« Qatar-gate » : Le rédacteur en chef du Jerusalem Post dit qu’il a été « si naïf »
Interrogé sur la chaîne N12, Zvika Klein a indiqué que le Premier ministre ne sait pas ce qui se passe dans son bureau et qu'il espère vraiment que son ami Jonatan Urich n'est pas impliqué

Zvika Klein, le rédacteur en chef du Jerusalem Post, qui a été le dernier à être interrogé par la police en tant que suspect dans l’affaire du « Qatar-gate », a reconnu dimanche avoir fait preuve de grande « naïveté ».
« À mesure que le temps passe, je repense aux conversations. J’ai été tellement naïf », a-t-il déclaré au micro de la radio de l’armée.
« C’est une situation délirante dans laquelle des personnes qui travaillent avec le Premier ministre [prennent également en compte] les intérêts d’un autre pays. »
« Je connais d’autres journalistes avec lesquels [le porte-parole] Eli Feldstein était en contact et qui pensaient recevoir une information [d’actualité] du Premier ministre. C’est très inquiétant », a-t-il poursuivi.
Klein a décrit dans une interview télévisée diffusée samedi ses relations journalistiques avec trois collaborateurs actuels et anciens du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui seraient au cœur de l’affaire, ainsi que les circonstances profondément désagréables de son interrogatoire.
S’exprimant sur la chaîne N12, Klein a retenu ses larmes en se rappelant avoir été interrogé par la police pendant douze heures lundi, interrogatoire lors duquel la police lui avait confisqué son téléphone. Il a raconté être rentré chez lui à minuit, alors que sa femme était à l’étranger, et que ses enfants lui avaient demandé le lendemain où il était passé.

Klein a également déclaré qu’il ne croyait pas que Netanyahu était au courant de ce qui se passait dans son propre bureau, faisant vraisemblablement référence aux allégations selon lesquelles des collaborateurs du Premier ministre auraient travaillé illégalement pour le Qatar. Il a exprimé sa crainte de subir des représailles pour avoir révélé dans l’interview les détails de ses interactions avec des personnes liées à cette affaire.
L’affaire du « Qatar-gate » porte sur des soupçons d’infractions commises par deux collaborateurs de Netanyahu : le conseiller principal Jonatan Urich et l’ancien porte-parole Eli Feldstein. Ils sont soupçonnés d’avoir travaillé pour une société de lobbying pro-Qatar, d’avoir été en contact avec un agent étranger et d’avoir fait l’objet de plusieurs allégations de corruption impliquant des lobbyistes et des hommes d’affaires. Urich est en détention et Feldstein est assigné à résidence. La police souhaite également interroger un troisième collaborateur, Yisrael Einhorn, qui vit actuellement en Serbie.
Klein a été convoqué pour témoigner dans cette affaire lundi, puis placé en garde à vue en tant que suspect. D’autres journalistes ont également témoigné, mais uniquement en qualité de témoins.
Il a d’abord été libéré et assigné à résidence, mais cette restriction a été annulée jeudi. Il a dénoncé son arrestation et nié toute implication dans cette affaire.
Lors de l’interview télévisée, enregistrée avant Shabbat et diffusée samedi soir, Klein a d’abord été interrogé sur ses reportages sur le Qatar.
Il a expliqué que toute cette saga avait commencé pour lui avant la Coupe du monde de football organisée par le Qatar en 2022, alors qu’il était journaliste au Jerusalem Post et qu’il avait écrit un article affirmant l’interdiction d’emporter de la nourriture casher dans ce pays. Lorsque l’article a été publié, Urich, un ancien conseiller de Netanyahu, lui a envoyé un SMS à ce sujet.
Klein a fait remarquer qu’il était ami avec Urich depuis des années – « je l’adore ». Il a également noté que Netanyahu était dans l’opposition à l’époque.
Urich a dit à Klein qu’il avait un ami « qui travaille avec eux » – une référence manifeste aux Qataris – et qui était troublé par l’article, disant que « c’était problématique ». Klein a répondu qu’ils pouvaient envoyer une réaction à l’article et « m’envoyer d’autres choses… Je veux la vérité ».
Il s’est avéré, a poursuivi Klein, que l’ami d’Urich n’était autre qu’Einhorn, que Klein a décrit comme « un gars très talentueux ».
En octobre 2024, Einhorn figurait sur une liste des 50 Juifs les plus influents du Jerusalem Post, avec un titre de journal le décrivant comme « le cerveau stratégique derrière le succès de Netanyahu ».
Klein s’est par la suite beaucoup intéressé au Qatar, qui était manifestement un acteur régional majeur, surtout après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 et l’accord de trêve contre des otages en novembre de la même année, que le Qatar avait contribué à négocier.
Klein a expliqué qu’il avait intensifié ses efforts pour obtenir un accès journalistique aux Qataris, et Einhorn, qui l’avait aidé à entrer en contact avec d’autres personnes influentes, s’est avéré capable de l’aider.
Avant une conférence du Jerusalem Post en Allemagne début 2024, Einhorn a dit à Klein que, bien qu’il n’ait pas de lien direct avec les Qataris, il avait un ami en Angleterre nommé « Ryan » qui travaillait avec eux.
Grâce à ce contact, il a été convenu que l’ambassadeur du Qatar en Allemagne serait interviewé par Klein sur scène pendant la conférence. Klein a déclaré avoir rejeté une demande visant à décerner un prix à l’ambassadeur. Il a exigé et obtenu de l’ambassadeur la promesse sur scène de ramener tous les otages chez eux. L’ambassadeur avait alors fait la même promesse à Meirav Leshem Gonen, dont la fille Romi a été relâchée par le Hamas il y a trois mois.
« En ce qui me concerne, ce que je faisais était un travail [au nom des otages] qui sanctifiait Dieu », a déclaré Klein au micro de la chaîne N12.

Il a ajouté que sa visite au Qatar en 2024, au cours de laquelle il a interviewé le Premier ministre du pays, s’est déroulée après qu’il a fait pression pour obtenir un accès via Einhorn, qui l’a à son tour mis en relation avec Jay Footlik, un lobbyiste américain qui s’est imposé comme une figure centrale dans l’enquête sur le Qatar-gate. Klein a déclaré avoir rencontré ce dernier dans un hôtel de Tel Aviv pour discuter du possible déplacement, puis s’être rendu au Qatar pendant trois jours, au cours desquels Footlik, qu’il a qualifié « d’homme merveilleux », l’a escorté et a joué le rôle d’accompagnateur.
Après avoir relaté son voyage dans le Jerusalem Post et dans les publications Walla et Maariv, plusieurs de ses collègues ont écrit des articles critiques sur son voyage et ses articles, a expliqué Klein.
Einhorn lui a suggéré de passer à la télévision pour parler de cette visite, mais Klein a répondu qu’il ne voulait pas faire d’auto-promotion, surtout pendant la guerre.
Einhorn lui a alors parlé d’un « type appelé Eli Feldstein » qui pourrait l’aider.

« J’ai demandé qui est-il ? Un type des relations publiques ? Ils m’ont répondu : ‘Il vous aidera’ », se souvient Klein. Il a ajouté qu’Einhorn lui avait dit de ne pas révéler à Feldstein qu’il l’avait mis en contact avec lui.
Klein a déclaré qu’il s’était avéré qu’il avait envoyé un SMS à Feldstein par le passé, alors que ce dernier était le porte-parole du politicien d’extrême droite Itamar Ben Gvir, et que Feldstein n’avait pas répondu à son SMS.
Klein a ajouté qu’il avait dit à Einhorn qu’il n’avait pas de budget pour organiser des interviews, et qu’Einhorn lui avait dit de dire à Feldstein que quelqu’un des États-Unis s’occuperait de le payer. Klein a déclaré qu’il avait appelé Feldstein et qu’ils avaient eu une très courte discussion – « Je comprends aujourd’hui qui il était manifestement au courant de tout cela » – et que Feldstein avait dit qu’il n’avait pas besoin d’argent. Klein avait en effet accordé des interviews sur son voyage sur N12 et sur la Treizième chaîne.
L’interrogatoire
Lorsqu’on lui a demandé comment il s’était retrouvé sous le coup d’une enquête policière, Klein a répondu qu’il pensait que cet épisode aurait fait plus de bruit s’il avait été le rédacteur en chef d’un autre média, faisant vraisemblablement référence à de grands médias israéliens.
Il a souligné que son téléphone lui avait été confisqué lundi et qu’il ne l’avait toujours pas récupéré. Il utilise actuellement le téléphone de la fille de son voisin.
« En vous parlant, j’ai brûlé beaucoup de relations journalistiques. J’en paierai le prix, les gens voudront se venger de moi », a-t-il déclaré aux journalistes de la télévision.
« Je veux que la vérité éclate », a-t-il ajouté.
« Et avec le temps, je me rends compte que je ne connais pas toute la vérité. »
Il a réitéré son insistance déjà exprimée selon laquelle « je n’ai tiré aucun avantage » de son voyage au Qatar. « Personne ne m’a offert d’avantages. »
Lorsqu’on lui a demandé qui avait payé son vol pour le Qatar, Klein a répondu : « Ils ont payé le vol », faisant sans doute référence aux Qataris.
Il a indiqué qu’il avait écrit dans ses articles qu’il avait été invité à Doha par le gouvernement qatari. Il a souligné qu’il n’avait pas été payé par le Qatar pour les écrire.
Lorsqu’il a été convoqué pour être interrogé, sa femme était en vacances à l’étranger après le décès de sa mère, a-t-il précisé, et il était chargé d’aller chercher ses enfants à l’école. Il pensait qu’il témoignerait quelques heures, mais en fin de compte, « je suis rentré chez moi à minuit ».
Les voisins ont pris soin des enfants, a-t-il dit. Lorsque les enfants lui ont demandé le lendemain matin où il était allé, Klein a expliqué, en s’efforçant de ne pas fondre en larmes, qu’il leur avait répondu : « J’aidais la police. »
Ayant déménagé en Israël avec sa famille de Chicago à l’âge de trois ans, Klein a répété qu’il ne le regrettait vraiment pas, ajoutant que s’il y avait des gens mauvais en Israël, il y avait aussi des « gens merveilleux » et que des personnes de tous horizons l’avaient contacté pour lui apporter leur soutien.
À ce stade, l’intervieweur de la chaîne N12, Ben Caspit, a regardé la caméra et a déclaré à l’attention de la procureure générale Gali Baharav-Miara que « s’il n’y a rien ici que nous ne sachions pas », elle doit des excuses à Klein.
On a demandé à Klein d’essayer d’expliquer le Qatar-gate « en tant que commentateur », ce à quoi il a répondu : « Je ne connais pas tous les faits… Je veux être prudent… Je ne peux pas exposer des témoignages que j’ai vus. »
Lorsqu’il a été interrogé pour la première fois, avant d’être mis en garde à vue et de se faire confisquer son téléphone, a-t-il raconté : « J’ai proposé de leur montrer tout ce qu’il y avait dans mon téléphone… Je pensais tout savoir. »
Mais d’après ce qu’il a vu depuis, il a réalisé : « Bon sang, Dieu tout-puissant… Il y a un problème ici. Ce n’est pas [une question de] droite et de gauche. »
« Netanyahu ne sait-il pas ce qui se passe dans son bureau ? » Ce à quoi Klein a répondu : « Je n’ai pas assez d’informations. À mon avis, non. »
« Et Urich ? »
« J’espère vraiment que non. Je ne sais vraiment pas… Je l’aime vraiment… C’est un type compliqué… C’est peut-être un vœu pieux, mais vraiment, depuis 2022, [en ce qui concerne mes interactions journalistiques sur le Qatar], je n’ai pas pensé à lui », a répondu Klein.
Lors d’une audience mardi concernant la détention d’Urich et de Feldstein, la police a indiqué qu’elle soupçonnait Urich, entre autres, d’avoir présenté les informations comme provenant de hauts fonctionnaires israéliens du cabinet du Premier ministre – tout en diffusant des messages pro-Qatar.
« Urich a transmis des messages aux médias au nom du cabinet du Premier ministre. Ces messages ont été transmis par une entité qui entretient des liens avec l’État du Qatar et qui est financée par ce dernier, et ils ont été présentés comme provenant d’une source politique ou sécuritaire », aurait déclaré un enquêteur de la police au tribunal.