Syrie : des archéologues polonais au chevet du Lion de Palmyre détruit par l’EI
Bartosz Markowski et Robert Zukowski ont décidé de se rendre en Syrie pour tenter de redonner vie à leur "bébé", une imposante statue de 15 tonnes
Lorsqu’ils ont restauré pour la première fois en 2005 le Lion de Palmyre, joyau de la cité antique syrienne, les archéologues polonais Bartosz Markowski et Robert Zukowski n’auraient jamais imaginé le retrouver en morceaux onze ans plus tard.
« Nous pensions préserver cette statue pour 200 ou 300 ans. Malheureusement, notre restauration aura à peine duré une décennie », affirme à l’AFP M. Markowski, à l’entrée du musée de Palmyre où se tenait l’imposante statue de 15 tonnes.
En mai 2015, le groupe ultraradical Etat islamique (EI) s’empare de la cité millénaire. Ses combattants détruisent ses plus beaux temples, plusieurs tours funéraires, le Lion de Palmyre et exécutent 280 personnes en 10 mois d’occupation avant d’être chassés par l’armée fin mars.
Après l’éviction de l’EI, M. Markowski, de l’Institut d’archéologie de l’université de Varsovie, a été le premier archéologue étranger à fouler le sol de Palmyre, une cité inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco.
Il a été interviewé par l’AFP à Palmyre lors d’une mission d’une semaine avec son collègue à la mi-avril dans la « Perle du désert syrien », dans le but d’évaluer les dégâts en vue d’une future restauration.
Cheveux et vêtements recouverts de poussière, M. Markowski numérote patiemment les morceaux éparpillées de la statue, appelé également le Lion al-Lât, du nom d’une déesse pré-islamique.
‘Notre bébé’
Robert Zukowski, de l’Institut d’archéologie et d’ethnologie de l’Académie polonaise des sciences, aidé par un ouvrier syrien, les transporte ensuite dans des caisses qui feront leur chemin vers Damas où s’effectueront les travaux de restauration. Leurs mains portent les marques de blessures de ce travail ardu.
« Ce lion, c’est notre bébé. Une relation sentimentale s’est tissée avec ce monument depuis que nous sommes venus en 2005 pour des travaux de restauration à Palmyre en 2005″, », confie M. Markowski.
Après le départ de l’EI, « nous avons décidé de revenir à l’invitation de la Direction des antiquités et des musées de Syrie », poursuit-il.
Le monument en pierre calcaire datant du premier siècle avant J.-C. avait été découvert en 1977 par une mission archéologique également polonaise dans le temple d’al-Lât.
« Nous avons décidé de revenir au plus vite quand nous avons vu les premières images de la statue (…) On s’est rendu compte que le lion était toujours là et qu’on pouvait faire quelque chose pour le sauver » malgré les dégâts, ajoute l’archéologue au visage fatigué.
M. Zukowski, lui, prend des dizaines de photos du lion pour les comparer aux clichés pris avant la destruction.
‘Deux héros’
« Je suis très fier de revenir, nous pouvons redonner vie à cette statue », affirme-t-il.
Il se dit confiant dans « l’expérience (…) acquise dans restauration du lion », une décennie auparavant.
« Seule la partie entourant la narine aura besoin d’ajouts », déplore-t-il.
Les deux Polonais n’ont pas pu visiter la ville antique, encore dangereuse car truffée de mines plantées par les jihadistes.
L’EI a amputé Palmyre de ses plus beaux temples, ceux de Bêl et Baalshamin, détruits à coups d’explosifs. Outre des tours funéraires uniques au monde, il a réduit en poussière son célèbre Arc de triomphe.
Quant à la partie résidentielle de cette oasis, elle reste comme une ville morte, malgré un timide retour des habitants.
« Dans cet endroit désertique, il n’y a que des soldats, quelques journalistes et des archéologues fous », plaisante M. Markowski.
Alors que le reste de la Syrie est toujours ravagée par la guerre, l’archéologue affirme avoir caché à son épouse qu’il se rendait dans cette cité. « Je lui ai dit que j’allais en Egypte, elle ne m’aurait pas laissé partir si elle avait su que je me rendais à Palmyre ».
Pour Maamoun Abdelkarim, directeur des Antiquités syriennes, les deux archéologues sont « deux héros », a-t-il dit à l’AFP.
M. Abdelkarim continue lui d’être en contact avec l’Unesco et différents experts d’Allemagne, d’Italie ou de Grande-Bretagne intéressés pour venir évaluer les dégâts.