Personne ne se souviendra du 7 octobre au prochain scrutin, dit un allié de Netanyahu. À juste titre ?
Le cercle du Premier ministre est en train d'élaborer minutieusement un récit triomphal pour le disculper de toute responsabilité dans la catastrophe, tandis qu'il s'emploie à couper tous les liens qui l'y relient
« La catastrophe du 7 octobre et les échecs qui se sont révélés à ce moment-là ne seront pas évoqués du tout lors des prochaines élections », affirme Natan Eshel, un proche collaborateur et un ami du Premier ministre Benjamin Netanyahu. « Le désastre n’aura aucun effet sur les résultats des élections. Aucun », prédit-il.
Eshel, lors d’un entretien accordé au Times of Israel, fonde cette certitude sur un précédent : les échecs de la guerre du Kippour en 1973, quand l’État d’Israël avait été pris au dépourvu par une attaque surprise qui avait été lancée par l’Égypte et par la Syrie. A l’époque, le conflit n’avait eu aucune conséquence électorale pour les dirigeants israéliens en place, rappelle-t-il. Au mois de décembre 1973, soit huit semaines seulement après cette guerre traumatisante, la Première ministre Golda Meir et le ministre de la Défense Moshe Dayan avaient été réélus malgré leurs manquements.
« Personne n’en a tenu rigueur à Golda », fait remarquer Eshel.
Il y a toutefois quelques différences notables.
La guerre du Kippour avait duré 19 jours. Et malgré leur succès dans les urnes, Meir et Dayan avaient tous les deux décidé de démissionner quatre mois plus tard, dans le sillage de la publication d’un rapport provisoire établi par une commission d’enquête nationale qui avait été chargée de mener des investigations sur les échecs de la guerre.
De l’autre côté, le conflit entre Israël et le Hamas, qui avait éclaté le 7 octobre 2023, dure dorénavant depuis 20 mois et il ne semble pas près de se terminer. Et le Premier ministre, jusqu’à présent, a empêché avec détermination l’ouverture d’une enquête officielle sur les événements terribles du 7 octobre, la journée la plus meurtrière pour les Juifs depuis la Shoah.
Si la commission Agranat n’avait pas attribué à Meir et à Dayan la responsabilité personnelle des erreurs qui avaient été commises avant la guerre de Yom Kippour, elle avait conclu que les deux hauts-responsables avaient assumé une part de responsabilité au niveau ministériel. Elle avait fait savoir que le système politique et l’opinion publique israélienne auraient eux-mêmes la charge de déterminer le sort qui leur serait réservé.

Eshel, pour sa part, s’attarde sur ce précédent.
« Tout le monde sait que l’armée et le Shin Bet ont échoué. Netanyahu peut endosser la responsabilité de ce qui s’est passé au niveau ministériel mais il n’est pas personnellement à blâmer », affirme le conseiller.
Pour Eshel, la catastrophe du 7 octobre est insignifiante face aux récentes victoires qui ont été remportées par l’État juif dans sa guerre contre l’Iran. « L’élimination de la menace iranienne est cent fois plus importante que le désastre du 7 octobre », s’exclame-t-il.
Netanyahu et ses alliés élaborent actuellement soigneusement ce discours, ils le peaufinent. Objectif : arriver aux élections, qui devraient se tenir dans six à douze mois, avec un programme qui aura exonéré le Premier ministre de toute responsabilité dans le pogrom.

En définitive, le Premier ministre est en train de méthodiquement éliminer du système toute association négative qui serait susceptible de le relier, d’une manière ou d’une autre, aux atrocités qui avaient été commises par les hommes armés du Hamas, le 7 octobre 2023. Au cours des deux dernières années, il a supervisé le limogeage de tous les responsables de la sécurité qu’il avait jugé comme responsables de la débâcle : le ministre de la Défense, le chef d’état-major, le chef des services de renseignement militaire et le directeur du Shin Bet.
Au cours des 14 années qui ont précédé le 7 octobre, Netanyahu a assumé la responsabilité de définir la politique de sécurité nationale du pays (avec une interruption de 18 mois). Et pourtant, il ne cesse dorénavant de dire que ces officiels ont été, à ses yeux, les seuls et uniques responsables de la catastrophe. Eshel déclare que le message de campagne de Netanyahu sera ainsi le suivant : « L’Iran, c’était moi, et je suis toujours là. Le 7 octobre, c’était eux, et ils ont tous disparu ».
Jeudi, le moment était également apparemment venu de mettre un terme aux déboires judiciaires du Premier ministre qui se trouve au cœur d’un procès pour corruption. Dans un post sans précédent qui a été diffusé sur un réseau social – probablement en coordination avec Netanyahu – le président américain Donald Trump a appelé à l’annulation de cette procédure, affirmant qu’il s’agissait d’une grave injustice. Trump a ajouté que le procès était un témoignage flagrant d’ingratitude de la part d’Israël à l’égard de son leader.
Après la publication de Trump, les ministres et les députés de la coalition ont lancé une campagne ouverte réclamant l’abandon du procès en écho au message du président américain.
À leur tête, le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar, qui, en tant que ministre de la Justice dans le précédent gouvernement d’unité Lapid-Bennett, avait été amené à bloquer un accord favorable à Netanyahu.
C’est Saar qui avait nommé Gali Baharav-Miara, au mois de février 2022, au poste de procureure-générale pour un mandat de six ans – en partie parce qu’il savait qu’elle continuerait à superviser le procès de Netanyahu même si des élections avaient lieu, et en partie parce qu’elle s’opposait fermement à tout accord susceptible de mettre un terme aux poursuites sans que Netanyahu ne soit condamné pour turpitude morale, ce qui aurait mis fin à sa carrière politique.

Aujourd’hui, des ministres et des députés du Likud – comme Nir Barkat, Shlomo Karhi, Miki Zohar, Idit Silman, Ofir Katz, Ariel Kallner, Tally Gotliv et d’autres – ont fait part de leur soutien enthousiaste à l’annulation du procès de leur chef, bafouant ainsi des principes démocratiques fondamentaux tels que l’égalité devant la loi et la suprématie du système judiciaire.
Silman et Gotliv sont allées encore plus loin, la première exigeant la création d’une commission d’enquête sur le « coup monté à l’encontre de Netanyahu » et la seconde exhortant Trump à prendre des sanctions personnelles contre le président de la Cour suprême et contre la procureure-générale.
Netanyahu lui-même s’est joint à la campagne dans la journée. Il a remercié Trump et il a republié la déclaration du président américain en soutien à l’annulation du procès. Nul doute que les écrits du président américain, sur son réseau Truth Social, viendront aussi aider le gouvernement dans son projet de renvoi de la procureure-générale – il prévoit de nommer à sa place quelqu’un d’autre, une personnalité qui sera plus encline à mettre définitivement un point final aux poursuites judiciaires lancées à l’encontre du Premier ministre.
Ces déclarations ont été accompagnées de nombreuses fuites concernant des développements diplomatiques historiques qui seraient imminents dans la région, des fuites qui ont été clairement destinées à redorer l’image de Netanyahu et à minimiser l’importance du procès dans lequel il est actuellement englué. Alors que les politiciens accordaient des interviews en se moquant des accusations et en raillant l’idée même de poursuites judiciaires, l’avocat de Netanyahu déposait une requête auprès des juges, demandant aux magistrats que le Premier ministre soit dispensé de passer à la barre des témoins au cours des deux prochaines semaines – des apparitions qui étaient prévues – en invoquant des événements importants.

Pour l’instant, Netanyahu peut effectivement se targuer d’une victoire cumulative. Dans un sondage dont les résultats ont été diffusés par la chaîne publique Kan, jeudi dans la soirée, le parti du Likud de Netanyahu obtenait 31 sièges, soit presque le même nombre de sièges que lors des élections précédentes, au mois de novembre 2022. Si la coalition actuelle disposait toujours de 56 sièges à la Knesset – qui est forte de 120 membres – soit 11 de moins que ses 67 sièges actuels, les résultats indiquent une nette tendance à la hausse.
Il s’agit là du premier dividende politique des avancées majeures qui ont été réalisées en Iran.
Netanyahu cherchera très certainement à remporter d’autres victoires afin d’arriver aux élections sans la souillure du 7 octobre, sans procès, avec des réussites diplomatiques éclatantes qui auront été coordonnées avec Trump – cet homme qui, dans les faits, semble tirer les ficelles.
Cet article a été initialement publié sur le site hébréophone du ToI, Zman Yisrael.
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