Un Nobel tunisien dénonce le classement du Hezbollah comme « terroriste »
La Tunisie est un pays sunnite très sensible à la défense de la cause palestinienne ; le Hezbollah combat Israël depuis sa création
Le principal syndicat tunisien (UGTT), membre du quartette lauréat du prix Nobel de la paix en 2015, a dénoncé jeudi la décision des monarchies du Golfe de classer le mouvement chiite libanais Hezbollah comme « terroriste ».
Un autre membre de ce quartette, l’Ordre des avocats, a de son côté critiqué le soutien apporté par les ministres de l’Intérieur arabes, et notamment tunisien, à cette décision du Conseil de coopération du Golfe (CCG).
Mercredi, les monarchies sunnites du CCG (Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Koweït, Emirats arabes unis et Oman) ont classé comme « terroriste » le Hezbollah, un qualificatif ensuite repris dans la soirée par les ministres de l’Intérieur des pays arabes réunis à Tunis.
Ces derniers ont condamné dans un communiqué « les pratiques et les actes dangereux du Hezbollah terroriste pour déstabiliser la sécurité dans certains pays arabes ». La délégation du Liban s’est distanciée de cette position.
L’UGTT, Nobel de la paix au titre du dialogue national ayant permis en 2013 de sauver la transition démocratique dans le pays, a affirmé jeudi rejeter la « décision étrange » du CCG concernant le Hezbollah, « symbole de la lutte nationale » libanaise contre Israël.
Cette décision a été prise « dans le cadre d’une offensive dirigée par des forces étrangères et régionales pour diviser la nation arabe et détruire ses forces au profit des forces (…) sionistes et rétrogrades », a estimé l’UGTT dans un communiqué.
Le syndicat a exhorté le gouvernement tunisien à se désolidariser de la mesure, « qui ne sert ni l’intérêt du pays, ni celui de la nation arabe » et demandé à « toutes les forces nationales et démocratiques de faire face à cette décision ».
De son côté, le président de l’Ordre des avocats Mohamed al-Fadel Mahfouz a souligné dans un communiqué son « refus de voir le gouvernement tunisien prendre une telle direction dangereuse » et a appelé toutes les « forces vives en Tunisie et dans le monde arabe à faire pression sur les gouvernements pour revenir sur leur décision ».
Le ministre tunisien des Affaires étrangères Khemaies Jhinaoui a quant à lui affirmé dans une entrevue à la télévision que la décision des ministres arabes « ne représentait pas la position de la Tunisie », malgré la signature de son ministre de l’Intérieur Hédi Majdoub.
Les décisions officielles de la Tunisie sont annoncées par le président de la République ou le ministère des Affaires étrangères, a-t-il souligné.
La mesure prise contre le Hezbollah par le CCG intervient dans un contexte de forte tension entre Ryad et le mouvement chiite libanais, accusé de servir de tête de pont à l’Iran chiite et de s’ingérer dans les affaires des pays arabes.
Le classement du Hezbollah comme organisation « terroriste » a fait l’objet de critiques sur les réseaux sociaux en Tunisie, un pays sunnite mais qui est aussi très sensible à la défense de la cause palestinienne –l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a siégé à Tunis de 1982 à 1994–.