Un hommage rendu aux soldats haredis morts au combat – malgré les manifestations
Un ministre druze affirme que “pas même mort”, il ne laissera les extrémistes religieux faire honte à un soldat ultra-orthodoxe
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Des dizaines de personnes se sont rassemblées lundi, Yom HaZikaron, pour rendre hommage aux soldats ultra-orthodoxes d’Israël, souvent oubliés, sur la tombe du soldat Yitzhak Levinstein, au cimetière Zichron Meir de Bnei Brak, près de Tel Aviv.
Le service a été interrompu plusieurs fois, car des membres de la communauté ultra-orthodoxe ont crié et parfois poussé les participants, avant que la police ne soit appelée pour les maintenir à l’écart.
Le monde ultra-orthodoxe évite généralement le service militaire, et la société civile en générale, et ceux qui servent dans l’armée israélienne le font souvent contre l’accord de leurs parents. Ainsi, les tombes des soldats ultra-orthodoxes ne sont généralement pas visitées pour Yom HaZikaron, même si quelques yeshivas cherchent à changer cela.
Il n’y a pas de chiffre officiel précisant combien d’ultra-orthodoxes font partie des 23 544 soldats tombés au combat, à qui un hommage est rendu pour Yom HaZikaron, mais le chiffre est probablement de quelques centaines.
La cérémonie était organisée par l’association de droite Im Tirtzu et la branche ultra-orthodoxe du Likud. C’est la deuxième année qu’un tel service est organisé pour les soldats ultra-orthodoxes, mais la première avait été rapidement dépassée par les manifestants et avait dû s’arrêter prématurément.
Lundi, les personnes présentes se sont rassemblées autour de la tombe de Yitzhak Levinstein, né à Jaffa en 1950.
Il avait 17 ans quand il a été tué le 25 octobre 1967, le jour de la fête juive d’Hoshanna Rabba [dernier jour de Souccot]. Il s’était enrôlé dans l’armée israélienne trois mois auparavant.
Levinstein a été abattu dans une embuscade de terroristes jordaniens pendant qu’il gardait le pont de Damia, qui relie la Jordanie à la Cisjordanie.
Yaakov Vider, membre du Likud de Bnei Brak, qui a organisé la cérémonie, a raconté l’histoire de Yitzhak Fisher, un autre soldat ultra-orthodoxe enterré dans le cimetière de Bnei Brak.
A l’époque, comme aujourd’hui, la question du service militaire des Juifs ultra-orthodoxes, appelés haredim, était difficile. Ses parents et rabbins ont tenté de le convaincre de ne pas rejoindre l’armée, pour qu’il passe son temps à étudier, « mais il a insisté pour faire son devoir et s’est enrôlé », a dit Vider.
En 1969, Fisher a vu un fermier être touché par un obus égyptien dans le sud d’Israël. Il s’est précipité pour aider l’homme, mais la salve suivante les a tués tous les deux.
Les participants à la cérémonie représentaient une grande partie du spectre religieux d’Israël. Une poignée d’ultra-orthodoxes avec une kippa en velours noir étaient présents, mais la plupart de la foule était composée d’orthodoxes modernes, en kippa tricotée, ainsi que de Juifs laïcs et d’un Druze israélien, le ministre du Likud Ayoub Kara.
Alors que Vider, Kara et Matan Peleg, le directeur d’Im Tirtzu, s’adressaient à la foule, leurs propos ont été noyés plusieurs fois par les cris de protestation d’une dizaine d’hommes haredis.
« Pourquoi faites-vous cela ici ? a crié un homme. Pourquoi est-ce que vous n’êtes pas à Tel Aviv ? Ce n’est que politique. »
Un deuxième, l’un des plus bruyants, a crié que « les soldats morts sont une tragédie, comme les Juifs qui profanent Shabbat. »
L’homme a ensuite accusé Israël de mener un « holocauste du judaïsme » en autorisant le sécularisme à prospérer.
Après quelques minutes, la police est arrivée sur place et a repoussé les manifestants de l’autre côté du cimetière, où ils ont continué à crier, mais de manière moins audible.
Un autre manifestant a critiqué le fait qu’hommes et femmes servent ensemble dans l’armée israélienne. « Vous avez tué nos fils et nos filles », a-t-il crié, avant d’être repoussé par un policier.
Une femme présente à la cérémonie a plaisanté en disant qu’elle devrait commencer à chanter afin d’éloigner les manifestants, puisque les hommes ultra-orthodoxes refusent d’entendre une femme chanter, car ils considèrent que c’est impudique.
Un soldat présent à la cérémonie, qui habite à Bnei Brak et a demandé à ne pas être nommé, a dit qu’il avait entendu parler de la cérémonie de l’année dernière, et qu’il avait décidé d’assister à celle-ci parce qu’il craignait qu’il y ait peu de monde. Il était inquiet que sa photographie puisse être diffusée sur internet en raison de la couverture médiatique de l’évènement. « Mais c’est bon, ça va bien se passer », a-t-il dit.
Les ultra-orthodoxes ont parfois attaqué des soldats israéliens, particulièrement ceux qui sont eux-mêmes ultra-orthodoxes, dans des quartiers de Bnei Brak, à Mea Shearim, un quartier de Jérusalem, et dans certains secteurs de Beit Shemesh.
Pendant son discours, Kara a dénoncé ce phénomène d’ « extrémisme religieux » en Israël, montrant les manifestants ultra-orthodoxes présents dans le cimetière.
Le ministre a déclaré que, « pas même mort », il ne permettrait qu’un « soldat haredi ait honte de son service. »
Peleg a rappelé qu’il « y a toujours des haredim qui gardent nos frontières », et a espéré qu’ils soient mieux intégrés.
« Il n’y a pas de fracture dans notre société, juste des tensions qui doivent être surmontées », a-t-il dit.
Les organisateurs ont espéré qu’encore plus de personnes seront présentes au service de l’année prochaine, pour mieux noyer les manifestants et montrer plus de respects aux soldats haredis.
Le service s’est terminé par l’hymne national, l’Hatikva, et la chanson traditionnelle « Ani Maamin ».
Sur la sortie, beaucoup des participants se sont arrêtés pour prier ensemble avant de se diriger vers les célébrations de Yom HaAtsmaout, qui commençaient quelques heures après.