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Sur Facebook, Mothers Against College Antisemitism compte déjà 49 400 membres et ce n’est pas fini

Inspiré de Mothers Against Drunk Driving, ce petit collectif de mères juives américaines est aujourd'hui une communauté en plein essor

Des affiches des certaines de personnes enlevées par le Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, sur un poteau devant l'Université de New York (NYU) alors que les tensions entre les partisans de la Palestine et d'Israël augmentent sur les campus universitaires du pays, le 30 octobre 2023, à New York. (Crédit : Spencer Platt/Getty Images/AFP)
Des affiches des certaines de personnes enlevées par le Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, sur un poteau devant l'Université de New York (NYU) alors que les tensions entre les partisans de la Palestine et d'Israël augmentent sur les campus universitaires du pays, le 30 octobre 2023, à New York. (Crédit : Spencer Platt/Getty Images/AFP)

JTA — Elizabeth Rand constatait la multiplication des incidents, ce mois-ci, dans les universités auxquelles son fils envisageait de postuler lorsqu’elle a senti qu’il lui fallait faire quelque chose.

Depuis longtemps administratrice d’un groupe Facebook pour les personnes intéressées par la Shoah, Rand connaissait déjà bien le pouvoir de la communauté en ligne. L’avocate new-yorkaise, qui a un fils en dernière année de lycée, a donc créé un nouveau groupe Facebook pour des mères comme elle.

Quelques jours seulement après son lancement, le 26 octobre dernier, Mothers Against College Antisemitism était saturé de messages venus de tout le pays exprimant de l’inquiétude envers ce qui se passe dans les universités depuis l’attaque brutale du Hamas contre Israël, le 7 octobre, qui a fait 1 400 morts, principalement des civils et des familles, sans compter les 240 otages et la guerre qui en a résulté.

Les mères se sont encouragées à partager les informations concernant l’établissement de leur enfant. Elles ont téléchargé des photos, prises par leurs enfants, d’activités ou d’affiches qu’ils trouvaient dérangeantes. Certaines font l’éloge de l’établissement de leurs enfants qui, disent-elles, soutiennent Israël. Plusieurs d’entre elles ont proposé d’ouvrir leur porte aux étudiants juifs qui ne se sentent pas en sécurité sur leur campus.

Vendredi, le groupe comptait plus de 42 000 membres, tous exprimant leurs propres angoisses, au moment où la Maison Blanche dénonçait un regain d’incidents antisémites « absolument hors de proportions » et s’engageait à proposer un plan pour les combattre.

« Je suis totalement abasourdie par tout cela : je ne sais pas du tout quoi en faire », confiait Rand à la Jewish Telegraphic Agency, mercredi. « Je reçois des messages toute la journée, tous les jours. J’ai un travail par ailleurs – ce n’est pas comme si je pouvais tout laisser tomber et me consacrer entièrement à ça. »

Des messages sur lesquels on peut lire « Gloire à nos martyrs » et « Désinvestissement du génocide sioniste maintenant », ainsi que d’autres, sont projetés sur un bâtiment du campus de l’Université George Washington à Washington, le 24 octobre 2023. (Crédit : StopAntisemitism via X)

Rand a commencé à prendre des mesures pour faire des membres de ce groupe un véritable mouvement. Elle a recruté un responsable de la communication, nommé une équipe d’administratrices et de modératrices, et organisé une réunion avec des membres dotées de connaissances en matière juridique et de bénévolat. Pour l’instant, toutes ces personnes le font bénévolement. Son objectif, dit-elle, est de former une entité juridique, de manière à représenter les étudiants lésés par l’antisémitisme sur leur campus.

Si Mothers Against College Antisemitism entre dans la sphère légale, il aura de la compagnie. Le Brandeis Center for Human Rights Under Law et le Lawfare Project utilisent tous deux les litiges et plaintes fédérales pour faire pression sur les universités afin qu’elles répondent de manière plus franche à l’antisémitisme sur leur campus. Ils ont tous deux annoncé leur intention d’intenter une action en justice pour des incidents qui ont eu lieu le mois dernier. D’autres groupes de défense pro-Israël ont déposé de semblables plaintes fédérales.

« Faut-il s’associer à un groupe préexistant ? S’agréger à eux ? Je n’en sais rien », admet Rand. « Vous savez, j’ai commencé tout ça il y a moins d’une semaine : je suis loin d’avoir toutes les réponses. »

De nombreuses organisations se sont déjà lancées dans la collecte de preuves et la lutte contre l’antisémitisme sur les campus. En plus des organisations de défense juridique, l’Anti-Defamation League et Hillel International se sont associés pour répertorier les incidents, adoptant un processus qui, selon eux, fait le distinguo entre sentiment pro-palestinien et activité antisioniste ou antisémite. Sur le terrain, les sections Hillel – au service des étudiants juifs sur 850 campus – les aident à faire face à un climat particulièrement difficile.

Des manifestants se rassemblent avec des pancartes près de la bibliothèque Butler sur le campus de l’université Columbia dans le quartier de Morningside Heights à New York, le 8 octobre 2023. (Crédit : AP Photo/Ted Shaffrey)

Et Jewish on Campus, fondé par un étudiant à l’été 2020, utilise lui les témoignages des étudiants pour lutter contre l’antisémitisme sur le campus. Ce groupe présente certaines similitudes avec Mothers Against College Antisemitism : il a également commencé sur les réseaux sociaux, pour répondre à un moment d’anxiété et n’a obtenu le soutien ou l’expertise d’une organisation établie que plus tardivement.

Julia Jassey, fondatrice et directrice de Jewish on Campus, dit comprendre l’engouement rapide pour Mothers Against College Antisemitism. Elle constate l’anxiété des parents, au sein de sa propre famille, car sa sœur cadette s’inscrit à l’université cette année.

« Les parents s’inquiètent pour leurs enfants, pour leurs enfants qui postulent à l’université, pour leurs enfants qui sont d’ores et déjà à l’université », dit-elle. « Les gens ne savent pas quoi faire. Ils veulent aider, mais ils se sentent impuissants. »

Jassey estime que ce sont les étudiants juifs, et non leurs parents, qui sont les mieux à même de sensibiliser à l’antisémitisme sur leur campus. Elle pense que les parents qui prennent des décisions de long terme pour leurs enfants, concernant l’inscription à l’université, en fonction de ce qui se passe sur les campus en ce moment – ce que certains membres du groupe disent faire -, pourraient se fourvoyer.

« La dernière chose que je dirais à un parent ou à un élève, c’est de ne pas aller dans telle école parce qu’elle est antisémite. Tout ce que cela fera, c’est de nous exclure des lieux où nous voulons pourtant être », explique Jassey. « Il est réellement plus important que, lorsque les élèves vont à l’école, ils sachent ce qu’est l’antisémitisme, comment le combattre et quoi faire lorsqu’ils en sont victimes. »

Un homme vêtu d’un treillis s’adresse à une foule de partisans pro-palestiniens lors d’une manifestation anti-américaine et anti-israélienne devant le consulat américain à Johannesburg, le 4 novembre 2023. (Photo de MARCO LONGARI / AFP)

L’arrivée de Mothers Against College Antisemitism met en évidence l’importance du phénomène actuel, avec des incidents sur les campus qui se déploient à un rythme implacable, qui a peut-être mobilisé une nouvelle génération de militants contre l’antisémitisme. Certaines membres du groupe sont déjà affiliées à des organisations juives actives sur les questions d’antisémitisme, mais nombre d’entre elles admettent ne jamais avoir pensé que l’antisémitisme pourrait être un problème pour leurs enfants en âge d’aller à l’université.

Rand est d’ailleurs l’une d’entre elles. Elle avoue qu’avant le 7 octobre, date à laquelle le Hamas a envahi Israël et massacré des civils sur plusieurs fronts – comme les 260 fêtards abattus dans une rave dans le désert –, ce qui a déclenché une guerre ainsi que de fortes réactions internationales contre Israël, elle n’avait jamais été active dans la lutte contre l’antisémitisme. Malgré tout, en sa qualité de personne intéressée par la Shoah, elle était bien consciente de ses conséquences.

Elle dit que ce sont les messages pro-palestiniens projetés sur le mur d’une bibliothèque de l’Université George Washington – « Gloire aux martyrs » – qui l’ont convaincue de faire quelque chose. Les images de manifestants étudiants portant des pancartes montrant des drapeaux israéliens dans des poubelles l’ont renforcée dans cette voie.

« C’est très simple : vous ne voulez pas que votre enfant aille à l’école pour y voir une étoile de David jetée à la poubelle », explique-t-elle. « Vous ne voulez pas davantage payer pour cela. Vous ne voulez pas donner 60 ou 80 000 $ par an pour voir cela. C’est proprement scandaleux. »

Samuel Winkler porte un collier en forme d’étoile de David et un ruban bleu lors d’une visite du secrétaire à l’Éducation Miguel Cardona à l’Université de Towson pour parler de l’antisémitisme sur les campus, le 2 novembre 2023, à Towson, dans le Maryland. (Crédit : AP Photo/Julia Nikhinson)

Pour Rand, tout ceci donne le vertige et elle dit qu’elle « fait les choses au fil de l’eau ». Elle dit s’inspirer de l’exemple de Mothers Against Drunk Driving, fondé en 1980 par une mère dont la fille a été grièvement blessée par un conducteur ivre. (Et qui mourra plus tard des suites de ses blessures.) Ce groupe a joué un rôle déterminant dans le relèvement de 18 à 21 ans de l’âge minimal pour consommer de l’alcool aux États-Unis, et les décès liés à la conduite en état d’ébriété ont fortement chuté dans le sillage de son action.

« Ce n’était qu’un groupe de mères tout à fait ordinaires et elles ont vraiment changé le monde », explique Rand. « En plus de changer la loi fédérale, elles ont rendu socialement inacceptable l’alcool au volant. Je suis assez âgée pour me souvenir de l’époque où ce n’était pas le cas. Je veux pour ma part rendre socialement inacceptable le fait d’afficher la haine des Juifs sur les campus universitaires. »

Les publications du groupe offrent un aperçu de la façon dont ses membres souhaitent faire pression. Certaines publient des photos de leurs réponses aux demandes de dons, dans lesquelles elles expliquent qu’elles ne donneront pas à une école qu’elles estiment soutenir l’antisémitisme – sorte de version low cost des boycotts annoncés par certains donateurs de tout premier plan. D’autres invitent les membres du groupe à signer des pétitions et des lettres ouvertes pour exiger que les universités condamnent le Hamas et renforcent les mesures de sécurité autour des étudiants juifs. Un système d’évaluation de l’antisémitisme au sein des universités, basé sur ce qui les informations données par le groupe, est en cours de formalisation.

Les débats entre les membres du groupe soulignent également la rapidité avec laquelle d’anciennes lignes de fracture se reconstituent, en particulier sur la question de savoir si les manifestations pro-palestiniennes pacifiques ou les critiques virulentes d’Israël doivent être tolérées.

Un échange qui a eu lieu jeudi soir l’illustre parfaitement. « Princeton a organisé un énorme rassemblement appelant à une Intifada. Qui puis-je contacter ? », a écrit une membre. Une autre lui a répondu : « Princeton a également organisé un séminaire ProHamas. Mais des sources intérieures au campus m’assurent que les étudiants se sentent en sécurité et bien pris en charge. Est-ce qu’il s’est passé autre chose ? »

Université de Princeton. (Crédit : Flickr Commons)

Emma Law-Oppman, une mère de famille de l’Indiana qui a suivi une formation d’avocate, est l’une des quatre administratrices triées sur le volet par Rand pour surveiller et gérer cette vague d’activité.

Contrairement à Rand, Law-Oppman est membre d’une synagogue et active au sein d’organisations juives, notamment le Conseil des relations de la communauté juive d’Indianapolis et le Hillel de son alma mater, l’Université Butler. A ses yeux, l’antisémitisme sur les campus est un problème depuis longtemps. C’est pour cette raison qu’elle s’est empressée de rejoindre le groupe même si son unique enfant n’a que 4 ans.

« Ils seront aussi les enseignants de mon fils. Ils construisent le monde dans lequel mon fils va vivre », explique-t-elle à propos des étudiants qu’elle a vus sur les réseaux sociaux appeler à la destruction d’Israël ou refuser les critiques du Hamas. « Et ça me fait peur, franchement. »

Les administratrices ont élaboré des règles pour le groupe et font en sorte d’exploiter son énergie, suggérant chaque jour une action spécifique pour ses membres, comme signer une pétition de l’ADL ou envoyer des SMS à leurs Représentants pour appeler à la condamnation de l’antisémitisme sur les campus par le Congrès, adoptée mercredi soir. « Si 40 000 personnes appellent un gouverneur d’État, ou 40 000 personnes appellent une administration scolaire, ou 40 000 personnes lisent un e-mail, ou 40 000 personnes font quoi que ce soit, c’est difficile à ignorer », souligne Rand.

Les modératrices font également leur possible pour supprimer les messages qui, selon elles, divisent indûment les membres du groupe. « Ce qui est important, pour le moment, c’est de se concentrer sur une action sociale concrète et positive », résume Law-Oppman. « Nous avons été très claires sur le fait que nous ne tolérons aucune manifestation de haine, sectarisme ou luttes politiques intestines. Notre unique objectif est d’aider nos enfants et les protéger contre la haine, l’ignorance et la violence. »

Law-Oppman pense que Mothers Against College Antisemitism pourrait être un utile complément à l’activisme étudiant.

« A l’université, les étudiants sont en train de prendre conscience de la relation qu’ils bâtissent avec leurs parents, en tant qu’adultes, du point où ils en sont dans leur propre vie d’adulte. Parfois, les parents ne reçoivent pas les informations de leurs enfants ». « Donc, si nous permettons aux parents de savoir ce qui se passe sur le campus sans avoir à le survoler en hélicoptère, c’est un cadeau que nous leur faisons. »

Law-Oppman pense que le groupe pourra mettre les étudiants en contact avec des conseils juridiques, y compris par le biais de groupes préexistants, ou être une source d’informations pour les familles qui tentent de comprendre comment réagir à l’antisémitisme qui sévit dans l’école de leurs enfants. Mais, selon elle, le groupe a d’ores et déjà un de ses premiers objectifs.

« C’est un endroit où les parents peuvent venir chercher le soutien émotionnel et la communauté dont nous avons tous besoin en ce moment », affirme-t-elle. « Je pense que la rapidité avec laquelle il s’est développé en est la preuve, non ? Nous sommes tous à la recherche de cette communauté. »

Des étudiants de l’Université Rutgers placent des bougies de façon à former une étoile de David, en solidarité avec Israël, le mercredi 25 octobre 2023 au Nouveau-Brunswick, dans le New Jersey (Crédit : AP Photo/Andres Kudacki)

Pour maintenir la cohésion de cette communauté, Rand est déterminée à ce que le groupe ne se fracture pas sur des questions telles que « l’antisémitisme est-il un problème plus important à droite ou à gauche », même si elle le voit la tendance gagner dans les messages.

« Il y a beaucoup de politique et j’aimerais que ça s’arrête », dit-elle. « Je n’ai pas envie de faire de la politique. Je suis au croisement de plein de choses … Je n’ai pas envie de m’engager dans cette voie. Je veux que nous restions concentrées sur ce qui est important, c’est-à-dire – me concernant – la sécurité des enfants. »

Rand est consciente que l’acronyme de son groupe ressemble à s’y méprendre à celui d’un autre mouvement résolument politique, y compris sur la question d’Israël. « A plusieurs reprises on m’a dit que l’acronyme du groupe MACA était trop proche de MAGA », a-t-elle écrit dans un message tard jeudi soir.

Mais elle estime que le nom de son groupe a déjà fait son chemin et qu’il survivra aux événements.

« Dans vingt ans, il y aura des étudiants qui n’auront jamais entendu parler de MAGA », a-t-elle écrit. « Mais avec un peu de chance, ils entendront parler de nous et sauront que nous sommes toujours là pour eux. »

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