Sans réponse apportée à ses exigences, une faction Haredi s’opposera au budget
Agudat Yisrael, de YaHadout HaTorah, dit vouloir plus de fonds pour les étudiants de la Torah à plein-temps et pour leurs familles, conformément aux accords de coalition
Une faction appartenant au parti ultra-orthodoxe YaHadout HaTorah a menacé, mercredi, de ne pas soutenir le budget de l’État – dont l’adoption est nécessaire pour la survie du gouvernement – voire de s’y opposer si le gouvernement devait refuser de financer davantage les membres de la communauté qui étudient la Torah à plein-temps. Elle réclame ainsi la somme supplémentaire de 600 millions de shekels, un montant qui viendrait s’ajouter aux milliards de shekels qui ont d’ores et déjà été promis à la population haredi.
Agudat Yisrael, une faction qui revendique trois des sept sièges de YaHadout HaTorah à la Knesset, a diffusé un communiqué, mercredi soir, disant qu’elle n’apporterait pas son soutien au budget 2023-2014 à moins d’obtenir un financement supplémentaire et significatif en faveur des hommes qui s’adonnent aux études religieuses à plein-temps et en faveur de leurs enfants.
Cet avertissement – qui a confirmé des informations qui avaient été préalablement transmises – est survenu quelques jours après l’approbation, par le gouvernement, d’une enveloppe de 13,7 milliards de shekels en fonds discrétionnaires, une somme qui devrait largement venir soutenir les institutions et les programmes ultra-orthodoxes.
Le parti Agudat Yisrael, qui représente des groupes ultra-orthodoxes hassidiques, s’est réuni mercredi et « il a été décidé de faire respecter l’accord qui avait été signé avec la liste YaHadout HaTorah ; un accord qui comportait notamment un engagement en faveur d’un budget alloué aux enfants des membres de la communauté qui étudient à plein-temps dans les yeshivot et dans les écoles avrechi« , a noté le communiqué, faisant référence aux établissements où les ultra-orthodoxes étudient à un plein-temps.
Sur les fonds discrétionnaires à hauteur de 13,7 milliards de shekels, environ 3,7 milliards de shekels devraient être dépensés pour augmenter le budget des allocations versées aux institutions des étudiants qui fréquentent les yeshivot de la communauté haredi, malgré les critiques qui déclarent que ces écoles échappent à la supervision du ministère de l’Éducation et qu’elles n’enseignent pas les matières du tronc commun qui permettent de préparer les élèves au marché de l’emploi, notamment les mathématiques, les sciences et l’anglais. 1,2 milliard de shekels devraient par ailleurs être alloués aux institutions d’enseignement privées et hors-contrat, qui n’apprennent pas non plus aux enfants des matières déterminantes comme les maths et l’anglais.
Environ un milliard de shekels seront destinés à subventionner un programme de bons alimentaires qui a été avancé par le leader du parti du Shas, Aryeh Deri. Des financements supplémentaires seront versés au système d’éducation ultra-orthodoxe ; ils permettront de construire de nouveaux bâtiments religieux et de soutenir la culture et de l’identité juive haredi.
Il ne reste au gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu que onze jours pour faire adopter le budget courant sur deux ans, à hauteur de trilliards de shekels. La date-limite pour l’approbation de ce budget est fixée au 29 mai. Si le budget ne devait pas être adopté à cette échéance, la Knesset serait automatiquement dissoute et des élections anticipées seraient organisées.
Le ministre des Finances Bezalel Smotrich a affirmé de manière répétée que le budget – qui devrait encore augmenter la dette nationale à une période où les revenus générés par les impôts sont plus faibles que ne l’annonçaient les prévisions et où l’inflation est galopante – a grossi sous le poids des demandes politiques qui avaient été soumises par les partenaires de la coalition de la ligne dure qui a été rassemblée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
YaHadout HaTorah a actuellement pour président un nouvel-arrivant sur la scène politique, Yitzhak Goldknopf, devenu ministre du Logement, et qui est aussi le leader d’Agudat Yisrael. L’alliance ultra-orthodoxe avait arraché des promesses radicales au Likud de Netanyahu dans le cadre de son accord de coalition – un accord qui, s’il n’est pas contraignant, sert souvent de base pour les négociations politiques qui peuvent avoir lieu dans un gouvernement.
« Comme vous le savez, depuis des temps immémoriaux et à la demande des anciens d’Israël, cette question a été la première à figurer dans notre accord de coalition avec le Likud et notre seule demande concerne la mise en œuvre pleine et entière de l’accord qui a été conclu », a continué le communiqué émis par Agudat Yisrael. « La loyauté et l’engagement à l’égard de la coalition doivent être mutuels ».
Toutefois, des responsables de la coalition qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat ont déclaré qu’il n’était pas question d’augmenter le budget « d’un seul shekel » et ils ont critiqué le parti Haredi pour avoir durci ses demandes.
« Il y a une limite. C’est ridicule de ne pas faire preuve de responsabilité et de ne pas faire preuve de patience », ont-ils commenté. « Les Haredim n’ont jamais connu de tels acquis dans un budget national depuis l’établissement de l’État et il est insensé qu’ils ne soient pas en mesure de comprendre qu’il y a des limites ».
Degel HaTorah, l’autre faction formant Yahadout HaTorah, doit encore faire savoir si elle rejoindra ce mouvement d’humeur et elle n’avait pas répondu à une demande de réaction au moment de la rédaction de cet article. Si le budget peut encore être approuvé sans les trois votes d’Agudat Yisrael au sein de la Knesset, forte de 120 membres, cela ne serait plus le cas si Degel HaTorah choisissait d’apporter son soutien à son partenaire et s’abstenait d’apporter ses votes à la coalition.
Goldknopf a envoyé une lettre au leader de Degel HaTorah, Moshe Gafni, a fait savoir jeudi le site d’information Ynet, demandant que l’alliance Yahadout HaTorah dans son intégralité s’oppose au budget de l’État à moins d’obtenir les fonds supplémentaires réclamés.
Selon un reportage de la chaîne publique Kan qui a été diffusé mardi, les députés d’Agudat Yisrael ont aussi menacé de remettre sur le devant de la scène une loi controversée qui exempterait les membres de la communauté ultra-orthodoxe de service militaire – une législation qui a été pour le moment mise de côté, le temps que le budget soit approuvé.
Ces dernières semaines, les membres haredim de la Knesset ont exploité leur vote en faveur du budget 2023-2024 en le conditionnant à l’avancée du projet de loi sur l’exemption militaire, et ils ont critiqué Netanyahu pour son incapacité à faire progresser cette législation polémique.
L’accord qui a été conclu entre Yahadout HaTorah et le Likud comprenait la promesse explicite de faire approuver ce texte de loi avant l’adoption du budget.
Les menaces proférées par Agudat Yisrael renforcent les pressions exercées sur la coalition de Netanyahu à une période déjà sensible. Alors qu’il ne reste qu’onze jours pour présenter le budget à ses deux votes finaux, sous peine de voir la Knesset dissoute et des élections anticipées organisées, le gouvernement tente de régler ses querelles internes.
Mercredi, la faction Otzma Yehudit d’extrême-droite est passée à la vitesse supérieure concernant ses propres revendications budgétaires, ne se présentant pas au vote en séance plénière de la Knesset. En l’absence de ses députés, trois projets de loi mineurs qui avaient été présentés par l’opposition ont été adoptés.
Le parti réclame des fonds supplémentaires pour ses ministères du Neguev et de la Galilée. Une source proche de Ben Gvir a insisté sur le fait que le parti ne faisait que « demander l’égalité » dans le financement de ses priorités, au vu des sommes massives allouées aux formations ultra-orthodoxes et d’extrême-droite qui constituent la coalition.
Mercredi également, des manifestants s’opposant au budget de l’État se sont rassemblés dans l’enclave ultra-orthodoxe de Bnei Brak pour dénoncer le financement généreux des intérêts sectoriels.
Avant l’approbation des fonds discrétionnaires à hauteur de 13,7 milliards de dollars dimanche, le ministère des Finances avait averti que l’argent promis pourrait entraîner des trilliards de shekels de perte dans le produit intérieur brut au cours des prochaines années.
Ainsi, avant le vote qui avait eu lieu au cabinet, le chef du département des budgets au sein du ministère des Finances, Yogev Gardos, avait averti que ces allocations auraient un impact négatif sur les hommes haredim en les dissuadant de chercher un emploi et qu’elles nuiront au marché du travail et à l’économie, de manière plus générale.
Gardos avait ajouté que si un nombre plus important d’ultra-orthodoxes n’étaient pas encouragés à travailler, le gouvernement devrait, d’ici 2065, augmenter les impôts directs de 16 % pour maintenir le même niveau de services fournis sans entraîner une hausse du déficit.
La population ultra-orthodoxe israélienne devrait passer de 13 % de la population totale, aujourd’hui, à 16 % à l’horizon 2030. Son taux de croissance de 4 % est le plus élevé parmi toutes les autres communautés en Israël, selon des données du Bureau central des statistiques.
La Knesset se prépare à voter le budget 2023-2024 avec 484,8 milliards alloués cette année et 513,7 milliards pour l’année prochaine contre 452,5 milliards en 2022.
Par ailleurs, la coalition cherche aussi à trouver le moyen de faire avancer son plan controversé de refonte du système de la justice israélien qui, selon ses partisans, apportera une correction nécessaire à un déséquilibre entre les pouvoirs et qui, pour ses critiques, pourrait potentiellement signer l’arrêt de mort de la démocratie israélienne.
Sharon Wrobel a contribué à cet article.