Regev aurait tenté de tirer profit du 7 octobre pour faire sa propre publicité – média
Selon des discussions entre la ministre des Transports et ses conseillers qui ont été rapportées, elle aurait examiné la manière de se placer au premier plan après le début de la guerre ; Regev dénonce des "mensonges"
Continuant à rendre publiques ses informations sur la manière dont la ministre des Transports Miri Regev exploiterait sa position au sein du gouvernement et de son Bureau pour promouvoir ses objectifs politiques, la Treizième chaîne a présenté, dimanche, de nouvelles discussions entre Regev et ses plus proches collaborateurs.
Ces échanges laissent entendre que les conseillers de la ministre avaient cherché à lui faire prendre une place de premier plan dans le sillage de l’attaque terroriste meurtrière du Hamas, le 7 octobre, dans le but de renforcer son statut auprès des Israéliens.
Ces informations, qui se basent sur des notes de service officielles et sur des échanges écrits dans des groupes de messagerie interne, ont été fournies par Yonatan Yehosef, ancien responsable de l’équipe professionnelle au sein du ministère des Transports. Elles ont révélé la manière dont les plus proches conseillers de la ministre avaient dépeint, de manière répétée, les manifestants anti-gouvernement comme étant des « insurgés », cultivant l’idée qu’ils avaient pu être financés par le groupe terroriste du Hezbollah ou par la CIA.
Yehosef a indiqué, devant les caméras de la Treizième chaîne, qu’il était déterminant de faire part de la teneur des propos tenus par ces conseillers dans la mesure où ils avaient une forte influence sur Regev, qui relayait ensuite les sentiments qu’ils avaient pu exprimer au public israélien, aidant à propager ces idées au sein de la société.
Suite à l’attaque du 7 octobre, l’un de ces conseillers avait ainsi prétendu auprès de la ministre que certains Israéliens – et notamment des pilotes de l’armée de l’air – avaient collaboré avec le Hamas pour garantir la réussite de l’assaut transfrontalier sanglant qui avait fait près de 1 200 victimes dans le sud du pays, a affirmé le reportage.
La semaine dernière, la Treizième chaîne avait diffusé la première partie de son reportage d’investigation. Ce dernier accusait le Bureau de Regev d’être excessivement politisé et d’offrir systématiquement un traitement préférentiel à certains officiels locaux, dans tout le pays – des officiels qui étaient par ailleurs des acteurs puissants au sein du Likud.
Dans cette deuxième partie, la Treizième chaîne s’est attardée sur la réponse apportée par le Bureau de Regev à l’attaque du Hamas et notamment à l’apathie apparente qui avait été celle du ministère quand il avait fallu fournir des transports publics pour les soldats de réserve qui partaient à la guerre, ou affréter des vols permettre à ceux qui venaient de l’étranger de rejoindre au plus vite les rangs de Tsahal.
Le 7 octobre, Regev se trouvait au Mexique, en vacances. Alors que l’attaque était encore en cours, ses assistants l’avaient contactée et, les contours de l’ampleur de l’assaut dévastateur commençant à mieux se dessiner, ils avaient attribué une partie de la responsabilité des horreurs qui étaient en train de se dérouler aux opposants du gouvernement, qui, à cette époque, descendaient massivement dans les rues de tout le territoire israélien.
Dans les mois qui avaient précédé l’attaque, l’État juif avait été balayé par une vague sans précédent de manifestations qui dénonçaient un plan de refonte radical du système judiciaire israélien avancé par le gouvernement. Les réservistes de l’armée s’étaient opposés avec force à cette réforme et certains d’entre eux, notamment des pilotes, avaient menacé de ne pas se présenter à leur service, en signe de protestation contre les changements proposés à travers le projet de refonte – un projet qui, selon eux, mettait en péril l’état de droit et la démocratie.
Un grand nombre des échanges qui ont été rapportés par la chaîne avaient été écrits par le biais d’un groupe réunissant les proches collaborateurs de Regev sur un service de messagerie.
Dudi Sassi, porte-parole de la ministre, avait ainsi écrit que « quelqu’un a vendu le pays. Le Shin Bet découvrira bientôt de qui il s’agit ».
Ofer Malka, un conseiller de premier plan de Regev, avait mis en cause le groupe Frères et Sœurs d’Armes, disant qu’il était « la raison claire et directe du massacre qui a été commis aujourd’hui ». Il avait vivement recommandé à la ministre de faire en sorte que le gouvernement demande les noms des pilotes qui avaient annoncé qu’ils refuseraient de servir : « Parce qu’ils doivent être jugés pour trahison », avait-il ajouté.
Malka avait aussi cité des rumeurs « fortes » laissant entendre que certains Israéliens avaient coopéré avec le Hamas, « notamment des pilotes qui ne se sont délibérément pas présentés pour servir l’armée ».
Il avait aussi appelé à faire appliquer une procédure de l’armée controversée – qui n’existait d’ailleurs plus – qui impliquait le bombardement massif de la bande de Gaza, même si cela signifiait de tuer les centaines d’otages que les terroristes avaient kidnappé sur le sol israélien et qui avaient été amenés au sein de l’enclave côtière.
« Larguez les bombes, même avec les otages », avait-il écrit.
Malka avait ajouté que « les otages et ceux qui ont été enlevés peuvent être considérés comme morts » – une réflexion qui permettait d’ouvrir la porte, selon lui, à une riposte militaire d’envergure à l’attaque terroriste. « C’est cruel, mais n’importe quelle autre alternative est pire de toute manière », avait-il continué.
Une idée qui avait été approuvée par le stratège du ministère, Gal Baysberg, selon les messages qui ont été rendus publics par la Treizième chaîne.
Même dans les jours qui avaient suivi l’attaque, Malka et les autres conseillers avaient continué à lancer des accusations. Malka avait notamment affirmé que des entités dont il n’avait pas précisé la nature « détruisent les preuves » qui étaient susceptibles d’être utilisées dans le cadre d’une commission d’enquête d’État sur le massacre.
« C’est vrai », avait répondu Regev qui avait suggéré d’en parler au porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Lors de l’attaque, qui était survenue dans une matinée de Shabbat, le jour d’une fête juive, des centaines de milliers d’Israéliens s’étaient démenés pour trouver des transports publics dans le but de pouvoir rejoindre les bases de l’armée dans un contexte de mobilisation rapide des réservistes. Selon le reportage, le ministère des Transports avait eu des difficultés à mettre en circulation les bus et autres trains supplémentaires qui étaient nécessaires pour répondre à la demande, et de nombreux soldats avaient dû se débrouiller par eux-mêmes pour rejoindre leurs bases respectives.
Il y avait eu une autre demande – celle des Israéliens qui se trouvaient à l’étranger et qui avaient voulu revenir dans le pays, avec parmi eux des milliers de soldats de réserve. Le ministère des Transports et le ministère des Affaires étrangères avaient peiné pour élaborer un plan exigeant du transporteur national El Al qu’il affrète des vols supplémentaires en direction du territoire israélien – une mission d’autant plus particulière en une journée de Shabbat, la journée de repos juive, lorsque les services de l’État, dont font partie les transports publics, sont habituellement au point mort. Si Regev avait demandé à El Al d’ajouter de nouveaux vols le samedi, selon Yehosef, elle n’avait pas eu l’autorité nécessaire pour lancer une telle initiative – et il avait été difficile de déterminer, ce jour-là, qui avait réellement le pouvoir de le faire.
Dans un message, Malka, de son côté, avait rejeté l’idée de mettre à disposition des Israéliens des vols et des transports publics lors de cette journée tragique, s’inquiétant du fait qu’un tel arrangement puisse continuer après la guerre, ce qui ne manquerait pas de provoquer la colère des électeurs ultra-orthodoxes.
Alors que la guerre prenait de l’élan, le groupe Frères et Sœurs d’Armes, qui s’était illustré dans le mouvement de protestation dénonçant le gouvernement et son plan de refonte radicale du système judiciaire, avait ouvert une cellule d’aide aux résidents du sud du pays qui subissaient de plein fouet l’impact des événements, leur offrant notamment les approvisionnements nécessaires. De nombreux résidents du sud d’Israël avaient été dans l’obligation de quitter leurs habitations en raison des tirs de roquette qui émanaient de Gaza ou des dégâts dévastateurs qui avaient été causés par les terroristes, au cours de l’assaut du 7 octobre.
Malka avait réclamé que la police et le Shin Bet soient convoqués pour expliquer au gouvernement « les dommages entraînés par ces activités [de Frères et Sœurs d’armes] – ainsi que l’origine des financements derrière ce mouvement, de manière à décider comment s’attaquer à ce réel problème ».
Regev avait apparemment soutenu cette idée et avait écrit : « réfléchissons à comment faire ».
La ministre avait aussi discuté avec Malka de l’organisation d’une opération d’aide majeure qui avait pour objectif de contrer ce qu’elle considérait comme les « opérations publicitaires » menées par les groupes de gauche.
« Nous avons besoin de quelque chose d’agressif face à la propagande des gauchistes », avait-elle écrit.
Deux jours après le début de la guerre, Sassi, le porte-parole, avait suggéré à Regev de lancer une campagne médiatique et de faire des conférences de presse quotidiennes : « Cela vous présentera comme quelqu’un qui fait autorité, qui a l’étoffe d’un leader. Comme une personnalité chaleureuse, compréhensive, professionnelle comme vous savez le faire. Les gens ont envie d’entendre leurs dirigeants ».
« Nous allons nous en occuper aujourd’hui », avait répondu Regev. « Allez travailler, préparez des messages, des propositions et un plan de travail ».
Toutefois, le directeur-général du ministère, Moshe Ben-Zaken, avait mis en garde contre une telle initiative, soulignant qu’en cette période de guerre, les autres ministres avaient raison de ne pas accorder d’entretien et que le faire « créerait un lien entre l’échec du 7 octobre » et Regev.
« La ministre est membre du cabinet. Quelles réponses donnera-t-elle exactement » sur les otages et sur ‘les échecs’ ? », avait-il interrogé.
Ben-Zaken avait évoqué « une mère dont la fille a été violée, la prenant [Regev] bruyamment à partie : Que lui dira-t-elle ? », avait-il ajouté.
Dans un message, Baysberg avait indiqué à Regev qu’elle ne pouvait « pas ignorer l’aspect politique » et il lui avait dit qu’il n’était « pas sûr » que « rester trop proche » de Netanyahu dans les circonstances actuelles, avec une opinion publique révoltée face à l’échec du gouvernement à prévenir l’attaque, « sera d’une grande aide à l’avenir ».
« C’est vrai, nous en parlerons », avait écrit Regev en réponse.
Se venger de Beeri
Dans des discussions par texto, deux semaines après le début de la guerre, Regev avait discuté avec ses aides de la nécessité d’établir la communication « avec les activistes, les chefs de branches » qui soutenaient son parti du Likud, au détriment des maires des localités.
Malka avait été furieux lorsque les résidents du kibboutz Beeri avaient demandé à la ministre des Transports et à son entourage de ne pas entrer dans la communauté alors qu’ils visitaient le sud du pays meurtri. Les hommes armés du Hamas avaient tué plus de 130 personnes dans ce kibboutz situé à la frontière avec la bande et des résidents avaient été pris en otage.
Malka avait semblé suggérer de lancer des représailles délibérées contre ce qu’il avait considéré comme un camouflet infligé par les membres de la communauté.
Selon la Treizième chaîne, c’est une imprimerie qui se trouve à Beeri qui est utilisée pour imprimer tous les permis de conduire qui sont émis au sein de l’État juif.
« Peut-être cela vaudrait-il la peine de lancer un nouvel appel d’offres si le directeur de l’imprimerie juge utile de rejeter la présence de celle qui lui fait gagner sa vie », avait écrit Malka dans un message.
Le lanceur d’alerte
Devant les caméras de la Treizième chaîne, Yehosef a aussi évoqué les « heures passées à converser avec les conseillers de Regev au sujet de la préparation de photos publicitaires de la ministre ».
Il a ajouté qu’il était conscient qu’il « contrevenait à toutes les règles de la politique » en s’exprimant devant la chaîne, notant avoir choisi de le faire « parce que la machine à poison a presque détruit Israël ».
Il a reconnu qu’il ne trouverait probablement plus de travail en tant que conseiller politique tout en faisant remarquer qu’il était « prêt à en payer le prix ».
Pour Yehosef, le point de rupture aura été quand le ministère des Transports avait établi un arrêt de rafraîchissement sur la route utilisée par les soldats pour se rendre dans le sud du pays, pour aller sur le front. Des photos et des images du site avaient été utilisées pour promouvoir Regev, disant que c’était elle qui avait organisé l’installation. Mais Yehosef a raconté qu’alors que le ministère se vantait à des fins publicitaires d’avoir mis en place l’arrêt, il n’y en avait pas eu d’autre, même si les soldats réservistes venaient de secteurs de tout le pays.
Le reportage a aussi cité les propos tenus par Avi Naor, l’ancien responsable de l’Autorité de la sécurité routière nationale, qui avait démissionné l’année dernière. L’homme regrettait, dans ses paroles, que « presque rien » n’avait été fait pour améliorer la sécurité sur les routes lorsque Regev était aux commandes, le déterminant à présenter sa démission.
Yehosef a aussi laissé entendre que deux projets majeurs qui devaient être entrepris dans le pays – la relocalisation de la gare routière de Tel Aviv et l’ouverture d’un nouvel aéroport – avaient été reportés parce que la ministre cherchait à flatter son électorat.
Regev est favorable à la construction d’un nouvel aéroport dans le sud du pays, comme le réclame l’un de ses partisans, Benny Bitton, qui est le maire de Dimona – mais les différentes autorités concernées veulent, dans leur majorité, utiliser un site proche de Tel Aviv, a précisé la Treizième chaîne.
Une querelle qui a entraîné une rencontre explosive entre Regev et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, au cours d’une rencontre sur le sujet. Selon Yehosef, le responsable du Trésor a accusé la ministre des Transports de « dire n’importe quoi » et d’être « une démagogue ». Dans l’intervalle, aucune décision n’a été prise dans ce dossier déterminant.
L’animosité nourrie par Regev et par son équipe à l’égard des manifestants qui dénonçaient le gouvernement était déjà évidente pendant les mouvements de protestation massifs qui avaient marqué l’année 2023 – Malka proposant, dans un message, qu’ils soient étiquetés comme mouvement « clandestin » cherchant à prendre le pouvoir. Il avait évoqué la possibilité d’un financement de ces rassemblements par le Hezbollah ou par la CIA.
Les conseillers avaient aussi parlé de la nécessité de limoger tous les responsables de la police en raison de ce qu’ils considéraient comme une réponse « faible » de la part des forces de l’ordre aux manifestations qui avaient alors lieu à Tel Aviv.
Yehosef a indiqué que beaucoup de temps avait été consacré à donner des instructions aux autorités sur le retrait des bannières anti-gouvernementales qui avaient été accrochées sur les routes.
Suite à la diffusion de la première partie du reportage sur le travail de Regev à son ministère, la procureure-générale Gali Baharav-Miara devait lancer des investigations.
La semaine dernière, la police a indiqué dans un communiqué qu’elle examinait les accusations lancées par la Treizième chaîne. Cette dernière a cité les propos tenus par un haut-responsable des forces de l’ordre qui aurait déclaré que la conduite de Regev « dégage une odeur de pourriture et de corruption », et qu’elle avait peut-être aussi à répondre de son comportement au niveau pénal.
Regev : « mensonges et falsifications »
Pour sa part, dans une déclaration émise la semaine dernière en réaction au reportage, Regev a dénoncé « une accumulation de mensonges, de fausses affirmations, de semi-vérités et une falsification de la réalité ». Elle s’en est pris à Yehosef, un individu « qui a volé les documents du ministère des Transports » pour la calomnier.
Ben-Zaken, le directeur-général du ministère, a affirmé pour sa part en réponse au reportage que des trains et des bus supplémentaires avaient été mis en service dans les meilleurs délais après l’invasion du 7 octobre – tenant compte des préparations de maintenance nécessaires et de l’obligation de trouver un nombre suffisant de conducteurs.
« Le directeur-général du ministère œuvre à défendre les intérêts des citoyens d’Israël et il ne prendra pas part à des ragots sortis de leur contexte qui ont été remaniés pour répondre la mode du moment », a ajouté le communiqué. « Le directeur-général se réserve le droit de vous poursuivre pour toute diffamation, fausse présentation ou distorsion de phrases et et pour toute affirmation mensongère ».