Scènes de liesse en Cisjordanie alors qu’Israël relâche 110 prisonniers
L’ex-chef des Brigades Al-Aqsa, auteur d’attentats meurtriers, a été accueilli par des centaines de personnes à Ramallah ; 66 prisonniers envoyés en Cisjordanie, 14 à Jérusalem-Est, 9 à Gaza, 21 exilés

Israël a relâché 110 prisonniers sécuritaires palestiniens jeudi, selon l’administration pénitentiaire israélienne (IPS), quelques heures après la libération de trois otages israéliens par le groupe terroriste palestinien Hamas, dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu et d’échange d’otages en cours. Cette libération a été confirmée par les autorités israéliennes et palestiniennes.
Selon Amin Shuman, chef du comité chargé des affaires des prisonniers palestiniens à Ramallah, 66 sont arrivés en Cisjordanie, 21 ont été expulsés, 14 ont été transférés à Jérusalem-Est et neuf à Gaza.
Les prisonniers ont été relâchés dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, entré en vigueur au début du mois et intervient suite à la libération par le Hamas et son allié, le Jihad islamique palestinien, d’Agam Berger, 20 ans, de Arbel Yehoud, 29 ans, et de Gadi Mozes, 80 ans, tous trois enlevés lors du pogrom perpétré dans le sud d’Israël par le Hamas le 7 octobre 2023.
Les détenus envoyés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ont été libérés de la prison d’Ofer, près de Ramallah, a indiqué l’IPS. Les autres prisonniers ont été relâchés de la prison de Ktziot, dans le sud d’Israël, avant d’être transférés au point de passage de Kerem Shalom, à la frontière égyptienne, en direction de Gaza.
« Les troupes de l’administration pénitentiaire agissent pour libérer les terroristes conformément à l’accord diplomatique pour le retour des otages, en coordination totale avec tous les services de sécurité », a déclaré l’IPS dans un communiqué.
Mais à l’arrivée des deux bus transportant les prisonniers libérés, les policiers palestiniens ont eu du mal à retenir la foule, selon un correspondant de l’AFP sur place.
Des coups de feu ont été tirés en guise de célébration. Plusieurs Palestiniens ont scandé des slogans pro-Hamas et d’autres ont agité le drapeau vert du groupe terroriste islamiste palestinien qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007.
Des échauffourées ont éclaté alors qu’un convoi de bus transportant des prisonniers quittait à la tombée de la nuit la prison d’Ofer, en Cisjordanie. Des adolescents palestiniens ont jeté des pierres à l’extérieur du complexe et les troupes israéliennes ont tiré des gaz lacrymogènes pour tenter de disperser la foule.

Le Croissant-Rouge palestinien a indiqué que trois Palestiniens avaient été blessés par des tirs israéliens lors des affrontements. L’organisation a précisé que l’armée avait eu recours à des armes à feu et des grenades incapacitantes pour évacuer la zone.
Tsahal a déclaré jeudi que ses troupes opéraient en Cisjordanie pour empêcher les célébrations en l’honneur des prisonniers libérés. L’armée a procédé à des « arrestations préventives » et a largué des tracts exhortant la population à ne pas participer aux festivités, selon un communiqué.
Les soldats ont également saisi des drapeaux de groupes terroristes et d’autres objets destinés aux rassemblements, a ajouté Tsahal.
À Ramallah, plusieurs centaines de Palestiniens se sont massés devant un centre communautaire pour accueillir une trentaine de prisonniers libérés. Organisé par les municipalités de Ramallah et d’al-Bireh. La foule en liesse a brandi des drapeaux palestiniens, ainsi que des emblèmes du Fatah et du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).

Des femmes vêtues de robes palestiniennes traditionnelles ont exprimé leur joie par des ululations, tandis que des hommes scandaient « Nous sacrifions nos âmes et notre sang pour vous », selon l’agence Reuters.
« Aujourd’hui est un jour historique pour le peuple palestinien », a déclaré un vieil homme portant un keffieh, sous les acclamations de la foule.
La libération de terroristes notoires
De nombreux participants brandissaient des pancartes affichant les noms et les visages des prisonniers qui allaient être libérés, au premier rang desquels Zakaria Zubeidi, ancien chef des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa à Jénine, connu pour avoir orchestré des dizaines d’attentats pendant la seconde Intifada.

En 2021, Zubeidi s’était évadé avec cinq autres prisonniers d’une prison de haute sécurité dans le nord d’Israël, une fuite qui a renforcé son statut de héros populaire parmi les Palestiniens. Les six prisonniers ont été recapturés quelques jours plus tard.
Le crâne rasé, souriant et faisant le V de la victoire, il a été porté en triomphe par la foule à sa descente du bus de la Croix-Rouge l’ayant accompagné de la prison militaire israélienne d’Ofer jusqu’à Ramallah, en Cisjordanie.
L’ex-détenu qui portait toujours son survêtement gris de prisonnier, a embrassé des bébés et serré la main des gens.
Parmi les prisonniers libérés jeudi figurait Mohammad Abou Warda, condamné à 48 peines de prison à perpétuité pour avoir orchestré plusieurs attentats terroristes, notamment un attentat à la bombe en 1996 contre un bus à Jérusalem, qui avait fait 45 morts.
Un autre terroriste relâché dans le cadre de l’accord, Sami Jaradat, est à l’origine d’un attentat à la bombe perpétré en 2003 dans un restaurant de Haïfa, qui a fait 21 morts.
Abu Warda et Jaradat devaient être envoyés dans la bande de Gaza ou en Égypte.
Parmi les prisonniers envoyés en Cisjordanie figure Amar Mardi, un membre jordanien du Fatah impliqué dans l’assassinat, en 2001, de Yuri Gushchin, 18 ans, près de Ramallah.
Initialement prévu pour être libéré samedi dernier, il avait refusé de quitter la prison, après avoir appris qu’il devait être expulsé vers Gaza, par crainte pour sa sécurité dans l’enclave contrôlée par le Hamas.
Un complot d’assassinat contre Ben Gvir
Rashid Rashak, également été relâché de prison jeudi est un terroriste, dont le projet d’assassinat de l’ancien ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, avait été déjoué par les forces de sécurité en 2022.
Résident de la Vieille Ville de Jérusalem, Rashak, alors âgé de 23 ans, avait également été accusé d’avoir mis en place un réseau de partisans du Hamas, coordonnant des émeutes sur le mont du Temple.
Il avait déjà purgé une peine de prison entre 2014 et 2016, après avoir été reconnu coupable d’avoir participé à une attaque à l’arme blanche lorsqu’il avait 15 ans.

Ben Gvir, qui a quitté le gouvernement en raison de son opposition à l’accord de cessez-le-feu, a vivement réagi à l’annonce de la libération de son assassin potentiel.
« La libération du terroriste Rashid Rashak, qui projetait de m’assassiner et de commettre d’autres attentats dans la Vieille Ville de Jérusalem, témoigne de la faillite morale d’une capitulation et d’un accord irréfléchi », a-t-il déclaré jeudi.

La chaîne N12 a rapporté que de nombreux prisonniers libérés étaient affiliés au Fatah, la faction qui contrôle l’Autorité palestinienne (AP) basée à Ramallah. Selon la chaîne, ces libérations interviennent à un moment où le Hamas chercherait à renforcer sa légitimité auprès de la population palestinienne après le pogrom et le massacre du 7 octobre.
Selon le Club des prisonniers palestiniens, 30 des prisonniers libérés seraient mineurs.
Les prisonniers palestiniens ont été relâchés quelques heures après que le groupe terroriste Hamas a libéré les Israéliens Agam Berger, Arbel Yehoud et Gadi Mozes, ainsi que cinq citoyens thaïlandais – Pongsak Thenna, Sathian Suwannakham, Watchara Sriaoun, Bannawat Seathao et Surasak Lamnau – retenus en otage depuis le 7 octobre 2023.

Les travailleurs thaïlandais, qui étaient employés dans le secteur agricole en Israël, avaient également été enlevés lors du pogrom perpétré par le Hamas.
Les Thaïlandais ont été libérés en dehors du cadre de l’accord conclu avec Israël, et aucun prisonnier n’a été remis en échange de leur liberté.
La libération des prisonniers palestiniens a été retardée après qu’Arbel Yehoud et Gadi Mozes ont été contraints de marcher au milieu d’une foule déchaînée lors de leur remise à la Croix-Rouge à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Face à ces scènes chaotiques, Israël a annoncé qu’il ne libérerait plus de prisonniers « tant que la sécurité des otages ne serait pas garantie lors des prochaines libérations ».

Environ une heure plus tard, Israël a indiqué avoir reçu des garanties de la part des médiateurs assurant que de telles scènes ne se reproduiraient pas.
« Suite à la demande du Premier ministre [Benjamin] Netanyahu, les médiateurs ont pris l’engagement de garantir un passage sûr à nos otages lors des prochaines libérations », a indiqué un communiqué du bureau du Premier ministre.
L’AFP a contribué à cet article.