas la provocation – ce qui n’a finalement presque fait qu’empirer les choses. Il ne faisait que répéter sans réfléchir les idées préconçues implantées dans une grande partie de sa communauté.
Le Premier ministre n’est pas personnellement un fanatique ultra-orthodoxe. Le Premier ministre, au niveau politique toutefois, a de manière très évidente décidé que son avenir dépendra de la satisfaction des deux formations ultra-orthodoxes au sein de sa coalition.
Dans un discours prononcé en novembre 2015 à Washington devant les dirigeants de la communauté juive d’Amérique du nord – dont des millions de membres s’identifient au judaïsme non-orthodoxe – Netanyahu avait promis : « En tant que Premier ministre d’Israël, je ferai toujours en sorte que tous les Juifs se sentent chez eux en Israël, les Juifs réformés, les Juifs conservateurs, les Juifs orthodoxes ». De manière spécifique, il avait expliqué aux milliers de personnes venues assister à l’Assemblée générale annuelle des Fédérations juives qu’il espérait que son gouvernement trouverait rapidement le « protocole attendu depuis si longtemps qui permettra de faire du Kotel [le mur Occidental] une source d’unité pour le peuple juif et non un facteur de division ».
Combien ces propos avaient-ils été alors applaudis.
Quel sentiment de tromperie et de trahison doivent donc ressentir aujourd’hui ceux qui les avaient entendus.
Le parti YaHadout HaTorah détient actuellement six sièges à la Knesset de 120 membres. La deuxième formation ultra-orthodoxe, le Shas, en a sept. Dimanche, pour satisfaire 13 personnes, Netanyahu a frappé au coeur et à l’âme de millions de Juifs dans le monde entier.
Sa décision traduit non seulement une vision à court-terme, mais également un danger à long terme. Certains critiques se sont précipités pour dénoncer un divorce d’avec la Diaspora. Si ce n’est pas tout à fait le cas parce que les dégâts ne sont pas encore irrévocables, il s’agit très certainement du signe d’une union qui connaît un problème profond.
Israël a besoin de toutes les amitiés que le pays peut obtenir. Et l’Etat juif devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de s’aliéner ses premiers partisans, sa propre chair et son propre sang. Les Juifs non-orthodoxes, en Israël comme à l’étranger, peuvent n’être absolument pas d’accord avec ce que fait l’Etat juif mais les querelles, et la passion, reflètent cette connexion qui unit la famille juive dans le monde.
J’ai fait office de modérateur face à un groupe de membres de la Knesset dimanche matin à Jérusalem, lors de la session inaugurale de la réunion du Conseil d’administration de l’Agence juive. La plupart des personnes présentes dans le public a passé une grande partie de son existence à faire tout ce qui était possible pour aider l’état d’Israël à survivre et à prospérer ; une grande partie de l’assistance, dans le public, s’identifiait au judaïsme non-orthodoxe et représentait des millions de Juifs de plus, tous à leur image. Quelques heures plus tard, lorsque la décision du cabinet a été annoncée, je parie que dans leur majorité, ces gens ont ressenti du chagrin et de la colère – du chagrin face aux dégâts commis à l’unité juive que nous devrions pourtant de toutes nos forces aider à maintenir et à approfondir.
L’Etat juif est assiégé par les menaces extérieures. Nous pouvons et nous devons nous défendre contre elles. Nous ne pouvons pas toujours les résoudre. Sur la Deuxième chaîne, dans la soirée de dimanche, le principal sujet présenté aux informations concernait la guerre civile syrienne qui menace à nouveau d’impliquer Israël.
Vendredi, nous avons regardé des millions d’Iraniens défiler en soutien à la destruction d’Israël. Au Liban, le même jour, le leader du Hezbollah a promis que le prochain conflit dans lequel il nous traînerait impliquera des « centaines de milliers » de combattants venus de tout le monde musulman. Quarante-huit heures auparavant, le chef palestinien Mahmoud Abbas, avec lequel nous aimerions faire la paix, a encore rejeté une demande américaine qui réclamait l’arrêt du versement de salaires aux terroristes qui tuent des Israéliens.
Et en revanche, nous devrions avoir cette capacité de résoudre les défis intra-communautaires nous-mêmes. Lorsqu’il s’agit de la division entre ce qu’on appelle les ultra-orthodoxes et les laïcs, nous devrions être en mesure de trouver des moyens de garantir que l’érudition juive continuera à grandir au sein de l’Etat juif et que les droits – et les fardeaux – qui sont accordés par ce que représente la protection physique du pays seront partagés équitablement, malgré les différences.
De manière similaire, nous devrions être capables de rassembler de façon à ce que tous les Juifs, quel que soit le lien qu’ils ont choisi d’entretenir avec notre foi partagée, puissent se sentir authentiquement concernés par le seul foyer national du peuple juif.
Au cœur spirituel et emblématique de ce foyer national retrouvé est le mur Occidental. Et l’ironie de cette décision contre-productive prise dimanche, c’est que le plan de « compromis » dorénavant gelé n’était pas non plus réellement un compromis. Il ne touchait pas les arrangements pris sur le site même qui est considéré par la majorité comme étant le mur Occidental – la section où hommes et femmes prient séparément et où le rabbinat ultra-orthodoxe maintient un contrôle complet. L’idée était que ceux qui aiment prier sans ces contraintes pourraient dorénavant le faire ailleurs, à un peu de distance. C’est une affaire de vivre et de laisser vivre, de prier et de laisser prier.
Mais même cette solution de Salomon, perfectionnée avec sérieux durant des années de négociations minutieuses entre individus ayant à coeur l’intérêt de la communauté juive mondiale, s’est finalement avérée trop menaçante pour les dirigeants ultra-orthodoxes.
Et le Premier ministre israélien, au fait des désirs de la Diaspora, en capitulant face à des demandes étroites d’esprit et au détriment du bon sens, a montré que sa survie au cabinet prend dorénavant le pas sur les sensibilités les plus profondes de la nation juive qu’il aspire à diriger.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel