« Toulouse 19 mars 2012 », un livre essentiel de Jonathan Chetrit, ancien élève
Alors qu’un grand hommage aux victimes sera organisé le mois prochain, l'ouvrage de Jonathan Chetrit nous replonge dans la brutalité de cet attentat minute par minute

Jonathan Chetrit avait 17 ans et était interne au lycée Ozar Hatorah de Toulouse, en classe de Terminale, lors de l’attentat qui a ébranlé la communauté juive et la France entière en 2012. Aujourd’hui diplômé du barreau de Paris, il a rassemblé différents témoignages au sujet de cette tragédie qui a initié la série d’attaques terroristes qui a touché la France jusqu’en 2015 et en a publié un livre, Toulouse 19 Mars 2012, l’attentat de l’école Ozar Hatorah par ceux qui l’ont vécu (Albin Michel), sorti mi-février.
Alors qu’un grand hommage aux victimes sera organisé le mois prochain, son ouvrage nous replonge dans la brutalité de cet attentat minute par minute. L’auteur narre ainsi son expérience, lui qui a vécu les meurtres au plus près et qui a protégé ce jour-là une quinzaine d’élèves, et celle de ceux qui se trouvaient sur les lieux comme lui en 2012 – et qui ont bien voulu témoigner, certains d’entre eux pour la première fois.
Expliquant avoir écrit ce livre pour rendre hommage aux victimes – l’enseignant Jonathan Sandler, ses enfants Arié (5 ans) et Gabriel (3 ans), et Myriam Monsonégo (9 ans), la fille du directeur –, il indique à France Bleu l’avoir aussi écrit pour « nous ». « Nous », ce sont « la France, mais aussi les élèves, les témoins, les victimes, qu’elles soient directes ou indirectes, pour leur laisser enfin la possibilité de parler, de raconter ce qu’ils ont vécu ce matin-là ».
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« J’ai ressenti l’urgence de mon côté d’écrire à ce sujet-là. Dans le cadre du Devoir de mémoire, il me semblait important, dix ans après, de pouvoir mettre en lumière cet événement qui, à mon sens, n’a pas forcément été assez mis en lumière au moment où ça s’est passé. Je pense que la brutalité, la violence de cet événement, mais aussi le fait que cet attentat a été l’un des premiers en France, finalement. En tout cas de la longue série qu’on a ensuite malheureusement connue, a malheureusement empêché à la France de prendre l’entière mesure de la gravité de cet événement. C’est pour ça que je tenais absolument à écrire ce livre », dit Jonathan Chetrit.
« C’était aussi donner la parole à ces élèves qui n’avaient jamais, pour certains, osé parler parce qu’ils ne se sentaient pas légitimes de le faire, parce qu’il y a toujours une question de légitimité quand on a vécu un tel drame. Est-ce qu’on peut en parler avec ses parents ? Est-ce qu’on ne peut en parler qu’avec des personnes qui l’ont vécu ? La question se pose réellement. Certains avaient pris le temps de décider, finalement, de ne jamais en parler ou en tout cas, ne se sentaient pas légitimes pour le faire avant ce livre. »
Le 19 mars 2012, l’adolescent était « présent au centre de la synagogue lorsque les coups de feu ont retenti pour la première fois », s’est-il remémoré.
« Sans comprendre d’abord ce qu’il se passait réellement. Et la CPE nous a ensuite avertis qu’un tireur était dans l’école. Au début, c’est la seule information que j’avais en ma possession. J’étais vraiment dans une sorte de flou, sans trop savoir s’ils étaient encore présents ou déjà repartis. Et j’ai donc pris l’initiative de me diriger vers la réserve avec un groupe d’élèves que j’ai accompagnés, qui étaient tous plus jeunes que moi. Et on s’est cachés dans cette réserve dans l’attente d’avoir une autorisation de la part de la police ou de toute autorité nous permettant de sortir de cette réserve. »
« C’est un moment très douloureux. Ce moment qu’on passe dans ce réfectoire où on est confiné, c’est un moment qui est très douloureux et qui marque un réel tournant dans la vie de tous les élèves qui étaient présents ce matin-là. Et je crois que la douleur était telle que nos réactions ont été très violentes aussi parfois », dit-il, alors qu’il s’est tapé la tête contre le mur – moment dont il ne se souvient pas – après être sorti de la réserve.
Livre dur et terrible, l’auteur apporte là un témoignage rare et indispensable pour la mémoire des victimes.