Pétition de 200 musiciens contre la fermeture de Kan
Les stars, qui se joindront aux manifestations, s'opposent aussi au projet de réforme judiciaire, affirmant que ces mesures sont des tentatives visant à étouffer la démocratie
Quelque 200 musiciens israéliens de premier plan ont signé une pétition contre le projet du gouvernement de fermer la chaîne publique de l’État, promettant de « se battre pour préserver la démocratie ».
Les artistes – dont des stars comme Shlomo Artzi, Shalom Hanoch, Rita, Ninet Tayeb et Ehud Banaï – rejoignent des centaines d’acteurs, de réalisateurs, et d’écrivains de premier plan qui ont protesté plus tôt dans la semaine contre les plans de fermeture de Kan.
Ils ont également rejoint les manifestations d’économistes, de chefs d’entreprise, d’avocats, d’étudiants et d’autres organismes de premier plan qui ont exprimé leur inquiétude face au projet de réforme judiciaire du gouvernement, dont les critiques prévoient qu’il sapera la démocratie et l’économie.
Les projets du gouvernement ont suscité des manifestations de masse hebdomadaires. La prochaine est prévue pour samedi.
« Ce n’est pas une coïncidence si ceux qui essaient de mettre en scène un changement de régime et de retirer tout sens à la démocratie ont choisi d’éliminer les émissions publiques comme l’une de leurs premières mesures », ont écrit les musiciens dans leur lettre publiée jeudi.
« Fermer l’autorité de radiodiffusion, c’est réduire au silence des milliers de voix qui ne trouveront jamais leur place dans les organes de presse commerciaux », ont-ils écrit. « Nous assisterons aux manifestations de samedi soir et travaillerons ensemble avec nos amis pour annuler ces projets – et avec tous les citoyens d’Israël, nous préserverons la démocratie qui nous est si chère. »
Au début du mois, le ministre des Communications, Shlomo Karhi, a déclaré qu’il n’y avait aucune raison de soutenir le système de radiodiffusion publique en Israël et a indiqué qu’il avait l’intention de fermer la chaîne publique israélienne Kan ainsi que d’autres organismes de régulation de la transmission télévisée et radiophonique.
Des centaines d’acteurs, de réalisateurs, d’auteurs et autres personnalités du monde culturel, ainsi que des employés de Kan, ont pris part à ce rassemblement de mercredi organisé au théâtre Tzavta pour s’opposer à ce projet.
« Nous sommes tous Kan » pouvait-on lire sur des pancartes brandies dans un théâtre du centre de Tel-Aviv, où étaient rassemblés des employés du secteur audiovisuel, parmi lesquelles Lior Raz, acteur principal de la série israélienne à succès Fauda.
Soufflant le chaud et le froid, Karhi avait évoqué mi-janvier dans une interview à la Douzième chaîne (privée) des coupes budgétaires de plus d’une centaine de millions d’euros.
« Il n’y a pas de place pour la radiodiffusion publique en Israël », « je ne ferme rien du tout », ajoutait-il pêle-mêle en affirmant vouloir une « ouverture du marché à la concurrence » et que « les journalistes […] plaisent au public » plutôt que de travailler « à plaire à leur milieu ».
Les coupes envisagées par le ministre entraîneraient « la fermeture [de Kan] alors qu’elle est devenue en Israël et dans le monde un véritable symbole de la qualité et de la créativité israéliennes », avait rétorqué sur Twitter Golan Yochpaz, le directeur de l’entreprise publique.
Avant la manifestation, les organisateurs ont fait savoir que le réseau public de radiodiffusion employait des milliers de personnes et qu’il représentait environ 70 % des salariés de l’industrie du film et de la télévision.
« Karhi réduit les gens au silence et assèche la fontaine d’où les contenus originaux tirent leur force », ont déclaré les organisateurs dans un communiqué. Ils ont déclaré que l’idée que des contenus en hébreu puissent être produits sans soutien public était « un leurre ».
« Si les œuvres originales sont vraiment importantes pour nous, alors le réseau public de radiodiffusion est une nécessité et c’est ce qu’il a prouvé depuis ses débuts », a continué le communiqué. « La créativité et la liberté de communication ont des effets sociaux, moraux et éducatifs. »
À la mi-janvier, Karhi avait déclaré que la politique de son parti – le Likud – était « d’enlever les obstacles et de supprimer la régulation » dans l’industrie de manière à libérer la concurrence.
« Selon moi, une chaîne publique n’a plus lieu d’être aujourd’hui et à l’époque où nous vivons alors qu’il y a, par ailleurs, une vaste gamme de chaînes », avait-il ajouté.
Cela fait longtemps que la formation du Likud, qui est dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, est accusée de chercher à fermer Kan en raison de ses critiques du gouvernement.
Kan avait commencé à diffuser ses émissions en 2017 après une longue bataille juridique pour faire fermer son prédécesseur, l’Autorité de radiodiffusion israélienne, et remplacer cette dernière.
La ministre des Transports du Likud, Miri Regev – qui a par le passé été ministre de la Culture – avait eu ces mots tristement célèbres lors d’une audience de la Knesset en 2016 sur la question : « Quel est l’intérêt d’avoir un radiodiffuseur public si nous ne le contrôlons pas ? Pourquoi devrions-nous lui donner des fonds s’il peut diffuser ce qu’il veut ? »
Peu de temps après le lancement de Kan, Netanyahu avait déjà tenté de séparer le service de l’information du reste du radiodiffuseur public dans le but de mieux contrôler sa programmation.
Mais suite à la victoire israélienne au concours Eurovision de la chanson de 2018, le Premier ministre a renoncé à son projet, qui aurait eu pour effet de ne pas permettre à Israël de rester membre de l’UER et donc d’accueillir le concours 2019.