Pourquoi Israël a lancé une guerre contre l’Iran et ce qu’il estime avoir accompli
"Les planètes étaient alignées" ; Israël a frappé l’Iran alors que la menace nucléaire grandissait, les mandataires s’effondraient et Tsahal atteignait son niveau de préparation maximal

Depuis des dizaines d’années, Israël élabore de nombreux plans pour frapper le programme nucléaire iranien. Aucun n’avait jamais été activé ni jugé réellement prêt.
Jusqu’à ce mois-ci.
Tout a changé aux premières heures du 13 juin, lorsque l’armée israélienne a lancé ce qu’elle a qualifié d’opération « préventive », qui visait non seulement le programme nucléaire iranien, mais aussi la menace élargie que représentent les missiles balistiques de l’Iran et ses plans généraux de destruction d’Israël.
La guerre a commencé par des frappes surprises menées par l’armée de l’air israélienne sur Téhéran et dans d’autres régions d’Iran, à quelque 1 500 kilomètres d’Israël. Cet assaut surprise a été d’une ampleur inédite et multidimensionnelle.
Lors de ce que l’on appelle aujourd’hui l’opération Red Wedding, une trentaine de hauts commandants militaires iraniens – dont les trois généraux les plus influents – ont été éliminés lors de frappes quasi simultanées à Téhéran, désorganisant profondément, selon Tsahal, le commandement iranien et paralysant sa capacité de riposte pendant près de 24 heures.
La cible la plus importante était le chef des forces aériennes des Gardiens de la révolution iraniens (CGRI), le général de brigade Amir Ali Hajizadeh, éliminé avec l’ensemble des hauts gradés de la force aérospatiale du CGRI – responsable des missiles balistiques et des drones de l’Iran – alors qu’ils s’étaient réunis dans un centre de commandement souterrain pour préparer la riposte iranienne.
Contrairement à d’autres commandants tués à leur domicile lors des premières frappes, Hajizadeh et ses subordonnés se trouvaient déjà réunis dans leur centre de commandement lorsque l’offensive a commencé, l’Iran étant alors en état d’alerte maximale dans les jours ayant précédé l’opération israélienne.
Pour tromper l’Iran et lui donner un faux sentiment de sécurité, Israël avait mené une campagne de désinformation qui a conduit les responsables de l’armée de l’air du CGRI à se réunir ce matin-là.

Le général Esmail Qaani, chef de l’unité d’élite de la Force al-Qods iranienne, figurait également parmi les cibles israéliennes, mais il n’a pas été visé cette nuit-là.
En parallèle, dans le cadre d’une autre opération baptisée « Narnia », neuf scientifiques nucléaire iraniens de haut niveau, qui, selon Israël, activement à la fabrication d’une bombe, ont également été neutralisés dans des frappes ciblées à Téhéran.
Tout cela s’est déroulé en l’espace de quelques minutes.
Dans les heures qui ont suivi, l’armée de l’air a frappé plusieurs installations nucléaires, détruit une grande partie des défenses aériennes de l’Iran – ouvrant ainsi la voie à une liberté d’action accrue pour ses chasseurs et ses drones – et visé des lanceurs de missiles balistiques afin de neutraliser la réponse immédiate de l’Iran.

Au cours des jours suivants, Tsahal a poursuivi ses frappes sur d’autres sites nucléaires, éliminé d’autres chefs militaires et scientifiques iraniens, et continué à perturber les capacités offensives iraniennes. Le 22 juin, les États-Unis ont rejoint l’offensive en frappant les sites nucléaires iraniens, y compris l’installation souterraine hautement protégée de Fordo.
Tsahal a affirmé avoir « pleinement atteint, et même dépassé, tous les objectifs » fixés avant l’opération, qui a duré douze jours.
Mais pourquoi maintenant ?
Selon les évaluations présentées par Tsahal aux dirigeants politiques israéliens avant l’opération, la menace iranienne – dans ses trois dimensions : missiles balistiques, programme nucléaire et projet de destruction d’Israël – était sur le point d’atteindre un « point de non-retour » et, l’armée israélienne, avait, elle, avait atteint « un niveau de préparation opérationnelle optimal ».

En avril, à peine un mois après son entrée en fonction en tant que chef d’état-major, le lieutenant-général Eyal Zamir avait désigné le mois de juin comme la meilleure fenêtre d’opportunité pour agir contre l’Iran. Selon Tsahal, au-delà de cette échéance, l’opportunité se serait refermée pour diverses raisons stratégiques.
Tout report aurait pu, selon l’armée israélienne, priver Tsahal de la possibilité de neutraliser ces menaces à une date ultérieure. C’est dans ce contexte que l’armée a lancé une campagne préventive, baptisée « Opération Rising Lion », afin « d’éliminer la menace existentielle pesant sur Israël » que représentaient les programmes nucléaires et de missiles de l’Iran.
Selon les renseignements israéliens, l’Iran avait « accéléré ses avancées vers l’armement » en continuant d’enrichir de l’uranium à hauteur de 60 % ou plus à grande échelle, et en accumulant des quantités suffisantes de matières fissiles pouvant être enrichies à un niveau militaire, permettant la fabrication de plusieurs bombes nucléaires « en un court laps de temps ».
Les évaluations de la Direction du renseignement militaire estimaient qu’à partir du moment où l’Iran déciderait de franchir ce cap, il lui faudrait au maximum deux mois pour produire une bombe.
Les services de renseignement israéliens avaient identifié un projet secret supervisé par des scientifiques nucléaires iraniens de haut niveau, visant à fabriquer les composants nécessaires à une arme nucléaire.
Selon ces services, ce programme clandestin s’accompagnait d’expériences secrètes et d’activités intensifiées de recherche et développement. « L’avancement de ce plan avait rapproché le régime iranien de la capacité à produire une arme nucléaire sur simple décision et à disposer d’un potentiel de destruction massive », a déclaré Tsahal.

Le renseignement israélien a également révélé que l’Iran prévoyait de tripler son rythme de production de missiles balistiques et de faire passer son stock de quelque 2 500 unités à 8 800 d’ici deux ans.
Un tel arsenal, proche de 9 000 missiles balistiques, constituerait une menace existentielle pour Israël, selon Tsahal. Un stock de cette ampleur serait capable de provoquer des dégâts massifs et généralisés à travers le pays.
En parallèle, les services de renseignement israéliens ont constaté que l’Iran continuait de développer son « plan de destruction d’Israël », combinant une invasion terrestre sur plusieurs fronts par ses groupes mandataires régionaux et une attaque massive de missiles balistiques.
Selon Tsahal, laisser l’Iran poursuivre ses efforts rendrait toute riposte future beaucoup plus difficile.

L’armée a, par ailleurs, identifié une « fenêtre d’opportunité stratégique » pour agir contre ces menaces.
Cette fenêtre d’opportunité s’est ouverte sous l’effet de plusieurs dynamiques : Israël avait atteint une capacité opérationnelle et de renseignement optimale, l’axe des mandataires iraniens aux frontières – comprenant le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, le régime de Bachar el-Assad en Syrie et le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza – était en recul, et la coopération avec les États-Unis s’était resserrée.
Tsahal a affirmé avoir saisi ce moment décisif pour répondre à la menace iranienne, capitaliser sur l’affaiblissement de ses alliés régionaux et mobiliser l’ensemble de ses capacités opérationnelles.
« Les planètes étaient alignées », comme l’a exprimé récemment un général de Tsahal.
Planification de l’opération
Tsahal a suivi, au fil des ans, l’évolution de la situation en Iran et mené diverses actions, pour la plupart secrètes, afin de retarder et de perturber les menaces nucléaires et de missiles.
Face à l’accélération de la menace, en octobre 2024 – en pleine intensification des combats avec le Hezbollah au Liban et après une deuxième attaque de missiles sur Israël par Téhéran en quelques mois – Tsahal a accéléré la préparation de sa campagne contre la République islamique. L’armée s’est appuyée sur des capacités de renseignement et d’opération développées au fil des années, et les a affinées en vue de l’offensive.

Fin novembre, alors que l’offensive terrestre d’Israël se poursuivait au Liban, la Direction du renseignement militaire et l’armée de l’air ont tenu une conférence conjointe où elles ont identifié les « centres de gravité » stratégiques de l’Iran : puissance de feu, supériorité aérienne, programme nucléaire, renforcement militaire, économie, gouvernance et industrie de défense.
La conclusion de cette réunion était sans appel : la clé de la réussite résidait dans l’acquisition d’une supériorité aérienne.
Une équipe conjointe du renseignement militaire et de l’armée de l’air a alors consacré plusieurs mois à cartographier en détail les systèmes de défense aérienne iraniens, croisant des milliers de sources de renseignement et en développant de nouvelles.
En mars, ce travail était finalisé. Les équipes ont alors constitué une banque de cibles basée sur les centres de gravité identifiés.
Le plan a été tenu strictement secret et compartimenté au sein de Tsahal afin de garantir l’effet de surprise. Même certains hauts gradés, dont les chefs des commandements régionaux, n’étaient pas informés.
En coordination avec le gouvernement israélien, l’armée a défini les objectifs principaux de l’opération : « Créer les conditions pour empêcher la nucléarisation de l’Iran sur le long terme et améliorer l’équilibre stratégique d’Israël. »
Tsahal craignait que ses plans soient éventés, surtout alors que l’Iran était en état d’alerte maximale. Selon les estimations israéliennes, l’Iran disposait de 500 missiles balistiques prêts à être tirés sur Israël dans les minutes ou les heures suivant une attaque. Mais l’effet de surprise a permis de déséquilibrer les forces iraniennes et de retarder leur riposte.
Supériorité aérienne
Au cours des douze jours de guerre, l’armée de l’air israélienne affirme avoir effectué plus de 1 500 sorties en Iran, accompagnées de plus de 600 ravitaillements en vol.
L’armée de l’air indique avoir frappé environ 900 cibles, représentant 1 500 éléments distincts, en utilisant près de 4 300 munitions, après avoir obtenu la suprématie aérienne de l’ouest de l’Iran jusqu’à Téhéran et au-delà. Sur ces frappes, 370 ont été réalisées par des avions de chasse et le reste par des drones.
Cette suprématie aérienne n’a pas seulement été obtenue au-dessus de l’Iran, mais aussi dans l’espace aérien de plusieurs pays qu’Israël devait survoler pour mener ses frappes. C’est pourquoi Israël a détruit les défenses aériennes syriennes après la chute du régime Assad et s’est opposé à la présence militaire turque en Syrie.
Malgré cette supériorité, l’armée de l’air a perdu huit drones lors d’opérations en Iran. Aucun avion de chasse n’a été abattu, contrairement aux évaluations initiales qui prévoyaient de potentielles pertes dans les rangs israéliens.

L’armée a expliqué que la perte de drones était considérée comme acceptable afin de neutraliser les tirs de missiles balistiques sur le front intérieur israélien. Ces attaques ont fait 28 morts, des centaines de blessés et détruit les habitations de plusieurs milliers de civils.
Selon Tsahal, ses frappes ont détruit 80 systèmes de missiles sol-air iraniens sur une centaine recensés dans les zones ciblées. L’armée estime que ses bombardements ont permis de contrecarrer environ 60 % des tirs de missiles balistiques iraniens.
Les chasseurs et les drones israéliens ont également détruit environ 200 des quelque 400 lanceurs de missiles balistiques iraniens, 15 avions iraniens, 70 radars, six aéroports et bases aériennes, plus de 35 installations de production de missiles et de défense aérienne, ainsi que des dizaines de centres de commandement.
Une série de frappes menées lundi à Téhéran, juste avant le cessez-le-feu, a permis d’éliminer environ 300 membres du CGRI, principalement des membres des forces de sécurité intérieure Basij.

La frappe aérienne la plus éloignée de l’opération a été menée à l’aéroport de Mashhad, visant un avion de ravitaillement iranien situé à environ 2 400 kilomètres du territoire israélien.
Dégâts causés au programme nucléaire iranien
Selon l’armée, le programme nucléaire iranien a été retardé de plusieurs années, à la suite des frappes israéliennes et américaines, qui ont visé plusieurs sites d’enrichissement d’uranium, des installations auxiliaires et ont entraîné la mort de scientifiques nucléaires de haut niveau.
D’après les évaluations de Tsahal, le programme nucléaire iranien a été « considérablement endommagé » et la capacité de l’Iran à enrichir l’uranium à une pureté militaire de 90 % a été « neutralisée pour une période prolongée ».
L’armée estime également que la capacité de l’Iran à produire un « cœur nucléaire » pour une bombe a été « temporairement neutralisée ».

Les capacités d’armement nucléaire iranien ont été « sévèrement affectées » par les frappes sur les infrastructures de recherche et de développement, l’élimination de scientifiques nucléaires clés et la perte de connaissances techniques documentées, selon les évaluations de Tsahal.
Les frappes israéliennes ont notamment détruit ou gravement endommagé l’infrastructure de conversion de l’uranium et les laboratoires de l’installation nucléaire d’Ispahan, un hall d’enrichissement abritant des centrifugeuses et d’autres infrastructures à Natanz, ainsi que le réacteur à eau lourde inactif d’Arak.
Tsahal indique que des milliers de centrifugeuses ont été détruites ou endommagées. Des frappes de grande ampleur ont également visé les capacités de production de centrifugeuses, les sites de recherche et d’autres infrastructures de soutien.
Les États-Unis ont quant à eux ciblé l’installation nucléaire souterraine de Fordo. Tsahal a précisé qu’elle avait préparé des plans alternatifs pour attaquer Fordo au cas où les États-Unis auraient choisi de ne pas participer à l’opération.

Au total, 11 scientifiques nucléaires iraniens de haut niveau, considérés par Israël comme des « détenteurs de connaissances clés dans le programme d’armement iranien », ont été ciblés et éliminés.
Missiles et drones
Au cours de la guerre, l’Iran a lancé plus de 500 missiles balistiques contre Israël, répartis sur 18 tirs de barrage distincts, dont la majorité ont été interceptés, selon Tsahal.
En tout, 36 missiles balistiques ont atteint des zones peuplées ou des infrastructures stratégiques, notamment des immeubles d’habitation, une centrale électrique dans le sud d’Israël, une raffinerie à Haïfa et une université dans le centre du pays.

L’Iran a également lancé 1 100 drones contre Israël au cours des douze jours de guerre, 99 % d’entre eux ont soit été interceptés, soit n’ont pas atteint les frontières israéliennes. Un drone a touché une maison à Beit Shean, causant des dégâts, et deux autres sont tombés dans des zones ouvertes dans le nord et le sud d’Israël.
La majorité des drones ont été interceptés par des avions de chasse, des hélicoptères et des systèmes de défense aérienne au sol. La marine israélienne a abattu 30 drones à l’aide de vedettes lance-missiles. Le 5114e bataillon de guerre électronique a également neutralisé des dizaines de drones.
Pour faire face aux attaques, le commandement du Front intérieur a mobilisé l’ensemble de ses forces de réserve, soit environ 26 000 personnes, déployées sur tout le territoire.

Au total, 51 bataillons du commandement du Front intérieur ont été déployés pour intervenir après les impacts, avec un temps de réponse moyen de 15 minutes, selon l’armée. Les équipes de recherche et de sauvetage ont travaillé sur 25 sites d’impact tout au long du conflit.
2 305 logements répartis dans 240 bâtiments ont été endommagés au total, par les frappes iraniennes, provoquant le déplacement de plus de 13 000 Israéliens.
Le bilan
Malgré les revers subis par le programme nucléaire iranien, Tsahal estime que « la menace iranienne continuera de nous accompagner » dans les années à venir, mais que la récente opération a « éliminé la menace existentielle » qui pesait sur Israël.
L’armée israélienne a affirmé qu’elle ne permettrait plus qu’une telle menace existentielle puisse se développer à nouveau en Iran et que « le régime iranien n’a désormais plus d’immunité ».
Tsahal estime avoir porté un coup sévère à l’industrie iranienne de production de missiles balistiques, privant l’Iran de la capacité de produire des milliers de missiles supplémentaires d’ici 2027.
L’armée estime néanmoins que l’Iran cherchera à reconstruire ses capacités à long terme.
Enfin, les groupes mandataires de l’Iran sont restés largement en retrait pendant le conflit. Les milices irakiennes ont lancé quelques drones vers Israël et les Houthis du Yémen ont tiré plusieurs missiles, mais ces attaques sont restées marginales dans l’ensemble des combats.
Le Hezbollah, longtemps considéré comme le mandataire le plus puissant et le plus dangereux de l’Iran, est resté en retrait.
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