Sortie posthume d’un album de rap composé par Aner Shapiro, tué le 7 octobre
Famille et amis ont rendu hommage à l'héroïsme du sergent et à sa musique dans une vidéo avec le rappeur de Hadag Nahash, Shaanan Streett
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Le prénom Aner – trois lettres en hébreu, le « ayin » étreignant un « noun » plus petit et un « resh » dans un épais gribouillage noir – est partout dans Jérusalem. Tagué sur les murs, visible sur des autocollants blancs collés sur des poteaux téléphoniques, griffonnés sur des panneaux un peu partout dans la ville.
C’est ainsi qu’Aner Elyakim Shapiro, soldat, mélomane, artiste et rappeur, écrivait son nom.
Sa famille et ses amis ont rendu hommage à ce héros avec sa musique, dans un mini-album posthume intitulé « Anerchism ».
Shapiro venait de composer et produire cinq morceaux, avant d’être tué par des terroristes du Hamas, le 7 octobre. Le fait qu’il ait sauvé la vie de 10 personnes a fait de lui l’un des principaux héros de cette journée.
Le sixième morceau de l’album – « Hatred of Brothers » – a été produit avec le rappeur et producteur Avery G. et le rappeur Shaanan Streett, de Hadag Nachash, qui a écrit et enregistré un dernier couplet.
La vidéo de « Hatred of Brothers » a été tournée à Jérusalem le mois dernier, avec pour protagonistes les amis et proches de Shapiro, dans la ville où il était né et avait grandi – ville qu’il aimait, qui le faisait rêver et dont il parlait souvent, comme l’a écrit la famille de Shapiro.
On aperçoit brièvement Shapiro dans cette vidéo, avec ses parents, ses frères et sœurs et ses amis, là où il aimait passer du temps et voir ses amis.
À la fin de la vidéo, Streett, un autre rappeur amoureux de Jérusalem, interprète le dernier couplet dans un petit bar populaire du centre-ville nommé Hasira.
Assis au bar, Streett explique en rappant qu’il a gardé un siège à ses côtés pour Aner et son meilleur ami, Hersh Goldberg-Polin, l’un des 130 otages enlevés le 7 octobre. Hersh est toujours séquestré à Gaza.

Shapiro et Goldberg-Polin se trouvaient à la rave dans le désert Supernova, le 7 octobre, lorsque des terroristes du Hamas ont attaqué.
Sergent de la brigade Nahal, Shapiro était en permission cette semaine-là. Lorsque l’attaque terroriste a commencé, Shapiro et ses amis sont partis. Son commandant lui a donné l’ordre de se rendre dans une base militaire voisine, mais il n’est jamais arrivé.
Le petit groupe d’amis a couru vers un abri de campagne dans lequel s’entassaient déjà 24 personnes, sous les tirs des terroristes.
Shapiro est resté à l’entrée de l’abri, a pris les choses en main et entrepris de calmer les gens. Lorsque les terroristes lançaient des grenades en direction de l’abri, Shapiro les attrapait et les repoussait.

Il a intercepté sept grenades avant d’être tué par la huitième, qui lui a explosé dans les mains, après quoi les terroristes ont pénétré dans l’abri, abattu un certain nombre de personnes et pris des otages, parmi lesquels Goldberg-Polin, dont l’avant-bras droit a été arraché ce jour-là.
L’héroïsme dont a fait preuve Shapiro a permis de sauver 10 personnes.
« Il a fini sa vie en héros, en chef courageux et intrépide : c’est ainsi qu’on se souviendra de lui », ont déclaré ses proches.
Ils aimeraient faire connaître et appeler à se souvenir de leur ami et fils, ce musicien, rappeur, artiste, « passionné par les gens et la justice, épris de justice sociale, philosophe au grand cœur et aux grands yeux curieux », ont-ils écrit dans leur communiqué.

Le rêve de Shapiro était de produire ses morceaux et de partager ses points de vue avec la société grâce à ses morceaux – et de contribuer ainsi à changer le monde qui l’entoure.
A sa mort, le rappeur originaire de Jérusalem Amit Adash a contacté le rappeur et producteur Avery G.
Shapiro connaissait et appréciait le travail d’Avery, tout comme il était fan de Hadag Nachash et Streeett. Les deux rappeurs ont immédiatement décidé de participer à ce projet.
« C’est difficile d’écouter des titres aussi incroyables en sachant qu’il est parti et qu’il ne pourra plus les interpréter », a déclaré Avery G. « Je suis conscient de la responsabilité qui est la mienne et qui consiste à le faire connaitre de la meilleure manière qui soit. Je suis plein de reconnaissance d’avoir eu le privilège de connaitre les morceaux puissants de cette grande âme : Aner Shapiro. J’ai fait de mon mieux : j’espère que le résultat lui aurait plu. »
La famille et les amis de Shapiro souhaitent continuer à travailler à d’autres titres avec Avery G afin de finaliser un double album.
Le site Internet d’Aner Shapiro donne à entendre sa musique et à voir ses créations artistiques. Les profits serviront à diffuser son oeuvre, produire le double album et créer un centre musical pour les jeunes, le rêve de Shapiro.
Le 28 mars, la Maison Hansen de Jérusalem accueillera le lancement de l’album de Shapiro « Anerchism ».