Trouvez l’erreur : les Etats-Unis critiquent Liberman mais restent silencieux devant l’éminence grise iranienne qui hait l’Amérique
L’administration ne dit mot alors que Téhéran crie “Mort à l’Amérique”, mais s’inquiète de l’arrivée d’un Liberman promettant la paix au gouvernement israélien. Allez comprendre
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Selon des politiciens importants restés anonymes cités par la Dixième chaîne israélienne vendredi soir, le pari du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour stabiliser sa coalition en faisant venir Yisrael Beytenu, et en nommant Avigdor Liberman ministre de la Défense, aura probablement un effet inverse. Le gouvernement pourrait bien s’effondrer, et nous pourrions nous diriger vers « de nouvelles élections dans les six prochains mois », ont prédit ces anonymes.
C’est la politique israélienne, où chaque heure qui passe peut rendre ridicule ce que vous pensiez savoir une heure auparavant. Il serait donc sage de ne pas se laisser emporter par de telles prédictions anonymes, mais il est facile de comprendre cette hypothèse. La mise à l’écart brutale de Moshe Yaalon, compétent, tempéré et loyal, en faveur de Liberman, inexpérimenté, intempestif et déloyal, a consterné tout le spectre politique, et pas uniquement les cercles de l’opposition.
Le parti HaBayit HaYehudi, qui fait partie de la coalition, a construit une crise à ce sujet, demandant une révision de la manière dont le cabinet de sécurité reçoit des informations en temps de guerre et de conflit, jurant de bloquer la nomination de Liberman s’il ne l’obtient pas.
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Le ministre de l’Ecologie du parti Koulanou, Avi Gabbay, a suivi l’exemple de Yaalon en démissionnant du gouvernement pour protester contre une manœuvre politique cynique de trop ; comme Yaalon une semaine avant lui, Gabbay a claqué la porte vendredi en prévenant que, sous cette coalition de plus en plus extrémiste, Israël se dirige vers la voie de la destruction.
Koulanou, un parti important pour la majorité de Netanyahu à la Knesset, est totalement déconfit par les évènements qui se déroulent, et essaie de persuader Isaac Herzog, de l’Union sioniste, de rentrer dans le gouvernement – en vain, puisque Herzog a été si blessé par son dernier effort pour négocier les termes d’un accord d’unité avec Netanyahu que sa position à la tête du parti est menacée comme jamais auparavant.
Dans les rangs du Likud, le propre parti de Netanyahu, les vagues de critique se succèdent. Le député Benny Begin s’est immédiatement dit horrifié par le remplacement de Yaalon par Liberman. Samedi, le vice-ministre Ayoub Kara a déclaré que l’ex-caporal Liberman, qui n’a jamais été combattant dans l’armée israélienne, ne convient tout simplement pas pour succéder à l’ancien chef d’Etat-major Yaalon.
Herzog a affirmé qu’il avait négocié avec Netanyahu, en prenant de grands risques pour sa carrière politique, parce qu’Israël a en ce moment une opportunité rare pour aller vers la paix régionale, mais que le Premier ministre, en le larguant pour Liberman, grossier, morne et résident d’une implantation, « avait fui » les compromis et les batailles politiques internes en comprenant ce qu’une telle opportunité aurait impliqué.
Et même les Etats-Unis ont pesé, le département d’Etat articulant ses préoccupations sur la direction d’Israël. Interrogé à propos du futur ministre de la Défense Liberman quelques heures après la signature du nouvel accord de coalition mercredi, le porte-parole Mark Toner a souligné que l’administration, bien sûr « travaillerait avec ce gouvernement comme nous l’avons fait avec tous les gouvernements israéliens précédents, dans l’objectif de renforcer notre coopération. »
Mais il s’est permis une petite incursion dans ce qui peut être considéré comme la politique israélienne interne. Toner a déclaré : « Des informations venues d’Israël décrivaient [le gouvernement] comme la coalition la plus à droite de l’histoire d’Israël. Et nous savons aussi que beaucoup de ses ministres ont dit qu’ils s’opposaient à la solution à deux Etats. Cela soulève des interrogations légitimes sur la direction que [le gouvernement] pourrait prendre et quel genre de politiques il pourrait adopter, mais au final, nous allons juger ce gouvernement sur ses actes. »
J’ai écrit ces derniers jours deux articles d’opinion critiquant l’éviction de Yaalon et son remplacement imminent par Liberman, et je ne serai pas surpris que le stratagème de Netanyahu soit perçu comme un tournant quand il s’agira de l’opinion qu’a l’électorat à propos du Premier ministre.
Mais je suis néanmoins frappé par les critiques de Washington – prononcées alors même que Liberman a promis pendant la cérémonie de signature de l’accord de coalition qu’il était « déterminé à engager une politique équilibrée qui apportera la stabilité à la région et à notre pays » ; il s’est même exprimé en anglais, en non en hébreu, pour promettre son engagement à « la paix et [à] un accord final, et à la compréhension entre nous et nos voisins ».
Ce qui en dit peut-être le plus à propos de la réponse de Washington est qu’elle a été si différente de la réponse de l’administration, le jour précédent, aux développements politiques spectaculaires en Iran – où, par coïncidence, le tenant d’une ligne dure a été élevé dans des circonstances quelque peu différentes à une position encore plus puissante.
Mardi, la veille de la signature de l’accord entre Netanyahu et Liberman, l’Assemblée des experts iranienne a choisi l’ayatollah Ahmad Jannati comme nouveau président.
L’Assemblée supervise les actions du Guide suprême Ali Khamenei, et, le moment venu, sélectionnera son successeur. Cela fait de Jannati l’un des personnages les plus puissants d’Iran, probablement le plus puissant.
Ahmad Jannati, largement décrit comme le plus radical des responsables religieux iraniens, s’oppose à toute notion de réforme politique iranienne. Il soutient l’exécution des dissidents politiques. Il insiste pour que les femmes iraniennes se couvrent avec un hijab. Cela va sans dire, il exècre Israël. Et les Etats-Unis par la même occasion.
En 2007, Jannati a déclaré : « Au final, nous sommes un régime anti-américain. L’Amérique est notre ennemi, et nous sommes les ennemis de l’Amérique. L’hostilité entre nous n’est pas une question personnelle. C’est une question de principe. »
En 2008 : « Vous avez crié : ‘Mort au Shah’, et il est effectivement mort. Vous avez crié : ‘Mort à Israël’, et il est à présent sur son lit de mort. Vous criez : ‘Mort à l’Amérique’, et bientôt, si Allah le veut, la prière pour les morts sera récitée pour elle. »
Et en 2014 : « ‘Mort à l’Amérique’ [est] la première option sur notre table… C’est le slogan de tout notre peuple, sans exception. C’est notre premier slogan. »
Etant donné que les Etats-Unis ont mené l’année dernière le processus diplomatique qui a culminé dans un accord pour brider (mais pas démanteler) le programme nucléaire iranien ; étant donné que le président Barack Obama a exhorté l’Iran à « progresser vers une relation plus constructive avec la communauté mondiale » ; étant donné que l’Iran est un Etat soutien du terrorisme et un fauteur de troubles régional ; étant donné que l’Iran continue à développer son programme balistique… Vous pourriez être pardonnés de penser que le choix d’un Jannati, radicalement hostile, soulèverait des « interrogations légitimes sur la direction » dans laquelle l’Iran pourrait se diriger, « et quel genre de politiques il pourrait adopter ».
Et effectivement, un jour avant d’être interrogé sur Liberman, Mark Toner, du département d’Etat, a été interrogé pendant sa conférence de presse quotidienne au sujet de Jannati. A-t-il exprimé sa consternation qu’un fonctionnaire si viscéralement hostile aux Etats-Unis et à Israël soit nommé à un rôle si prestigieux ? A-t-il communiqué les inquiétudes de l’Amérique sur le message sinistre que représente la nomination de Jannati ? Non, il ne l’a pas fait.
Voici l’échange complet :
Question : « Vous avez vu, je n’en doute pas, les informations sur Ahmad Jannati, religieux anti-occidental de 90 ans, qui a été nommé à la tête de l’Assemblée des experts iranienne, en charge de la sélection du prochain Guide suprême. Est-ce une bonne chose ? Est-ce une mauvaise chose ? Et cela suggère-t-il que l’Iran pourrait se diriger vers une position plus pro-occidentale, plus ouverte à l’Occident ? »
Question : « Ou faites-vous confiance aux procédures démocratiques iraniennes internes ? » (Rires)
Mark Toner : « Laissez-moi vérifier si j’ai quelque chose de concis à dire à ce propos. »
Question : « Et voyez-vous l’Iran comme un allié dans la lutte contre le terrorisme ? » (Rires)
Toner : « Vous parlez de – oui, non. Allez-y les gars. (Rires). Nous suivons de près les évènements intérieurs en Iran, comme vous le savez, mais nous n’avons aucun commentaire à ce moment sur le résultat des élections à la direction de l’Assemblée des experts. »
S’interroger sur la direction d’Israël, après que Liberman, promettant de s’engager vers la paix, a rejoint la coalition. Mais rester silencieux sur la direction de l’Iran, après que Jannati, un homme qui cherche ouvertement à détruire les Etats-Unis, est élu à la tête de l’Assemblée des experts.
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