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‘Philadelphi devient Rafah » : Les négociateurs déplorent la politisation des clauses de l’accord

Les responsables déclarent que Netanyahu mène une véritable campagne sur la question du couloir frontalier, provoquant l'Égypte et compliquant les négociations sur les otages - comme il l'avait déjà fait lors de l'incursion terrestre dans la ville du sud de Gaza

Jacob Magid

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Vue du corridor de Philadelphie qui sépare le sud de la bande de Gaza et l'Égypte, le 15 juillet 2024. (Crédit : Oren Cohen/Flash90)
Vue du corridor de Philadelphie qui sépare le sud de la bande de Gaza et l'Égypte, le 15 juillet 2024. (Crédit : Oren Cohen/Flash90)

WASHINGTON — Les négociateurs craignent que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le gouvernement égyptien n’accordent une importance démesurée au contrôle du couloir Philadelphi, compliquant ainsi les efforts livrés pour conclure un accord de cessez-le-feu dans la bande qui ouvrirait la porte à la libération des otages qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas, ont confié au Times of Israel, cette semaine, trois responsables proches des discussions actuellement en cours entre Israël et le groupe terroriste.

L’armée israélienne avait pris le contrôle de ce corridor de 14 kilomètres, qui court sur la frontière séparant l’Égypte de l’enclave palestinienne, au mois de mai. En juillet, Netanyahu avait fait savoir qu’il exigeait le maintien des soldats israéliens dans le couloir pour une durée indéterminée dans le cadre de la conclusion d’un éventuel accord, affirmant que cette présence était et reste nécessaire pour empêcher le trafic d’armes effectué par le Hamas via ses tunnels.

Une exigence de dernière minute qui a depuis été rejetée de manière répétée par le groupe terroriste, mais aussi par l’Égypte, qui tient un rôle de médiation entre les deux parties aux côtés des États-Unis et du Qatar.

L’administration Biden a bien essayé de proposer une série de solutions alternatives – avec notamment la construction d’un mur souterrain le long de la frontière pour empêcher les éventuels trafics, ont déclaré un officiel américain et un haut responsable israélien au Times of Israel.

Des propositions n’ont pas suffi à convaincre Netanyahu d’accepter le retrait total des troupes du couloir Philadelphi, en particulier pendant la première phase de six semaines prévue dans l’accord de cessez-le-feu en cours de négociation et dont la mise en vigueur s’effectuerait en plusieurs phases.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’adresse aux troupes de Tsahal à Rafah, à la frontière entre Gaza et l’Égypte, le 18 juillet 2024. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)

Les services de sécurité israéliens font preuve de flexibilité sur cette question du couloir Philadelphi, a indiqué un responsable de l’un d’un pays arabes jouant un rôle d’intermédiaire. Les représentants du Mossad, du Shin Bet et de Tsahal qui composent l’équipe de négociation israélienne ont souligné qu’il était possible de mettre en œuvre des mécanismes nouveaux pour empêcher la contrebande. Ils estiment également que Tsahal pourra tout à fait revenir rapidement dans le couloir si cela s’avère nécessaire et qu’Israël peut donc se permettre de se retirer si cela implique que la vie des otages sera sauvée, a-t-il expliqué.

Un point de vue que ne partage pas Netanyahu qui a donné pour ordre à l’équipe israélienne en charge des pourparlers d’adopter une ligne plus dure, a poursuivi le responsable arabe.

Ces dernières semaines – et ces derniers jours – le Bureau du Premier ministre a publié des déclarations répétées qui mettent l’accent sur l’importance de maintenir une présence israélienne dans le couloir Philadelphi. « Si Israël doit s’en retirer, les pressions exercées pour empêcher sa reconquête seront énormes, ce qui met en péril nos capacités à en reprendre le contrôle », est-il écrit dans le dernier communiqué en date à avoir été diffusé par le Bureau, mardi.

Mercredi, La Douzième chaîne a signalé que Netanyahu avait cherché, ces derniers jours, à organiser une réunion du cabinet de sécurité à l’intérieur même du couloir. Il a finalement essuyé un refus de la part du numéro un du Shin Bet, Ronen Bar, en raison de inquiétudes portant sur la sécurité des ministres, qui devraient se rendre là-bas à bord de véhicules de transport de troupes blindés.

La chaîne a indiqué que le Premier ministre avait espéré pouvoir utiliser cette rencontre et sa médiatisation pour souligner l’importance déterminante de la demande soumise par Israël concernant Philadelphi.

Mais les trois responsables arabes, israéliens et américains qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont affirmé qu’il ne faisait que politiser à outrance le sujet – avertissant qu’en attirant autant l’attention du public sur ce point de désaccord, il sera plus difficile de le résoudre à huis-clos.

Un policier égyptien monte la garde près d’une tour israélienne gardant la porte de Karem Shalom menant à Israël depuis le corridor de Philadelphie, une zone tampon qui sépare l’Égypte d’Israël et de la bande de Gaza. (Photo CRIS BOURONCLE / AFP)

Le fait que Netanyahu revienne sur la question du maintien de la présence israélienne dans le couloir Philadelphi a amené l’Égypte à faire part, elle aussi, de l’intérêt que porte le pays au sujet, ont ajouté les responsables.

Les relations entre Netanyahu et le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi sont tendues – des tensions qui on encore grimpé d’un cran depuis le 7 octobre. En conséquence, Sissi n’a nullement la volonté de faire des compromis.

« Parfois, c’est difficile de dire si les Égyptiens servent de médiateurs ou s’ils négocient aussi pour leur propre compte », a déclaré le responsable israélien. « Cela qui ne fait que davantage renforcer l’idée qu’ils ne veulent pas vraiment s’attaquer au problème posé par les trafics, un problème qu’ils ont laissé traîner pendant des années ».

Le Caire a démenti ces affirmations et a insisté, pour sa part, sur le fait que les tunnels qui ont été découverts par Tsahal depuis la prise de contrôle, par les militaires israéliens, du côté gazaoui du couloir Philadelphi n’étaient pas utilisés, l’armée égyptienne les ayant bloqués il y a longtemps.

Alors que les négociations sur le cessez-le-feu, qui s’étaient tenues la semaine dernière au Caire, sont actuellement en cours à Doha, les autres pays médiateurs cherchent à apaiser la situation entre Israël et l’Égypte, a déclaré l’officiel américain.

Une infographie intitulée « Israël revendique le contrôle opérationnel sur le couloir Philadelphi, à la frontière entre Gaza et l’Égypte » créée à Ankara, en Turquie, le 30 mai 2024. (Elmurod Usubaliev / Anadolu via Reuters)

« Philadelphi est en train de devenir le nouveau Rafah », a déploré le responsable arabe, comparant le battage médiatique autour du maintien de la présence de Tsahal dans le couloir à la fièvre qui avait entouré le projet d’offensive israélienne dans cette ville de l’extrémité sud de Gaza.

Netanyahu avait commencé à promettre qu’une offensive aurait bien lieu à Rafah au mois de février « mais ça s’était transformé en véritable campagne politique », a déploré le responsable arabe.

Pendant deux mois, Israël avait retardé cette invasion controversée en raison des pressions qui étaient alors exercées par les États-Unis. L’opération avait été finalement lancée au mois de mai – de manière beaucoup plus mesurée que certains avaient pu l’envisager de prime abord.

La semaine dernière, le ministre de la Défense Yoav Gallant a annoncé que l’armée avait vaincu la brigade de Rafah, au sein du Hamas.

Une victoire plus large sur le Hamas reste toutefois difficile à garantir – et 107 otages sont encore aujourd’hui retenus en captivité.

« Netanyahu avait présenté l’offensive à Rafah comme l’une des dernières étapes sur le chemin de la victoire totale, ce qui avait eu pour effet de vider les négociations de tout leur oxygène », a expliqué le responsable arabe.

« Philadelphi est en train de devenir un sujet tout aussi politique et c’est donc beaucoup plus difficile d’en discuter », a-t-il ajouté.

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