Tsahal estime que l’État islamique va attaquer Israël
Lors d'une rencontre avec la presse, des officiers de l'armée israélienne ont fait le point sur les menaces venant des fronts nord, sud et en Cisjordanie
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
L’organisation terroriste de l’Etat islamique a clairement fait savoir qu’Israël était sa prochaine cible, ont indiqué mardi des officiers de haut rang de l’armée israélienne lors d’un briefing avec des journalistes.
L’organisation affiliée à l’EI dans la péninsule du Sinaï, Wilayat Sinaa, combat l’armée égyptienne dans une guerre sanglante, mais l’armée estime que le groupe terroriste finira par se retourner contre Israël.
Le conflit avec les djihadistes ne va pas nécessairement se produire « demain ni l’année prochaine, » avait déclaré le mois dernier un officier de Tsahal au Times of Israel, mais il aura lieu.
Le chef du groupe, Abou Bakr Al-Baghdadi avait publié en décembre une menace explicite contre Israël, la première indication de ce type que l’Etat juif figurait sur son ordre du jour.
Dans un enregistrement audio publié sur les médias sociaux, Al-Baghdadi avait averti que ses forces allaient « rencontrer bientôt [les Juifs] en Palestine, » avait rapporté la Deuxième chaîne de télévision.
« Israël va payer un lourd tribut des mains de nos combattants », avait déclaré le chef insaisissable du groupe terroriste. « La Palestine ne sera ni votre terre ni votre maison, » avait-il ajouté. « Elle sera pour vous un cimetière. Allah vous a réunis en Palestine afin que les Musulmans puissent vous tuer ».
Le briefing de mardi a abordé la plupart des sujets soulevés aussi dans le discours exhaustif du chef d’état-major de Tsahal Gadi Eizenkot sur les menaces posées par le Hezbollah à la frontière nord d’Israël, du Hamas à Gaza, de l’État islamique dans le Sinaï et de la poursuite des violences en Cisjordanie.
Eizenkot avait parlé au colloque de l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) qui s’est tenu la semaine dernière à Tel-Aviv.
Le front nord
Le Hezbollah, la principale menace à la sécurité d’Israël, ne recevra pas la manne de trésorerie que certains avaient prévue avec la fin des sanctions contre l’Iran, son principal bienfaiteur, selon les responsables de Tsahal.
Un Iran nouvellement libéré de sanctions utilisera probablement la grande majorité des nouveaux fonds à sa disposition pour réinvestir dans sa propre économie en difficulté, plutôt que de financer le groupe terroriste, ont dit les officiers.
Selon l’évaluation de Tsahal, le Hezbollah présente encore un obstacle sérieux à la sécurité d’Israël, même sans financement supplémentaire iranien.
Bien qu’il n’y ait pas de menace imminente d’attaque dans le nord d’Israël, un petit incident pourrait provoquer accidentellement un plus grand conflit avec le groupe terroriste chiite, ont indiqué les responsables.
« L’armée israélienne doit être préparée pour le déclenchement d’une guerre dans une très courte période. Ce serait une erreur de mettre toutes nos ressources dans la lutte contre le terrorisme », avait déclaré Eizenkot lors de la conférence INSS le 18 janvier.
Israël évalue l’arsenal du Hezbollah à 100 000 roquettes à courte portée capables de frapper le nord du pays, ainsi que plusieurs milliers de missiles pouvant atteindre Tel-Aviv et le centre d’Israël, et des centaines d’autres capables d’atteindre l’ensemble du pays.
Ce grand conflit entraînerait probablement que des avions israéliens soient abattus par l’important équipement anti-aérien du Hezbollah, que l’aéroport international Ben Gurion soit fermé ; que des navires de guerre israéliens soient la cible du redoutable missile anti-navire russe Yakhont, qui pourrait faire des ravages sur l’industrie du transport maritime d’Israël ; et que des soldats soient capturés, exigeant qu’Israël négocie pour leur retour, ont dit les officiers de Tsahal.
« La prochaine guerre sera différente », a déclaré un responsable militaire.
« Le Hezbollah a transformé la plupart des villages chiites dans le sud du Liban en bastions [militaires]. Ils se sont tournés vers une stratégie de bataille souterraine en déplaçant la bataille sur notre territoire. Hezbollah a creusé des tunnels, même avant que le Hamas ne le fasse ».
Mais le Hezbollah, qui a déjà perdu plus de 1 300 combattants depuis le début du conflit en Syrie, ne poussera probablement pas à la reprise du conflit avec Israël, a indiqué l’armée.
« Les Etats-Unis restent inquiets de certaines des activités dans lesquelles l’Iran est engagé dans d’autres pays », a déclaré John Kerry aux journalistes samedi, citant comme exemple « le soutien [de l’Iran] à des groupes terroristes comme le Hezbollah ». Le Secrétaire américain avait, quant à lui, évalué l’arsenal du groupe terroriste chiite à « plus de 80 000 roquettes ».
Le Trésor américain avait estimé le 22 janvier à 55 milliards de dollars la somme que Téhéran devait empocher suite à la levée des sanctions.
Interrogé par la chaîne américaine CNBC en marge du Forum économique de Davos pour savoir si une partie de ces 55 milliards de dollars allait « tomber dans les mains de terroristes », Kerry a répondu : « Je pense qu’une partie finira dans les mains du CGR (les Gardiens de la révolution, l’armée d’élite du régime iranien, Ndlr) ou d’autres entités, dont certaines sont classées terroristes ».
« Je ne vais pas m’asseoir ici et vous dire que chaque composante de cela peut être empêchée », a admis le secrétaire d’Etat.
Juridiquement, le département d’Etat, qui a autorité sur les classements d’ « organisations terroristes étrangères » n’a pas inscrit les Gardiens de la révolution sur sa liste noire, malgré les demandes du Congrès.
En revanche, la force Qods, chargée des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, est considérée depuis 2007 par le Trésor américain comme une « entité terroriste ». De même pour le Hezbollah chiite libanais soutenu par l’Iran.
« Si nous les attrapons (l’Iran, Ndlr) en train de financer du terrorisme, ils auront bien entendu un problème avec le Congrès des Etats-Unis et avec d’autres », a par la suite expliqué à quelques journalistes le chef de la diplomatie américaine.
« J’essaie juste d’être honnête. Je ne peux pas dire aux gens, non, il n’y aura pas d’argent (…) Mais nous ne pensons que c’est ce qui a fait la différence dans les activités de l’Iran dans la région », avait-il ajouté.
Le front sud
Mise à part la menace de l’État islamique dans le Sinaï, l’armée israélienne est également confrontée aux menaces imminentes en provenance du Hamas qui contrôle la bande de Gaza.
Nonobstant les tirs de roquettes de la semaine dernière, la bande de Gaza a été relativement calme.
Malgré ce calme, le Hamas se prépare au prochain cycle d’hostilités, en creusant des tunnels, en formant des combattants et en fabriquant de nouvelles roquettes, ont indiqué les responsables militaires.
La terreur palestinienne locale
Alors que l’armée israélienne gère les menaces des milices organisées non-étatiques comme le Hezbollah et Wilayat Sinaa aux frontières du pays, l’armée doit également faire face à l’actuelle violence en Israël et en Cisjordanie.
Depuis le 1er octobre, avec l’assassinat d’Eitam et Naama Henkin, des centaines d’Israéliens ont été tués ou blessés dans des attaques par tirs, au couteau et à la voiture bélier.
Les trois dernières attaques au couteau ont eu lieu dans des implantations en Cisjordanie, et ont été particulièrement meurtrières – deux des quatre Israéliens qui ont été attaqués ont succombé à leurs blessures : Shlomit Krigman, 23 ans, et Dafna Meir, 38 ans, une mère de six enfants.
Ce genre d’attaques présente un nouveau défi pour l’armée et la police, qui doivent maintenant lutter pour protéger les civils à l’intérieur comme à l’extérieur des implantations juives en Cisjordanie.
En raison du « succès » de ce style d’attaques, Tsahal prévoit que les terroristes palestiniens vont adopter la méthode consistant à s’introduire dans les implantations israéliennes et y attaquer les résidents, ont estimé les officiers de l’armée.
Tout au long de l’actuelle violence, que Tsahal décrit comme un « soulèvement limité », l’armée a tenté de ne pas perturber la majorité de la population palestinienne tout en agissant contre ceux qui jettent des pierres et des cocktails Molotov.
Cependant à la lumière des récentes attaques, l’armée a été amenée à sévir, en empêchant les travailleurs palestiniens d’entrer dans des implantations juives et en fermant l’accès au village natal de l’un des terroristes qui a perpétré l’attaque de lundi soir à Beit Horon.
Tout en affirmant que ces restrictions sont nécessaires afin d’assurer la sécurité des citoyens israéliens, l’armée israélienne va également pousser pour alléger ces mesures et permettre aux Palestiniens de mener leur vie, afin de favoriser le calme, ont dit les officiers.