Première visite d’un haut responsable de la Chypre du Nord turque en Israël
Alors que le ministre des Affaires étrangères Özdil Nami a participé à une conférence privée sur l’énergie à Tel-Aviv, certains voient une potentielle détente avec Ankara
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Pour la première fois, un haut responsable de la partir nord de Chypre occupée par la Turquie a visité Israël cette semaine. Il a appelé à une amélioration des relations politiques et des liens économiques entre la Nicosie du Nord et Ankara d’un côté et Israël de l’autre.
« Je suis confiant que les relations [entre Israël et la Turquie] s’amélioreront. C’est une question de temps », explique Özdil Nami, le ministre des Affaires étrangères de la République turque de Chypre du Nord, un pays autoproclamé et uniquement reconnu par la Turquie.
« Il y a un important volume de commerce qui existe entre Israël et la Turquie. Nous espérons simplement que de meilleures relations entre la Chypre du Nord et Israël peuvent également faciliter ce processus ».
Parlant avec le Times of Israel mardi, Nami a déclaré qu’il serait très satisfait si sa visite pouvait même avoir un petit impact pour renouer les relations épineuses entre la Turquie et Israël. « Clairement, on peut voir que les Chypriotes turcs coordonnent tous leurs actions avec Ankara. Ma visite à Tel-Aviv peut ainsi être perçue dans cette perspective ».
Certains ont effectivement vu dans la visite de Nami, qui était entièrement d’ordre privé, un signe d’une possible détente entre la Turquie et Israël.
« Il y a seulement une semaine, un officiel haut placé à Ankara aurait déclaré que la Turquie était prête à normaliser ses relations avec Israël. La visite de ce haut responsable chyprio-turque constitue un autre signe de possibles concessions turques concernant Israël, après un été rempli de déclarations négatives et de tensions », a déclaré Nimrod Goren, le président de Mitvim, l’Institut Israélien pour les Politiques Etrangères Régionales, un groupe de réflexion de gauche.
Puisque Jérusalem ne reconnaît pas la République turque de Chypre du Nord, Nami n’a été accueilli par aucun officiel du gouvernement. Il a visité Israël en tant qu’invité à une conférence sur l’énergie, la Convention 2014 pour l’Energie et le Commerce en Israël qui avait lieu à Tel-Aviv, où il était l’un des conférenciers importants. « Cela a été une réunion réussie dans laquelle nous avons discuté des questions d’hydrocarbures dans la région, et en particulier comment cela affecte la question chypriote », a-t-il expliqué.
Goren voit dans la question du gaz naturel un domaine de coopération régionale possible : « Ce n’est pas une coïncidence que cette visite soit devenue possible dans le contexte de la question du gaz naturel, un sujet qui ouvre de nouvelles possibilités pour Israël concernant ses relations avec ses voisins au Moyen-Orient et dans le bassin méditerranéen ».
Tout le monde n’était pourtant pas satisfait de la visite de Nami en Israël. La chef d’une entreprise qui a également participé à la conférence de Tel-Aviv a protesté contre sa participation : Toula Onoufriou, présidente de la Compagnie d’Hydrocarbures de Chypre, a déclaré qu’elle était « choquée » par l’implication « d’un soi-disant officiel d’un pseudo-État, qui est le résultat d’une occupation continue et d’une invasion de Chypre par la Turquie ».
La participation de Nami, qui n’a pas été annoncée sur le programme de la conférence, était inacceptable et contre l’esprit de collaboration qui a été développé entre Chypre et Israël, a déclaré Onoufriou, selon un journal chypriote. « Contrairement à ce que vous avez entendu, toutes les nations civilisées de la communauté internationale ont condamné la Turquie pour ses actions illégales dans la zone économique exclusive de Chypre », a-t-elle déclaré aux délégués.
Entre autres remarques, Nami avait demandé que les hydrocarbures au large des côtes de Chypre bénéficient à tous les Chypriotes, y compris ceux du Nord.
« Nous encourageons Israël dans ses prises de décision à respecter également les droits et les privilèges des Chypriotes turques », a-t-il déclaré au Times of Israel mardi, immédiatement après la fin de la conférence. « Nous pensons qu’avec un programme aussi complet, les ressources énergétiques peuvent être un élément de paix et de réconciliation, ce dont la région a grandement besoin ».
Dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman a visité Chypre cette semaine, où il a déclaré que le droit du pays à puiser du gaz et du pétrole devait être respecté par tous, y compris la Turquie.
Faisant référence au navire turc qui est entré le mois dernier dans la zone économique exclusive de Chypre au large de la côte sud de l’île, Liberman a déclaré qu’il serait « extrêment inutile » de provoquer plus de conflits dans une région déjà tendue. Il a fait des commentaires après une rencontre avec son homologue chypriote Ioannis Kasoulideshe.
Depuis que les relations entre Jérusalem et Ankara se sont détériorées au cours des dernières années, Israël a essayé d’améliorer sa coopération avec Chypre, tout particulièrement dans le secteur de l’énergie.