Résidents d’implantations et Palestiniens cherchent ensemble une solution au conflit sur le modèle de l’UE
L’initiative improbable, soutenue par des personnalités importantes du mouvement des implantations, envisage deux états, mais un seul pays, où "n’importe qui peut vivre où il veut"
Un groupe d’Israéliens et de Palestiniens s’est associé dans un mouvement appelant à une confédération de type européen entre Israël et un futur état de Palestine, qui autoriserait les citoyens de deux parties du conflit de vivre dans les deux états en conservant leur nationalité originale.
Le mouvement « Deux états, un pays », dont la partie israélienne est principalement composée d’habitants des implantations, est l’aboutissement de quatre années de rencontres et de discussions discrètes entre militants des deux parties. L’initiative a été annoncée vendredi soir par la Deuxième chaîne.
Le mouvement rejette l’idée de séparation des deux peuples, affirmant que la réalité a montré qu’un tel effort, commencé il y a 23 ans par les accords d’Oslo, a échoué.
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Un militant israélien du mouvement, le journaliste Meron Rapoport, a déclaré que son but final était de s’assurer que les juifs pouvaient vivre « partout où ils le veulent sur la Terre d’Israël, et que les Palestiniens peuvent vivre n’importe où ils veulent sur la terre qu’ils appellent Palestine. »
La plupart des implantations, dans un tel scénario, ne seraient pas évacuées par la force.
Rapoport a déclaré qu’il rêvait de « deux états indépendants et souverains, appartenant à une super structure, une confédération, une union – le nom est moins important – qui ont des relations bilatérales fortes, des frontières ouvertes, des forces de sécurité communes, et peut-être un tribunal des droits de l’Homme commun. »
Eliaz Cohen, un habitant de l’implantation de Kfar Etzion qui porte la kippa et fait partie du mouvement, a reconnu qu’il lui avait fallu du temps pour ne plus avoir peur d’un État palestinien, remarquant qu’une partie de sa motivation originale pour la construction d’implantations était d’empêcher la création d’un tel état.
« J’ai grandi avec cette peur, j’ai grandi sur la motivation de comment empêcher que cette chose ne se forme », a-t-il déclaré.
Muhammad Beiruti, de Ramallah, a déclaré à la Deuxième chaîne qu’en tant que membre de l’OLP [Organisation de libération de la Palestine], il accepterait une solution à deux états basée sur les lignés de 1967, mais il a affirmé que la barrière de sécurité qui sépare la plupart d’Israël de la Cisjordanie était inutile du point de vue militaire, et ne servait qu’à détruire le paysage.
« La barrière n’est pas le problème. Les Palestiniens passent dessous ou dessus. Cela ne garantit pas la sécurité, mais cela ne fait que rendre le paysage moche. Le paysage est beau et la barrière le gâche », a déclaré Beiruti à la Deuxième chaîne.
Cohen a fait écho aux propos de Beiruti : « Ce que nous voyons surtout ici est le degré auquel tout est mélangé. La barrière est une tâche dans le paysage. Cela ne créera pas de bons voisins des deux côtés. Et s’il y a des attaques à l’arme à feu, cela ne peut pas les empêcher. »
Interrogé par la Deuxième chaîne à propos d’Efrat, une communauté de 10 000 Juifs au sud de Jérusalem située à l’intérieur du territoire revendiqué par les Palestiniens, Beiruti a déclaré : « Les Israéliens qui veulent vivre en Palestine, dans l’Etat palestinien, peuvent vivre où ils veulent, mais ce seront des villages arabes, sous contrôle et souveraineté arabe totale, et ils ne seront pas uniquement habités par des juifs : quiconque voulant y vivre pourra le faire. Chaque Israélien voulant vivre à Ramallah ou à Bethléem le pourra. »
« Efrat a été fondé sur le terrain du village d’El Hader. Je ne dis pas que nous expulserons 10 000 personnes, laissons les rester. Mais ils cesseront d’être des colons. Ils seront des citoyens israéliens vivant dans l’Etat palestinien, ou des citoyens palestiniens, et c’est aussi acceptable. »
Le grand rabbin d’Efrat Shlomo Riskin, une figure importante de la communauté, a donné sa bénédiction au mouvement.
« L’idée même de deux états et un pays peut être révolutionnaire. Vous avez le droit, et nous avons le droit – nous sommes tous les deux des héritiers d’Abraham [le patriarche biblique], notre père », a déclaré Riskin.
Selon la Deuxième chaîne, le petit-fils du rabbin, Eden Riskin, lui a exposé les idées du mouvement.
« Je me sens très lié à cette idée, la paix peut venir, de partout, des résidents d’implantations. Ils ne sont pas moins pour la paix que les autres personnes », a déclaré Eden Riskin. Il a ajouté qu’une initiative actuelle de droite pour faire appliquer la loi civile israélienne en Cisjordanie [au lieu de la loi militaire] « signifierait dans les faits un état binational, et un état binational n’exprime pas l’identité juive de l’Etat d’Israël. »
« Vivre en Palestine ne signifie pas que je ne fêterai pas le Yom HaAtsamout israélien », a dit le jeune Riskin.
Meyer Yoshua, résident d’une implantation et membre du mouvement, a déclaré que la situation actuelle était « intolérable » et ne pouvait pas continuer.
« Nous voyons nos voisins comme des ennemis, des suspects, et nous ne les considérons pas comme des partenaires de vie, a-t-il déclaré. Leurs vies ne se développent pas au même taux que les nôtres, au contraire – d’une certaine manière, ma seule présence ici étouffe leur développement. »
Yoshua a déclaré qu’il voulait entrer dans un processus d’établissement de la fédération que le mouvement envisage, malgré les risques et la peur que cela implique.
« Quand vous allez dans une nouvelle direction, il y a un risque, mais la situation actuelle est aussi risquée […] faire partie d’un processus qui signifie étendre le cœur, pas simplement le territoire, et réparer la société et réussir de meilleures relations ; cela donne du sens à ma vie ici maintenant », a-t-il dit.
Beiruti, ancien gouverneur de Jénine, a déclaré qu’il serait heureux de voir de nouvelles maisons palestiniennes construites à l’est d’Ashkelon, où se trouvent les ruines du village de sa famille.
L’homme aux cheveux blancs et à la voix douce est né en Jordanie après la fondation d’Israël en 1948, mais s’est ensuite installé en Cisjordanie. Après avoir aidé à la mise en place de cellules terroristes et être allé jusqu’en Syrie, au Liban et en Tunisie, il a été emprisonné pendant dix ans en Israël. Beiruti est devenu le gouverneur de Jénine à la suite des accords d’Oslo.
« Sgula peut rester sur la terre de Soumeil », a-t-il dit, faisant référence à une petite communauté juive construite sur les ruines du village de ses parents. « Nous ne déplacerons pas Sgula à l’est ou à l’ouest. Mais nous voulons corriger, réparer d’anciennes mauvaises actions sans en créer de nouvelles. »
Selon l’initiative Deux états, un pays, le pourcentage de citoyens israéliens vivant en Palestine serait aligné sur le pourcentage de citoyens palestiniens voulant rester en Israël.
Les militants du mouvement pensent que la tentative de séparer Israéliens et Palestiniens a échoué.
« Il y a 23 ans, les dirigeants des deux nations, pas des personnes ordinaires, ont dit ‘allons vers la séparation. Nous ici, eux là-bas, de bonnes barrières font de bons voisins’. Toutes ces discussions, et ce n’est pas arrivé. Même le désengagement unilatéral [de la bande de Gaza en 2005] n’a pas apporté le calme ; ni pour nous, ni pour eux », a déclaré Rapoport.
Bien que certains sujets, comme le destin de Jérusalem et l’insistance des Palestiniens sur le droit au retour, ne soient pas traités par l’initiative à cette étape, Cohen a réprimandé le journaliste qui évoquait le spectre des pogroms arabes contre les juifs pendant les années précédant la fondation d’Israël.
« N’essayez pas de me faire passer pour un fou. Cette peur est précisément ce dont nous devons nous libérer », a déclaré Cohen.
Le Premier ministre Benjamin « Netanyahu, qui permet à la peur de régner, est fou ; [le président du parti HaBayit HaYehudi Naftali] Bennett, qui décrit les Palestiniens, une nation entière, comme un ’obus coincé dans le derrière’, est fou. »
« Nous nous tuons les uns les autres, nous nous tuons nous-mêmes, tant que nous ne pouvons plus imaginer une autre réalité », a dit Cohen, alors que Beiruti opinait de la tête à ses côtés.
« Et puis quelqu’un se lève et dit : la réalité dans laquelle vous vivez, Israéliens et Palestiniens, est folle. C’est ça qui est fou. »
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