Quand les parents juifs orthodoxes d’enfants homosexuels font leur “coming-out” familial
Eshel s'est formé lorsque les proches d'enfants LGBT dans les communautés conservatrices ont eu besoin d'un endroit sûr face à l'homophobie ambiante
NEW YORK — Mindy Sager Dickler est restée sans voix lorsqu’elle a appris qu’Ely, son plus jeune fils, était homosexuel.
« Je ne pouvais pas dire un mot. Mon mari lui a dit : ‘Nous t’aimons, tu es notre fils et cela ne change rien’. Je suis simplement allée vers lui et je l’ai serré fort dans mes bras », raconte Dickler, se souvenant de ce week-end de Rosh Hashanah d’il y a cinq ans.
Elle se rappelle aussi être allée se coucher, ce soir-là, avec beaucoup de questions en tête.
« C’était une réalité nouvelle. Je me souviens avoir réalisé que ce que j’avais toujours supposé, que tous mes enfants grandiraient et se marieraient avec quelqu’un du sexe opposé – c’était une donnée que j’avais toujours conservée au fond de mon esprit. Et tout à coup : ‘Pop !’ cette image a disparu et je n’en avais pas d’autre susceptible de venir la remplacer », dit-elle.
Puis, quelques semaines plus tard, Dicker a eu une révélation.
« Je me souviens avoir pensé qu’il avait été créé à l’image de Dieu tout comme je l’avais été moi-même. Il ne peut rien y avoir de mal à cela. Cela a été une pensée très réconfortante pour moi », dit-elle.
Et c’est ainsi qu’a commencé pour Dickler le voyage qui allait lui permettre de se révéler en tant que mère d’un enfant homosexuel. Un voyage effectué par beaucoup de parents, mais qui peut être particulièrement difficile pour les membres des communautés orthodoxes et haredim.
Dans ces cercles, la conformité est la norme et les enfants et parents de la communauté LGBT peuvent souvent se sentir traumatisés ou ostracisés, explique Miryam Kabakov, co-directrice d’Eshel, une organisation de New York qui offre du soutien aux Juifs homosexuels, hommes et femmes, bisexuels et transgenres et aux familles au sein des communautés orthodoxes.
La majorité des parents qui cherchent du soutien auprès d’Eshel restent discrets en raison des discours homophobes prononcés par les rabbins et autres chefs de la communauté, ainsi qu’à cause des positions soutenues par les institutions communautaires ou les membres de la famille.
Et en effet, les rabbins sont la dernière personne auprès de qui les parents orthodoxes d’enfants homosexuels iraient chercher de l’aide, dit Kabakov.
« Les individus LGBT sont de mieux en mieux acceptés au sein de la société américaine mais la reconnaissance reste un sujet très sensible dans le monde juif orthodoxe. Il y a des avancées, lentes et constantes, mais il reste du travail », estime-t-elle.
A la base, Dickler ne savait pas auprès de qui se tourner pour obtenir du soutien. Elle a découvert l’organisation PFLAG, fédération nationale des parents des amis des lesbiennes et des gays. Toutefois, après avoir assisté à quelques sessions au sein du groupe laïque, elle a eu le sentiment que quelque chose manquait. En tant que Juive orthodoxe, Dickler voulait quelque chose d’un peu plus spirituel.
A travers Eshel, Dickler, qui vit à Baltimore, explique qu’elle a trouvé le soutien dont elle avait besoin, en particulier lors de la retraite annuelle.
« Cela a changé la donne pour moi. Il n’y a pas tant que ça d’endroits où vous pouvez aller et être vraiment vous même. Tout ce qui vous constitue est bien accueilli. C’est super », s’exclame Dickler en évoquant la retraite.
‘Il n’y a pas tant que ça d’endroits où vous pouvez aller et être vraiment vous même’
La retraite de cette année a été centrée autour de la thématique « Heureux, sain et saint ». Comme cela a déjà été le cas les années passées, elle aidera à répondre aux interrogations que se posent les parents juifs orthodoxes lorsqu’un enfant fait son coming-out. Un groupe de rabbins et de spécialistes laïques expérimentés dirigeront des ateliers de travail et des études de texte.
« Quand un enfant fait son coming-out, il y a tant d’interrogations qui sont soulevées. Pour les enfants, c’est un lâcher prise. Ils se sentent libérés. S’ils le disent aux parents, cela veut généralement dire qu’ils ont fini par l’accepter. Mais pour certains parents, cela revient vraiment à se poser la question de savoir que faire de cette information », dit Kabakov.
Les parents se demandent comment assurer la sécurité de leurs enfants, ou vers qui se tourner pour obtenir des soutiens et des conseils au sein de la communauté orthodoxe. Certains s’interrogent sur les ramifications médicales et émotionnelles d’un enfant transgenre. D’autres veulent savoir ce que dit la Halakha (la loi juive) au sujet de l’homosexualité. Et d’autres encore veulent savoir comment l’homosexualité d’un enfant peut affecter les chances des autres de trouver l’âme soeur au sein de la communauté orthodoxe.
Tout cela reste une affaire sensible dans le monde juif orthodoxe, comme l’a montré une étude confidentielle menée par Eshel au mois de février dernier. Environ 300 parents juifs orthodoxes et traditionnels d’enfants LGBT y ont participé.
Kabakov affirme tenter d’expliquer aux parents d’enfants LGBT que la priorité est l’acceptation et le bonheur.
‘Pour certains parents, c’est vraiment se poser la question de savoir que faire de cette information’
« Amener les parents à comprendre le combat livré par leurs enfants. La meilleure prévention contre le suicide, c’est l’acceptation des parents. L’utilisation des drogues, la dépression et autres comportements préjudiciables disparaissent quand apparaît l’acceptation », indique Kabakov.
« Le parent peut choisir d’accepter ou de rejeter. Une grande partie de notre mission est d’amener les parents à accepter leurs enfants pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils vous disent être ».
Selon le Projet d’Acceptation familial de San Francisco, l’acceptation et le soutien familial aident à prévenir les risques sanitaires et psychologiques pour les enfants et les jeunes LGBT, notamment le suicide, l’infection à VIH, ou des adolescents qui finissent à la rue.
Les participants à la retraite viennent majoritairement des Etats-Unis, mais aussi d’Israël, du Royaume-Uni et d’Australie. Le temps passant, les parents deviennent très proches, s’invitent les uns les autres aux mariages, aux bar mitzvahs et autres fêtes, déclare Kabakov.
Cela leur permet de voir qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils trouvent une communauté à laquelle ils appartiennent et qu’ils peuvent se soustraire aux voix négatives qui résonnent dans les synagogues, dans les écoles et chez les membres de la communauté.
« Mon propre ‘coming-out’, en tant que mère d’un homosexuel, a été lent et constant. D’abord, il faut sonder le terrain », explique Dickler. « Je pense que c’est comme avec les cercles concentriques. Vous commencez avec ceux qui sont proches de vous, à qui vous pouvez faire confiance, puis, petit à petit, vous vous éloignez du centre ».
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