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Tisha BeAv : De nombreux restaurants ouverts, certains en guise de protestation à la refonte

Derrière ces décisions illégales, le désir de lutter contre ce qui est vu comme un verrou religieux ou de compenser la baisse des bénéfices dans un contexte d'inflation

L'équipe du restaurant Shila s'affaire en cuisine à Tel Aviv, en Israël, en 2019. (Avec l'aimable autorisation du restaurant Shila)
L'équipe du restaurant Shila s'affaire en cuisine à Tel Aviv, en Israël, en 2019. (Avec l'aimable autorisation du restaurant Shila)

Contrairement à ce que stipule la loi, plusieurs restaurateurs de tout premier plan resteront ouverts mercredi soir, pour le début de Tisha BeAv, jour de deuil national juif, en signe de protestation contre la réforme judiciaire.

Ils se mettront donc en infraction avec la loi de 1997 et son amendement de 2002, qui leur enjoignent de fermer le mercredi soir, et ce jusqu’au lendemain matin, 5 heures, à l’occasion de Tisha BeAv. Les Juifs pratiquants jeûneront toute la journée en pleurant la destruction du Temple de Jérusalem, en 586 avant notre ère, puis son remplacement en 70 de notre ère.

Il est rare que les restaurateurs qui bravent la loi en fassent l’annonce avant Tisha BeAv, et s’ils l’ont fait cette année, c’est en guise de protestation.

La décision, assure un des chefs, est liée à la réforme judiciaire menée par le parti de droite Likud et les cinq partis religieux membres de la coalition.

Sharon Cohen, propriétaire de Shila, restaurant de poissons et fruits de mer de Tel Aviv très apprécié, ne fermera pas les portes le soir de Tisha BeAv, et ce, pour la première fois depuis son ouverture il y a de cela 18 ans, pour manifester contre ce qu’elle perçoit comme un surplus de pression religieuse qui accompagne le mouvement de réforme judiciaire.

« Je suis athée, mais jusqu’alors nous fermions pour Tisha BeAv en signe de respect pour les personnes religieuses », explique Cohen, 47 ans, au Times of Israel, ce mercredi.

« Mais ils ne nous rendent pas la pareille : le pacte est rompu, et je ne vois plus aucune raison de fermer boutique et renoncer à un jour d’activité. »

La réforme judiciaire démantèle les institutions supposées nous protéger contre la coercition religieuse, ajoute Cohen.

« Nous voulons un nouveau contrat social. Nous ne nous laisserons pas piétiner par ces fondamentalistes ».

Mais, note Cohen, certains membres de l’équipe de Shila ne sont pas d’accord avec ma décision et aimeraient que l’on ferme pour Tisha BeAv.

« Ceux auxquels cela pose problème se sont exprimés et nous en avons parlé. Mais le restaurant restera ouvert ».

Des convives bavardent dans le restraurant Shila a Tel Aviv, en Israël, en 2016. (Crédit : Shila)

Yuval Ben Neriah, chef et copropriétaire du restaurant Taizu de Tel Aviv, « demande à ses clients de venir dîner pour Tisha BeAv en signe de protestation », rapporte le journal Calcalist.

Itzik Hengal, propriétaire du restaurant Pastel à Tel Aviv, a rappelé dans une interview pour le Calcalist que son établissement jouxtait le tribunal de première instance de Tel Aviv et le musée de Tel Aviv.

« Par respect pour ces institutions, qui représentent la liberté et la créativité et sont garantes de la justice et de la démocratie, je me sens le devoir de défendre la liberté et les valeurs libérales, en permettant à quiconque le souhaite ce soir de venir dîner chez nous », a-t-il déclaré.

Avivit Priel, cheffe du restaurant Ouzeria à Tel Aviv, a déclaré à Time Out qu’elle « regrettait d’avoir pris la décision » de fermer ce soir, décision prise à la demande de son personnel.

Haaretz estime à une quarantaine le nombre de restaurants, la plupart situés à Tel Aviv, dont les propriétaires ont déclaré leur intention d’ouvrir pour Tisha BeAv.

Haim Cohen, célèbre chef et propriétaire du restaurant Yaffo Tel Aviv, a expliqué à Calcalist que son établissement serait également ouvert, « non pas en signe de protestation », mais pour lutter contre la baisse des marges bénéficiaires du fait de l’inflation – avant de revenir plus tard sur sa décision.

Le gouvernement est très critiqué pour avoir mis l’accent sur ses projets de lois controversés, destinés à affaiblir le système judiciaire, sans faire le nécessaire pour lutter contre les problèmes économiques croissants auxquels font face les citoyens.

« Les restaurateurs doivent se battre et travailler sans relâche pour rester ouverts. J’en suis là », avait-il déclaré.

Cohen a contesté l’idée qui voudrait que l’ouverture pour Tisha BeAv soit une provocation.

« Ce n’est que de la légitime défense. Me demander pourquoi je provoque les religieux, c’est comme demander à une victime de violences domestiques pourquoi elle essaie de se défendre », avait-il ajouté.

Il avait ensuite posté une story sur son compte Instagram pour dire qu’il revenait sur sa décision.

La loi punit d’amendes pouvant aller jusqu’à 2 600 shekels les entreprises qui enfreignent l’interdiction d’ouverture pour Tisha BeAv.

Les journaux de droite de la Quatorzième chaine et d’Israel National News ont dénoncé la décision de certains restaurateurs de rester ouverts, à l’opposé du magazine Time Out, qui s’en est réjoui et y voit la preuve qu’« il reste des libéraux ».

Reprenant les arguments des détracteurs de la réforme selon lesquels, au moment où les Juifs pleurent la destruction des deux anciens temples du fait de querelles intestines et d’intolérance, c’est bien la troisième incarnation du foyer national juif qui est menacée, le magazine invite ses lecteurs à « sortir dîner et s’opposer à la destruction du troisième temple, plutôt de penser à ceux qui l’ont précédé, au moment où des lois sont prises pour limiter les libertés dont jouissent les libéraux en Israël ».

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