Un district scolaire de Caroline du Sud réautorise un roman sur le « meurtre rituel »
Le district du comté de Beaufort avait retiré The Fixer il y a un an, suite aux inquiétudes du groupe conservateur Moms for Liberty concernant le contenu "controversé"

JTA – Un district scolaire de Caroline du Sud remettra en rayon The Fixer (« L’homme de Kiev ») de Bernard Malamud, un roman sur l’antisémitisme récompensé par le prix Pulitzer, près d’un an après qu’il a été retiré à la suite d’une plainte parentale.
La décision prise mercredi par un comité de révision du district scolaire du comté de Beaufort met fin à un nouvel épisode au cours duquel un livre juif s’est retrouvé pris au piège d’une campagne nationale d’interdiction de livres menée par des parents conservateurs.
Le district avait retiré The Fixer et d’autres livres des bibliothèques scolaires à l’automne dernier, en invoquant des problèmes de sécurité pour le personnel de l’école. Le roman de Malamud figurait sur une longue liste de près de 100 livres contestés par un parent affilié à Moms for Liberty, un groupe d’activistes à l’origine du mouvement d’interdiction des livres. Booklooks.org, un site d’évaluation souvent cité par Moms for Liberty, indique que The Fixer contient « des commentaires religieux et raciaux controversés, de la haine impliquant du racisme, de la violence, y compris de l’automutilation, et des blasphèmes ».
Le comité a voté mercredi pour que The Fixer et quatre autres livres soient remis sur les étagères des bibliothèques scolaires, selon le compte-rendu de la réunion qu’un porte-parole du district a communiqué à la Jewish Telegraphic Agency. Le conseil d’administration de l’école doit approuver la décision, mais il a jusqu’à présent approuvé toutes les recommandations de la commission. (L’un des livres examinés a été retiré définitivement, tandis qu’un autre a été soumis à un nouveau processus d’examen).
« Je suis soulagée que la commission ait jugé le texte approprié et j’espère que le conseil acceptera de le remettre en rayon », a déclaré Emily Mayer, une ancienne éducatrice juive du comté de Beaufort qui a fait pression contre l’interdiction des livres, à la JTA.
Mais, a-t-elle ajouté, « je ne pense pas qu’il aurait dû être remis en question dès le départ, car je ne peux pas imaginer que beaucoup d’élèves aient emprunté ‘The Fixer’ à la bibliothèque jusqu’à présent ».
« Permettre aux élèves d’accéder à des textes qui leur donnent diverses perspectives sur des événements historiques nous aide à nous assurer que l’histoire ne se répétera pas. »

The Fixer n’est pas le premier livre juif à être retiré des écoles à la suite d’une contestation parentale, et ce n’est pas non plus la première fois qu’un tel retrait est annulé. Un district scolaire du Texas est rapidement revenu sur sa décision de retirer une version illustrée du Journal d’Anne Frank à la suite d’un tollé général l’année dernière, tandis qu’un district du Missouri a récemment voté en faveur du maintien à l’école de Maus, le mémoire graphique d’Art Spiegelman sur la Shoah, malgré les craintes que la loi de l’État ne mette les éducateurs en danger juridique pour avoir agi de la sorte.
Mais les nouvelles versions ne sont pas toujours une solution. Cette même édition illustrée du Journal de Frank, ainsi que Maus, un roman de Jodi Picoult sur la Shoah et un livre pour enfants sur Pourim mettant en scène des parents LGBTQ, ont été définitivement retirés d’autres districts, dans tous les cas parce que des parents ou des responsables estimaient que leur contenu n’était pas approprié pour les enfants.
The Fixer revêt une importance historique particulière dans cette bataille, car il a également été au centre d’une affaire jugée par la Cour suprême en 1982 sur la constitutionnalité des interdictions de livres dans les bibliothèques scolaires. Cette affaire s’est terminée sans que la Cour n’ait établi de précédent clair.
Le roman retrace l’histoire d’un ouvrier juif de Kiev, Mendel Beilis, accusé en 1911 d’avoir assassiné un garçon chrétien et d’avoir utilisé son sang pour faire de la matza – un exemple classique d’accusation de sang, une accusation antisémite selon laquelle les Juifs assassinent des enfants et utilisent leur sang pour des rituels religieux – blood libel en anglais ou encore alilat dam en hébreu.
Au fil des ans, la famille de Beilis a vivement critiqué Malamud pour son portrait de Mendel, affirmant même que l’auteur avait plagié ses journaux intimes. Pourtant, le petit-fils Jay Beilis, qui a longtemps fait campagne contre le livre, a déclaré à la JTA : « Je ne vais pas me réjouir de l’interdiction du livre. »
Malamud lui-même, qui a remporté le prix Pulitzer pour The Fixer en 1967, avait commenté les interdictions de livres dans la période précédant l’affaire de la Cour suprême de 1982.
« J’aimerais que les membres des conseils d’administration des écoles et les autres personnes qui veulent interdire des livres fassent l’effort de les comprendre avant de les retirer des rayons des bibliothèques », avait-il déclaré en 1976, dix ans avant sa mort.
« S’ils lisaient The Fixer, ils réclameraient peut-être que plus d’élèves le lisent. »