Si Yitzhak Rabin avait survécu
Il a été le dirigeant exceptionnel de sa génération et Israël ne s’est jamais remis de sa perte. Mais même avec Rabin, je suis moins que certain que tout ne serait que paix et joie dans nos contrées
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Si Yitzhak Rabin avait survécu, j’aimerais croire qu’il aurait fait la paix avec les Palestiniens mais je n’en suis pas totalement convaincu.
Que ce soit lors d’une interview de 2013 pour la Deuxième chaîne diffusée pour la première fois la semaine dernière ou lors de son discours samedi soir dernier au cours du rassemblement commémorant le vingtième anniversaire de l’assassinat de Rabin, Bill Clinton a exprimé la certitude présidentielle que Rabin aurait conclu un accord permanent avec les Palestiniens. Shimon Peres, l’éternel adversaire de Rabin, s’est montré tout aussi catégorique dans une interview cette semaine : « Je suis certain que, s’il avait été encore en vie, il aurait fait la paix avec les Palestiniens… ».
Eh bien avec tout le respect que je dois à Clinton et à Peres, le fait est que, malheureusement, Yasser Arafat – qui, selon Clinton, faisait confiance à Rabin et était même « un peu intimidé par lui » – ne lui faisait pas assez confiance, n’était pas assez intimidé ou pas assez impliqué dans le processus de paix pour mettre un terme au terrorisme palestinien, même quand ils se serraient tous la main lors de divers accords intérimaires.
Comme Dalia Rabin l’a nettement fait remarquer lors de mon récent entretien avec elle, « Les vagues de terreur ont indubitablement endommagé le processus de paix… (et) j’ai le sentiment que (Rabin) n’aurait pas laissé cela continuer. Il y aurait eu un moment où il aurait décidé : ‘Nous sommes dans un processus progressif. Evaluons ce que nous avons accompli et le prix que cela nous a coûté.’ Il n’aurait pas mis fin à Oslo mais il aurait fait ce qu’Oslo lui a permis de faire : considérer ces accords en tant que tels et évaluer leur efficacité ».
Eitan Haber, le plus proche collaborateur de Rabin que j’ai interviewé il y a deux ans, m’avait semblé également un peu moins que convaincu. Il m’avait donné toute une série de réponses quelque peu ambiguës, y compris cette phrase lugubre : « Je ne crois pas une seule seconde qu’Arafat était un partenaire et je ne suis pas du tout sûr que Rabin croyait qu’il l’était ».
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Si Yitzhak Rabin avait survécu, j’aime à penser qu’il serait au moins resté quelque temps au pouvoir. Il était le dirigeant le plus remarquable de sa génération, c’était un homme d’expérience et sage mais avec assez de personnalité et de volonté pour extraire le meilleur pour son pays et le meilleur de son pays.
Mais je ne pense pas qu’on puisse être sûr qu’il aurait remporté l’élection suivante.
Il confortait la légitimité internationale d’Israël, il ouvrait des portes partout, depuis la lointaine Chine jusqu’au proche Jourdain. Il remettait de l’ordre dans les priorités nationales, encourageait le financement de l’éducation, il réaffectait les ressources pour favoriser l’égalité entre la population arabe d’Israël et les Juifs.
Mais le terrorisme qui a accompagné les efforts de paix a eu raison de sa popularité et il était contre un adversaire politique puissant en la personne de Benjamin Netanyahu.
Ce dernier était si fort que, quelques mois à peine après l’assassinat, alors même qu’Israël titubait d’horreur devant cette mort, le dirigeant du Likud avait réussi à tenir Peres en échec, alors même que ce dernier était le Premier ministre par intérim et l’héritier naturel de Rabin.
Au lendemain de l’assassinat, Netanyahu était politiquement néfaste, étant le chef du camp de la frange la plus radicale d’où était issu un assassin.
Mais Netanyahu a remporté la victoire avec 29 457 votes à l’issue d’un scrutin à suspense. Les quatre attentats suicides de février et mars 1996 ont manifestement réussi à persuader une petite majorité d’Israéliens pleurant Rabin et un pays qui avait pu porter son assassin que la solution d’Oslo, la solution d’Arafat, était un désastre sanglant.
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Si Yitzhak Rabin avait survécu et qu’il était resté au pouvoir, il y aurait eu moins de négociations et certainement plus d’action pour empêcher le programme nucléaire de l’Iran.
La relation entre Israël et son indispensable allié américain aurait été meilleure.
Il n’y aurait pas eu de place pour l’ambiguïté pour le maintien de l’épineux sujet du statu quo au mont du Temple, pas de discours ridicule au sujet du mufti palestinien qui aurait inspiré l’Holocauste et aucune démagogie au sujet de l’accès des Arabes israéliens aux urnes.
Le pragmatisme aurait été le maître mot dans l’entreprise des implantations. Maudit par l’assassinat d’Yitzhak Rabin, l’Israël moderne a également été maudit par un mauvais timing en matière de direction politique et de possibilité. Peut-être que le trio Clinton, Rabin et Abbas aurait réussi là où Clinton, Rabin et Arafat ont échoué.
Mais ce n’est qu’un peut-être. (Je parle ici d’un Mahmoud Abbas plus jeune et inspiré, pas de l’échec brisé qui préside aujourd’hui des dirigeants incitant stratégiquement leur peuple à la violence contre les Juifs). Mais Arafat le fourbe était avec nous jusqu’en 2014, année où Rabin aurait eu 82 ans. Il est plus qu’improbable de l’imaginer rester au pouvoir assez longtemps pour survivre à Arafat.
Maudit par l’assassinat d’Yitzhak Rabin, Israël ne s’est jamais remis. C’est un pays merveilleux plein de personnes motivées, travaillant dur et ayant un grand esprit d’innovation, faisant preuve d’une volonté de fer pour lutter contre un sort défavorable dans une partie du monde spectaculairement dangereuse et bénéficiant d’un soutien radicalement inadéquat de la part d’une communauté internationale hypocrite.
Mais le pouvoir politique post-Rabin a trop souvent été sur la défensive, paralysé et lugubre.
Ses chefs spirituels les plus extrêmes prétendent toujours connaître la volonté de Dieu.
Et sa frange radicale ne recule devant rien.
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Finalement, si Yitzhak Rabin avait survécu, si le plan d’Yigal Amir avait été déjoué avant le 4 novembre 1995, nous ne pouvons pas nous permettre d’être sûr, dans notre Israël sauvage et fiévreux, qu’un autre extrémiste n’aurait pas surgi pour l’assassiner.
Vingt ans après cette terrible nuit sur la place, voilà l’une des ombres les plus noires qui planent encore au-dessus de nous.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel