Plutôt que de sauver des vies, armer les soldats en permission pourrait s’avérer être risqué
En autorisant les troupes à porter leurs armes, l'armée se prive d'un moyen efficace pour lutter contre les suicides

En 2006, après des années d’attaques suicides incessants des Palestiniens, l’armée israélienne avait interdit aux soldats de ramener chez eux leurs armes de service, car cele a toujours été le moyen le plus courant utilisé par les soldats pour attenter à leurs propres vies.
La décision de restreindre l’accès à leurs armes lorsqu’ils ne sont pas en service actif est l’une des raisons que l’on invoque pour expliquer la réduction de 40 % du nombre de suicides dans l’armée, selon une étude conjointe établie entre l’armée et l’hôpital Sheba de 2010.
Une autre étude publiée en janvier par la revue European Psychiatry, a révélé que ce chiffre était encore plus élevé. Selon ce rapport, les stratégies de prévention du suicide dans l’armée israélienne ont réduit le nombre de suicides dans l’armée de 57 %.
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Lundi, le chef d’état-major Gadi Eizenkot est revenu sur cette restriction en obligeant désormais les soldats à ramener leurs armes pendant leurs congés. La décision a été prise en pleine vague de la violence qui s’abat en Israël et en Cisjordanie, et en particulier suite à une attaque terroriste qui a eu lieu la semaine dernière au cours de laquelle un soldat en permission et sans son arme de service, Tuvia Yanai Weissman, a été poignardé à mort dans un supermarché en Cisjordanie alors qu’il se précipitait sur les deux terroristes palestiniens armés de couteau.
« Cette directive vise à accroître la sécurité aussi bien des soldats que de leur environnement et sera mise en œuvre cjez les soldats ayant reçu une formation de combat », a déclaré l’armée israélienne dans un communiqué lundi soir.
L’armée a été au centre des critiques quand il est apparu que Weissman, 21 ans marié et père de deux enfants, avait expressément demandé l’autorisation d’emmener son arme avec lui lors d’un congé prolongé de l’armée mais qu’il n’a pas été autorisé à le faire. L’attaque au cours de laquelle il a été tué a conduit l’armée à réévaluer et finalement à revenir sur l’interdiction, a expliqué l’armée israélienne.

Mais en dépit de la logique de l’armée et du potentiel de cette décision pour prévenir des attaques, on ne sait pas dans quelle mesure ces soldats en permission armés auront un impact effectif afin d’endiguer la violence.
Bien que des Israéliens bien formés et armés peuvent donner un sentiment de sécurité auprès de la population, ils échouent à dissuader les terroristes : la majorité des attaques au couteau et à la voiture bélier et les fusillades qui ont secoué le pays au cours des cinq derniers mois ont été menées contre les soldats et les agents de la police des frontières en service actif pendant qu’ils patrouillaient ou surveillaient des points de contrôle.
Même les attaques dirigées contre des civils ont souvent eu lieu dans des endroits, où il y a de fait une présence armée en continu. La porte de Damas à Jérusalem et l’intersection au Gush Etzion en Cisjordanie, par exemple.
Moins d’armes, moins de suicides
En 2012, un rapport de la Knesset sur le taux de suicide et sur les pratiques de l’armée israélienne afin de les empêcher, a établi un lien clair entre les armes de service et les suicides.
Même après que l’armée ait limité l’accès aux armes à feu en 2006, les fusils sont restés la principale méthode utilisée par les soldats pour se tuer. Sur les 124 conscrits, qui se sont suicidés entre 2007 à 2012, 103 l’ont fait avec leurs armes de service, a révélé l’étude commandée par le député Dov Khenin de la Liste arabe unie.
« Je suis très préoccupé par cette décision », a déclaré Khenin au Times of Israël mardi soir.
« Bien sûr, la situation sécuritaire actuelle est difficile. Mais d’autre part, nous savons aussi que plus les armes sont en circulation, plus il y a de risque d’accidents, et même – que Dieu nous en garde – de suicide et de meurtre.
L’outil le plus efficace pour prévenir des suicides au sein de l’armée israélienne était de limiter l’accès aux armes à feu aux soldats en permission. La raison en est simple : les suicides sont souvent des actes impulsifs et rendre plus difficile l’accès aux armes à feu, aux couteaux ou à d’autres armes rend plus difficile – et donc moins probable – la possibilité pour quelqu’un de se suicider.
« L’idée est de limiter les méthodes qui sont les plus meurtrières pour leur laisser une deuxième chance », a indiqué le Dr Matthew Miller, le directeur associé du Harvard Injury Control Research Center at the Harvard School of Public Health, au magazine US Army’s Stars and Stripes en 2012.
Le ministère de la Santé israélien, qui suit de près le taux de suicide dans le pays, a également attribué la baisse des suicides chez les Israéliens âgés de 18 à 21 ans à la politique de l’armée israélienne.
« Il est probable qu’il y a eu une baisse parce que les programmes de prévention au suicide au sein de l’armée limitent l’accès aux armes et augmentent la prise de conscience des techniques de prévention », a écrit le ministère dans une étude de 2014.
Les stratégies de prévention au suicide de l’armée font plus que limiter l’accès aux armes à feu. « Il y a un certain nombre d’outils que Tsahal fournit à ses commandants et aux responsables des ressources humaines pour identifier les individus en difficulté qui pourraient être à risque », a expliqué un porte-parole de l’armée en réponse à la nouvelle directive.
En outre, le porte-parole a ajouté que l’armée a amélioré ses mécanismes de partage des informations internes pour faire en sorte que les problèmes liés à la santé mentale puissent être suivis tout au long de la carrière d’un soldat, du service militaire actif jusqu’aux devoirs de réserve. « L’armée israélienne continuera à tout mettre en œuvre pour réduire et prévenir le suicide dans ses rangs », a déclaré l’armée.
Mais Khenin a maintenu qu’en supprimant un outil manifestement efficace dans la lutte contre le suicide et les crimes violents, l’armée israélienne peut mettre les soldats vulnérables en danger. « Je pense que la décision était erronée et le résultat sera moins de sécurité et plus de blessés », a-t-il dit. « Je pense que les protocoles de l’armée étaient éloignés des protocoles appropriés, et je vais absolument soulever ce problème à travers les voies parlementaires appropriées ».
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